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Notre avenir flou

sphynx
Que veulent les royalistes ? Un roi, mais encore et lequel ?
Si le principe monarchique était le seul à guider leurs espérances, ils parviendraient relativement vite à une synthèse dans l'application des "lois du royaume" au monde contemporain, que les rois ont quitté depuis 160 ans bientôt. Nous nous recentrerions sur l'essentiel : pérennité de l'état qui shunte les gouvernements majoritaires ou coalisés successifs, incarnation de la nation, réceptacle unitaire de l'affect populaire, modérateur politique, chef des armées et in fine arbitre du dernier recours. Selon l'évolution de la réflexion nationale, la crémaillère pourrait prendre un ou deux crans sur l'axe d'effort essentiel du pays à long terme, mais pour cela faudrait-il encore que le pays se connaisse un dessein, ce qui n'est plus notre cas.

Dans le billet précédent nous arguions de la connaissance intime des familles royales voisines dont dispose le peuple pour privilégier une réforme de la pointe de la pyramide actuelle sans trop bouleverser les habitudes prises et les intérêts catégoriels, à commencer par les prébendes héréditaires de la classe politique. Jusque là tout va bien, à peu près bien, mais les choses vont vite se gâter si on accroît le champ d’application. Deux éléments sont à prendre en compte : l’amalgame régime et social ; la divergence des desseins.

Régime politique et société

La dispute au sein du milieu royaliste va être déclenchée déjà par la fusion souhaitée par beaucoup d’entre nous entre l'étage de la construction politique et l'étage social, ce dernier comprenant bien sûr la religion traditionnelle du pays. Le roi doit être, dire et faire ceci et cela, et surtout pas cela et ceci. Et chaque obédience de pousser son catalogue d'intransigeances, qui a le gros défaut d'être fort différent du catalogue de l'obédience soeur, cousine ou voisine.

Le ton monte vite dès lors que vous critiquez, selon une optique strictement constitutionnelle, les proclamations définitives de ceux-là sur des questions subalternes de société comme l'avortement, l'immigration, le sida et l'abstinence, l'éducation religieuse, l’érection des mosquées, les allocations familiales et plein de choses qui ont rétrospectivement un écho certain de la France d'Ancien régime, mais qui, d'un point de vue strictement politique, sont accessoires voire étrangères au système monarchique. On appelle cela les valeurs royalistes sans se douter que ce disant, il y a captation d'héritage, ou plus justement bourrage.

Le bâton de fer dans la roue du carrosse est le droit canon catholique. Malgré le raccord a priori impeccable que l'on sait faire aujourd'hui dans le milieu ultra avec l'ancienne monarchie de droit divin que nous livrent les textes, on oublie un peu vite que le roi de France n'eut de cesse de prendre ses distances avec le saint Siège, jusqu'à caresser la tentation d'un pouvoir gallican sur le modèle anglais, ce qui aurait tranché le nœud gordien, non avec Dieu mais avec son vicaire. Les temps ont changé, les vicaires aussi, mais les ouailles qui restent, pas vraiment.

Soyons réalistes, dans un pays où quatre pour cent de la population passe de temps en temps le porche des églises, il est un peu présomptueux de brandir la lieutenance du Christ-roi dans la parfaite obéissance au saint Père. Si la collusion semble encore aujourd'hui irrémédiable, peut-être qu'à un pour cent elle décantera. Ce qui mettra mal les tenants d’un retour du roi par la re-christianisation du pays qui, dit en passant, dévoile une méconnaissance du haut et bas clergé de France. L’imaginer en fourrier de la maison capétienne reste osé, même s’il y a des exceptions.

Divergence des desseins

L'autre pierre d'achoppement est plus grave car elle empiète carrément sur le domaine politique et encombre le chantier de reconstruction de la monarchie : Quel est le dessein pour la France qui pourrait être ressuscité ?
Et là, ça par dans tous les sens.

Le mouvement majoritaire chez les royalistes est le mouvement souverainiste, avec une gradation qui épouse les partis "officiels" de cette tendance. Ca part du blocage autiste du Mouvement pour la France, passe par la vision adaptable du FN-MNR, puis par les socialistes patriotiques de Chevènement, pour finir à la LCR chauvine.

On se rengorge d'avoir atteint 55% de « non » tous ensemble au référendum constitutionnel dans une alliance éphémère des carpes et lapins. Ces 55% ne se retrouvent pas dans les décomptes actuels de la campagne présidentielle et les accédants probables au dernier rush ont tous appelé à voter "oui" sauf un. Sans faire un gros paragraphe sur l'Europe institutionnelle, un royaliste peut-il s'arrêter un instant sur le globe terrestre qui lui sert de bar roulant au salon ? Au pantographe du monde d'aujourd'hui et de demain, la France n'est plus une puissance, et ça lui coûte une fortune de vouloir le cacher. Elle a mieux à faire pour rester au premier rang que de jouer l'éternel contempteur de l'hyperpuissance. Encore y joue-t-elle en agitant, autant qu'elle le peut, les institutions militaires et diplomatiques de l'Union européenne, car "seule au monde", elle aurait depuis longtemps disparu des écrans radars, et ne serait déjà plus le premier des Petits. Ceci n'empêche pas certains souverainistes de réclamer pour la France à la fois un statut helvétique en Europe, au motif que "small is beautiful, la preuve !" et un siège prépondérant à l'ONU avec droit mondial de veto.

D’autres dont je suis, préfèrent un renforcement d’une certaine Europe pour atteindre la masse critique d’influence aux tables de négociations du Monde, et privilégient la solidarité atlantique parce qu’elle est la seule actionnable en cas de danger. Il y a bien d’autres projets, tous différents.

Quel est le dessein français caressé par les princes ? Difficile à déchiffrer.
L'un revendique ses droits depuis le Nouveau Monde et commémore à tout crin ; un autre s'avance comme prince français et chrétien, et se soucie d'abord du patrimoine du pays et des traces des Croisades ; le premier d'entre eux est fasciné par l'écologie divine planétaire et l'accès du Tiers-monde à l'eau, comme Danielle Mitterrand. Pourtant la séquence des questions est assez simple, surtout pour quelqu’un éduqué au sein de familles internationales comme le sont toutes les maisons royales. Quelques questions jamais ou rarement posées :

- comment assurer notre accès à l'énergie et aux matières premières, concrètement ?
- comment assurer la sécurité de nos populations vis à vis de menaces infiltrées, extérieures et en cas de guerre ouverte, concrètement ?
- comment inverser la dégradation de notre pyramide démographique qui mine la solidarité intergénérationnelle et nous pousse au conflit d'intérêts, concrètement ?
- a-t-on l'ambition de développer ce grec moderne qu’est la langue mathématique française, par tout le monde comme vecteur d'échanges de connaissances élitistes et comment, concrètement ?
- veut-on faire de lourds sacrifices de notre confort pour affûter la ressource d'intelligence qui est la vraie matière première de demain, et comment, concrètement ?
- quelle spécificité nationale voudrons-nous privilégier et promouvoir pour marquer notre temps sur l’espace de ce grand monde dont nous fûmes un repère, si nous en avons l'ambition ?
- quelle France risquons-nous de laisser à nos enfants si nous ne faisons rien ?

Si nos seigneurs veulent bien se donner la peine nous serions plus qu'honorés, partants !

Le dernier prince à déclarer (ou rappeler) ses choix est Sixte-Henri de Bourbon Parme à propos de la campagne présidentielle en cours. L’interview est sur France Royaliste. Il s'applique à donner quelques clés politiques et soutient les références souverainistes du Front national. Il a le mérite de la clarté.
Jean de France a donné une interview à Télé Star.
On attend le livre blanc du comte de Paris promis pour ce mois de mars.

Commentaires

  1. Et bien, jamais je ne me serais attendu à trouver quelqu'un qui exprimerait avec tant de talent les pensées restées latentes dans mon esprit, surtout en ce qui concerne l'Europe... Bravo
    Quoique le fin soit un peu confuse...

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  2. Eclairez ma confusion que je lève le doute.

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