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L'Anarchie + 1

fanion anarchiste fleurdeliséQui ne fut un jour anarchiste, au moins pour passer au-dessus des corps constitués afin d'en appeler directement au suprême arbitre de la sphère d’insatisfaction ?
Nier les obstacles de principes patiemment construits par les intermédiaires de pouvoir afin de se maintenir à leur étage hiérarchique est un rêve de chevalerie. Etre au roi et à personne d'autre, pas même au Cardinal comme le dirait Alexandre Dumas. Répondre à lui seul ! Les Trois mousquetaires toujours recommencés.
A tel point qu'on entend, rarement mais parfois quand même, définir le royalisme par "l'anarchie plus 1" en l'opposant à la monarchie qui est un système imbriqué de fonctions, charges et droits, destiné à se complexifier au fil du temps. Tandis que l'anarchie, quelle simplicité !
Un royaliste ne m'a-t-il pas dit hier pour définir son "obédience" dans le mouvement : "finalement je suis un Anarchiste royaliste".

A part le sympathique bordel colporté par l'expression, le proudhonisme déviant et les bombes de la bande à Bonnot, qu'est-ce donc l'anarchie ? Il suffit d'aller le demander aux Anarchistes constitués en université (mais si !) pour le savoir. On verra vite que ce monde est étranger à la "chevalerie" même s'il convoque un courage certain à l'action. Laissons-leur la parole :
...


S'il peut y avoir plusieurs variétés historiques d’anarchies, toutes ont un trait commun qui les sépare de toutes les autres variétés de sociétés humaines : la négation du principe d’autorité dans l’organisation sociale et la haine de toutes les contraintes qui procèdent des institutions basées sur ce principe. Quiconque nie l’autorité et la combat est Anarchiste.
Dans les sociétés dites civilisées, l’autorité revêt trois formes principales engendrant trois groupes de contraintes :
- Forme politique incarnée par l'Etat ;
- Forme économique aboutie dans la propriété ;
- Forme morale régentée par la religion.

L’ETAT prend l’homme au berceau, de plus en plus "public", l’immatricule sur ses registres, l’emprisonne dans sa famille s’il en a une, le livre à l’Assistance publique s’il n'en a pas, l’enserre dans le réseau de ses lois, règlements, défenses et obligations, en fait un sujet, un contribuable, un soldat, parfois un détenu ou un forçat, et en cas de guerre, un héros assassiné ou un citoyen assassin.

LA PROPRIÉTÉ régna longtemps sur les hommes avant de se limiter aux biens : sol et sous-sol, moyens de production, transport et règlement d’échanges, toutes ces valeurs d’origine et de destination communes sont devenues par la rapine, la conquête, le brigandage, le vol, la ruse ou l’exploitation, la chose d’une minorité. De la propriété des choses découle l’autorité sur les choses et ceux qui les servent, ceci étant consacré par la législation et, à l'occasion, sanctionnée par la force. Le droit d’user et d’abuser (jus utendi et abutendi) appartient au possédant, et entraîne pour le non-possédant l’obligation, s’il veut vivre, de travailler pour le compte et au profit de ceux qui ont tout volé, selon la définition fameuse de Proudhon. Etablie par les spoliateurs et appuyée sur un mécanisme de violence extrêmement réactif et puissant, la loi consacre et maintient la fortune des uns et l’indigence des autres : « La richesse des uns est faite de la misère des autres ( J.-B. Say)».

LA RELIGION est prise dans son sens le plus étendu et s’applique à tout ce qui est dogme. Elle est la troisième forme de l’autorité. Elle s’appesantit sur l’esprit et dirige la volonté ; elle enténèbre la pensée, déconcerte le jugement, ruine la raison et asservit la conscience. C’est toute la personnalité intellectuelle et morale de l’être humain qui en est l’esclave. Le dogme religieux ou même laïc - la laïcité est une religion en creux - tranche de haut, décrète, approuve ou blâme, prescrit ou défend sans appel : « Dieu le veut ou l'interdit. - La patrie l’exige. - Le droit canon le condamne. - La morale commande, la justice prohibe ».
Se propageant dans le domaine de la vie sociale, la Religion crée, entretient et développe un état de conscience et une moralité en parfait accord avec la morale d'ordre, gardienne et protectrice de la Propriété et de l’Etat, dont elle se fait la complice et dont elle devient "la gendarmerie préventive et supplémentaire".

ndlr : La guerre d'Espagne a démontré cela et Bernanos, peu susceptible d'anarchie, l'a confirmé dans ses "Grands cimetières sous la lune".

pochoir québécoisNégateurs et adversaires implacables du principe d’autorité qui, sur le plan social, revêt une poignée de privilégiés de la toute-puissance et met au service de cette poignée la loi et la force, les Anarchistes livrent un combat acharné à toutes les institutions qui procèdent de ce principe et ils appellent à cette bataille nécessaire la masse prodigieusement nombreuse de ceux qu’écrasent, affament, avilissent et tuent ces institutions. Nous voulons anéantir l’Etat, supprimer la propriété et éradiquer l’imposture religieuse, afin que tous les hommes puissent enfin - sans dieu ni maître - se diriger, d’un pas accéléré et sûr, vers les destinées de bien-être et de liberté qui convertiront l’enfer terrestre en un séjour de félicité.
La thèse anarchiste entraîne, dans la pratique, quelques conséquences qu’il est indispensable de signaler :

Première conséquence
Celui qui nie et combat l’autorité morale, la Religion, sans nier et combattre les deux autres, n’est pas un véritable Anarchiste et, si j’ose dire, un Anarchiste intégral, puisque ennemi de l’autorité morale et des contraintes qu’elle implique, il accepte l’autorité économique et politique. Il en est de même et pour le même motif, de celui qui nie et combat la Propriété, mais accepte la bienfaisance de l’Etat et de la Religion. Il en est encore ainsi de celui qui nie et combat l’Etat, mais admet la Religion et la Propriété. L’Anarchiste intégral condamne avec la même conviction et attaque avec une égale ardeur toutes les formes et manifestations de l’autorité et il s’élève avec une vigueur égale contre toutes les contraintes que comportent celles-ci ou celles-là.

L'Anarchiste doit être total !(ndlr)

Deuxième conséquence
Les Anarchistes n’accordent aucune efficacité au changement du personnel qui exerce l’autorité. Ils considèrent que les gouvernants et les possédants, les prêtres et les moralistes sont des hommes comme les autres, qu’ils ne sont, par nature, ni pires ni meilleurs que le commun des mortels et que, s’ils emprisonnent ou tuent, s’ils vivent du travail d’autrui, s’ils mentent, s’ils enseignent une morale fausse et convenue, c’est parce qu’ils sont dans la nécessité fonctionnelle d’opprimer, d’exploiter et de mentir. Dans la tragédie qui se joue, c’est le rôle d'un gouvernement d’opprimer, de faire la guerre, de faire rentrer l’impôt, de frapper ceux qui enfreignent la loi ou qui s’insurgent ; c’est le rôle du capitaliste d’exploiter le travail d'autrui et de vivre en parasite ; c’est le rôle du prêtre d’étouffer la pensée, d’obscurcir la conscience et d’enchaîner la volonté au dogme. C’est pourquoi nous guerroyons contre tous les bateleurs des partis politiques dont l'unique effort tend à persuader les masses dont ils mendient les suffrages, que tout va mal parce qu’ils ne gouvernent pas. Même sincères, la fonction les pervertira.

Troisième conséquence
Ne pas vouloir obéir, mais vouloir commander, n’est pas être anarchiste. Refuser de laisser exploiter son travail, mais consentir à exploiter le travail des autres, n’est pas être anarchiste. Le libertaire se refuse à donner des ordres autant qu’il se refuse à en recevoir. Il ressent pour la condition de chef autant de répugnance que pour celle de subalterne. Il ne consent pas plus à contraindre ou à exploiter les autres qu’à être lui-même exploité ou contraint. Mais nous accordons à ceux qui se résignent à la soumission les circonstances atténuantes que nous refusons formellement à ceux qui consentent à commander ; car les premiers se trouvent parfois dans la nécessité de renoncer à la révolte, tandis que personne n’est dans l’obligation de faire fonction de maître.
Ici éclatent l’opposition profonde et la distance infranchissable qui séparent les groupements anarchistes de tous les partis politiques qui se disent révolutionnaires ou passent pour tels. Car, du premier au dernier, du plus blanc au plus rouge, tous les partis politiques ne cherchent à chasser du pouvoir le parti qui l’exerce que pour s’emparer du pouvoir et en devenir les maîtres à leur tour. Tous sont partisans de l’autorité, à la condition qu’ils la détiennent eux-mêmes.

Calvin pisseur
Quatrième conséquence
Nous ne voulons pas seulement abolir toutes les formes de l’autorité, nous voulons encore les détruire toutes simultanément et nous proclamons que cette destruction totale et simultanée est indispensable parce que toutes les formes d’autorité se tiennent et sont indissolublement liées les unes aux autres. Elles sont complices et solidaires. En laisser subsister une seule c’est favoriser la résurrection des deux autres. Pas de concession. Tout ou rien.

Conclusion
La guerre est déclarée entre les deux principes qui se disputent l’empire du monde : autorité ou liberté. Le démocratisme rêve d’une conciliation impossible ; l’expérience a démontré l’absurdité d’une association entre ces deux principes qui s’excluent. Il faut choisir. Seuls, les Anarchistes se prononcent en faveur de la liberté. Ils ont contre eux le monde entier.


Et voila ! La prochaine université d'été de l'Anarchie approfondira-t-elle le nouvel hybride "anarchie et cohésion", ou bien cet O.G.M. est-il déjà semé ? On en parle dans le milieu libertaire et cela méritera d'approfondir une autre fois.
Un seul point d'accord avec les royalistes : l'escroquerie de la démocratie représentative, et reconnaître que la fonction d'autorité peut pervertir les âmes nobles d'où la mise en jeu d'une certaine transcendance, que les Anarchistes refusent. Une phrase résume leur position antidémocratique :
« Si les élections suffisaient à changer quelque chose il y a longtemps qu'on les aurait supprimées » (pas mal !).

Donc, aussi sympathiques que soient les dinamiteros anarchistes dans leur lutte contre l'Etat tentaculaire, nous ne pourrons cheminer de conserve puisque nous voulons protéger nos corps constitués à nous, la famille, la profession, nos jurandes, nos scels, nos prêtres, la foi, le roi.

L'Anarchiste royaliste est un chevalier errant,
voué à le rester,
hélas !


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