lundi 16 avril 2007

Chasse à courre

 

Tyndare de PérinetFaçon d'épauler la candidature d'un chasseur, voici un billet sur un sport sulfureux, la chasse à courre. Eliminons d'entrée les veneurs en Land Rover et autres métèques de la ville qui courent pour la photo avantageuse. Parlons vènerie. Jetons aussi par dessus les moulins de la vanité les viandards abonnés aux chasses d'infirmes et les trop nombreux parachutistes du dimanche qui traquent les fells et les lapins en tenue camouflée pour voir sans être vu ni que leur sueur ne soit perçue par la bête !

Toute chasse est un art. La vènerie est le plus abouti. La Société de Vènerie nous dit gravement que "La chasse à courre est un mode de chasse ancestral qui consiste à poursuivre un animal sauvage avec une meute de chiens, jusqu'à sa prise éventuelle. Seuls les chiens chassent grâce à leur odorat et leur instinct naturel de prédateur, l'homme n'étant là que pour les assister. On chasse à courre en France le cerf, le chevreuil, le sanglier, le renard et le lièvre". Bientôt le loup ?!

 


Le Vol ce l'est - courtoisie Chasses du Monde


Cet art reconnaît la collaboration de l'homme, de l'animal et de la nature en une unité de lieu et de temps dans le plus grand espace de liberté qui soit. Le gibier n'est pas tiré par surprise, à l'affût, ni piégé d'aucune façon. Il doit participer. L'intérêt - sauf à se nourrir dans les temps antiques - fut toujours d'égaliser les chances de chacun, en confiant à l'homme ce qui restait propre à son génie particulier, la présomption, le pronostic et le codex. Quels sont-ils donc ces participants ?

La nature d'abord.
Quel intérêt y aurait-il à chasser l'antilope dans le désert de Dubaï ? Aucun, mais ils y viendront quand même, nous imitant en tout. C'est la variété du pays qui fait le charme de la vènerie, entrelaçant les difficultés de parcours, les lisières de déception, les bois de repose, les étangs qui coupent la voie aux chiens, les prairies de relance, les pistes fausses et sures.
A savoir la beauté et la diversité de nos terroirs, on se doute bien que la chasse à courre y garde un bel avenir, du moins si les culs-de-jatte de la ville n'arrivent pas à égalitariser tout cela au motif de ne pas désespérer les nouveaux Billancourt.

Vieux dix-cors
Le gibier.
Contrairement à la chasse à tir, l'exercice de la vènerie contribue à l'amélioration des races de gibier parce qu'elle y développe les caractères de ruse et d'endurance. Le cerf est l'animal le plus prestigieux et souvent plus intelligent qu'il n'y paraît, mais le renard est le plus sportif car aussi malin que le maître d'équipage et dix fois plus qu'un grand bleu de Gascogne que l'on ne mettra pas sur sa piste.

chien courantLes chiens.
L'originalité du chien de chasse à courre est double. Il chasse (1)en meute sur (2)une seule espèce. On comprend bien que toutes les races de chiens de chasse n'ont pas ces prédispositions. La meute est donc une création humaine à base d'un matériau choisi en fonction des ressources et profils du terroir considéré. Les qualités recherchées chez le chien de vènerie sont la finesse de nez d'abord, l'intelligence de la quête ensuite, et pour y parvenir une ossature, gage d'endurance dans des conditions extrêmes - les chiens s'encouragent mutuellement jusqu'au-delà de leurs limites propres -, la vitesse évidemment, la résistance nerveuse - un courant ne se décourage pas - et la gorge, sa voix pour le repérer à l'ouïe. On les appelle "Chiens d'Ordre", car ils sont conformés à un équipage donné.
Peu de races sont élues. La Société de Vènerie en distingue huit sans les bassets. Ma préférence va au Blanc et Noir issu de vieux gascons anglaisés. C'est un costaud qui a l'acharnement du grand bleu. S'il n'a pas inventé la poudre c'est qu'il n'en a pas besoin. Il pousse, il pousse ...

Le centaure.
Lui c'est le phénomène, hors-nature, quoique les grands anciens nous aient cité cette espèce dans des voyages initiatiques à l'aurore des temps. Les premiers auraient été les Celtes, après les Chinois certainement puisqu'ils ont tout fait les premiers. Le centaure sait tout de la chasse. Il ressent tout ce que ressentent les chiens et le gibier, il prévoit comme eux la pluie, le vent, le changement d'allure, la ruse à choisir parmi cent. Il est sur son terroir comme le gibier, ils le partagent ensemble. Quatre fois sur cinq ils se quittent sans s'être vus, et si l'un est rasséréné d'avoir gagné, l'autre l'est également pour posséder dans son univers de vènerie un exemple d'intelligence instinctive. Le cerf vainqueur récompense le centaure s'il a lutté jusqu'au bout, le centaure !

sonneur sur l'étrierLa trompe.
Non ce n'est pas un cor, celui-ci est en mi et amuse les chasseurs ... alpins !
La trompe de chasse (en ré) est le cuivre le plus vrai car intrahissable. Pas de coulisse ni de pistons. Des dents d'appui, des lèvres forgées et un souffle de dragon, c'est tout ! C'est la trompe qui parle en vènerie. Il faut apprendre le Code. Les mots n'existent pas. Mais ce n'est pas si difficile une fois qu'on a chopé le virus. Tout est dans la fréquence des répétitions puisque c'est un instrument simple façonné par l'exécution (on peut d'ailleurs fausser une trompe).

La réunion des compétences énumérées dans une société de chasse à courre produit ce que l'on pourrait appeler une aristocratie si le terme n'était pas si galvaudé. Les grands équipages naturels sont en symbiose avec leur territoire. Autour d'eux gravitent d'authentiques écologues qui battent la campagne en leggins pour gérer leur chasse et réviser leurs paysages aux quatre saisons. La vènerie c'est aussi la convivialité rurale la plus authentique car elle respecte tout le monde, du moins les ensouchés, mais sans doute faut-il y participer pour bien comprendre cela.

 


La laie - courtoisie Chasses du Monde

Si vous êtes bon cavalier de steeple, laissez-vous inviter à une chasse à courre. Vous y découvrirez un monde qui vient de loin et qui n'entend pas s'arrêter aujourd'hui pour répondre aux vociférations des inaptes à la vraie nature. A l'inverse, trouvez une excuse pour vous abstenir, car c'est un monde plutôt dur à la peine, et qui supporte mal le teint pâlot des petits marquis restés avec les damoiselles à boire des orangeades à la paille. De toute façon, elles obéissent elles-aussi aux lois immémoriales de l'espèce humaine et choisiront les centaures à leur retour !

2 veneurs rentrants

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