jeudi 13 décembre 2007

Lissabon in Deutschland

oeuf européenLes bonnes oreilles du lectorat ont noté le "recadrage" de M. Sarkozy par la chancelière allemande Merkel qui lui reprochait de se lancer dans le projet d'Union méditerranéenne sans concertation de toute l'Union européenne. Apparemment, pas plus l'Elysée que le Quai ne se sont cabrés face à cette ingérence curieuse dans nos affaires. Sachant l'ardente obligation du pouvoir à communiquer publiquement et sans soupir de l'aurore à l'aube, il a avalé la couleuvre.
Que l'Union méditerranéenne soit très critiquable et me fasse penser parfois aux stupidités napoléoniennes d'unités, est une autre affaire. Il n'y a qu'un état stabilisé hors-Union en Méditerranée, c'est la Turquie. A l'exception du petit Israël, tous les autres sont dirigés par des caïds sans génie ni lumières, et sont arabes donc instables. La Turquie n'aime pas les Arabes. Qui aura la force d'imposer une politique communautaire sur cet assemblage baroque ? M. Sarkozy ? On y reviendra ...

Aujourd'hui les 27 pays de l'Union européenne signent à Lisbonne le traité simplifié français. Parmi eux, 21 sont des états-nations et six des états de nations. La France pour sa part est du second groupe en compagnie du Royaume-Uni, de la Belgique, de l'Allemagne, de l'Italie et de l'Espagne. Sauf le royaume de Belgique qui est une fédération à lui tout seul, on y rencontre les "grands pays" agrégateurs de nations anciennes. La France jacobine s'en défend, mais ses partenaires ont décidé pour elle, le projet républicain ne fut-il pas de précipiter en Nation des nations disparates agrégées au royaume par le projet capétien qui le précédait.

Ce traité simplifié de Lisbonne institutionnalise la Charte des Droits Fondamentaux qui est une longue liste de droits évidents, à demander pourquoi fallait-il créer à Vienne une agence ad hoc staffée de 100 fonctionnaires et dotée d'un budget annuel de 16,4 millions d'euros à terme pour simplement surveiller les droits sur tout l'espace européen. Parmi ces droits sont les droits linguistiques (art.22 du chapitre Egalité) qui forment la clé d'entrée dans l'Europe des régions, une landërisation des états sur des modèles assez proches de la mosaïque allemande. Les 21 Etats-nations "homogènes" seront des länder, ce qui ne changera presque rien pour eux. D'ailleurs le premier ministre danois n'a-t-il pas dit hier que le traité ne menaçait pas la souveraineté du Danemark (le plus eurosceptique de tous) et donc que la ratification serait parlementaire. Pour les 6 autres, ce pourrait être très différent.

L'Allemagne est le pays le plus fort d'Europe et pour longtemps, à voir comment rament ses voisins, et sa fédération bénéficie d'une cohésion sincère de ses peuples unifiés par la langue de Goethe. Elle ne craint pas cette landërisation périphérique puisqu'elle en a exploré toutes les subtilités. Elle sait surtout que les états centraux voisins seront affaiblis par l’émergence de régions quasi-états, certaines transfrontalières sur fonds linguistique, et mécaniquement, elle sera en mesure de les dominer. A ce stade on ne saurait prêter aux Allemands de noirs desseins, après tout veulent-ils simplement notre bonheur (?). Mais comme le disait Edouard Husson, après le calamiteux traité de Nice signé par MM. Chirac et Jospin :
"le sommet a montré à quel point l'Allemagne et ses partenaires avaient perdu l'habitude que la France fasse valoir ses intérêts. Encore l'a-t-elle fait avec une grande timidité, et a-t-elle finalement accepté les exigences de l'Allemagne. Comment comprendre, par exemple, que la France, qui a en nombre absolu autant de naissances annuellement que l'Allemagne, accepte que cette dernière fasse valoir son actuelle supériorité démographique pour augmenter son poids au sein des institutions européennes ? Comment comprendre la passivité française face au changement de politique monétaire allemand ? Après avoir manqué de casser les reins à l'économie de ses voisins, par une politique de la « monnaie forte », l'Allemagne se rallie en silence aux vertus d'une monnaie flottante, sous le prétexte que c'est désormais plus avantageux pour elle… et la France ne dit rien ! (Edouard Husson, janvier 2001).

Le traité simplifié tant vanté par M. Sarkozy est tout à l'avantage du projet allemand. A se dire que sans tirer un coup de canon, l'Allemagne a cette fois obtenu le cadre constitutionnel des plans de Guillaume II pour l'organisation d'une Europe pacifiée par le Reich. Pierre Hillard qui donnera une conférence le 18 décembre au Cercle de Flore sous forme d'un dîner-débat(s'inscrire auprès du CRAF), a parfaitement démonté l'utilisation allemande de l'axe franco-allemand à son profit. De grands esprits peuplent le Quai d'Orsay. Comment s'est-on laissé faire ? Allez à la conférence - Hillard est vraiment le spécialiste de la question - et n'oubliez pas que si le Royaume-Uni a refusé la Charte, ce n'est sans doute pas pour faire suer le burnous sans contrainte dans les MacDo.

Se pose maintenant la question du peu d'écho en France de cette mise sous le boisseau des intérêts français. On peut me dire que le parti souverainiste crie bien fort pour un référendum, mais sans succès. L'affaire de la voie institutionnelle n'intéresse personne apparemment. Le principe de suppléance - dévolution de souveraineté à l'étage supranational - et l'euro-régionalisme, seraient-il perçus par les électeurs comme une menace ? C'est tout le doute.

A voir comment le pays est géré à la petite semaine et à crédit, et dans quel état de décrépitude nous laisse une bureaucratie pachydermique, on peut supposer que les Français ne seraient pas opposés à passer le sceptre d'Ottokar à d'autres, peut-être plus compétents. Certains pays ont abouti à des réformes d'envergure sans que passent sur nos écrans les feux de la Saint-Jean. Pourquoi n'importerions-nous pas leurs meilleurs hommes politiques comme le faisaient les rois pour leurs ministres ? L'ENA est un moule qui répète une arrogance de technocrates clonés très sûrs d'eux, et bride l'imagination, quand ce n'est pas tout simplement le refuge de ceux qui n'osent pas se lancer dans le monde actif concurrentiel. Peut-être ces pays réformés (sans jeu de mot) l'ont-ils été par des acteurs économiques impliqués et pas comme chez nous par des contemplatifs des problèmes sociaux. Certains de nos hommes politiques n'ont jamais "bossé".

Depuis l'avènement de M. Sarkozy les Français ont perçu du pouvoir un langage moins codé qu'avant. Le changement ? Ils risquent fort de comprendre que tout l'effort a été fait sur le langage, si les fabuleux contrats pris à l'export s'avèrent décevants, ou si les privilèges sociaux ont été simplement modernisés au détriment de toujours les mêmes.

Pour finir, on ne peut accepter que la France, par la position éminente qu'elle a obtenue dans le passé et disposant en stock des mêmes atouts qu'autrefois, même s'ils sont barrés ou inemployés, se liquéfie en une fédération française, amputée un jour de ses "nations" les plus remuantes ; fédération elle-même raccrochée à une confédération continentale européenne gérée par les Allemands et ses alliés historiques. Le ver dans la pomme française ne serait-il pas cette décentralisation qui découd le tissu national en satrapies subalternes ? Subalternes de qui ?

Aujourd'hui, 30è anniversaire de Mme Rama Yade qui sait appeler un chat un chat et la France un paillasson ! Bon anniversaire, madame.

Avant de quitter, bibliographie de Pierre Hillard :
(chez
François-Xavier de Guibert éditeur)
- Minorités et régionalismes dans l’Europe Fédérale des Régions : Enquête sur le plan allemand qui va bouleverser l’Europe
- La marche irrésistible du nouvel ordre mondial : L'Echec de la tour de Babel n'est pas fatal
- La décomposition des nations Européennes : De l'union euro-Atlantique à l'Etat mondial
- Divers articles réunis par
Voltairenet.org

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4 commentaires:

  1. Es lebe die große Europa !
    Vilibe Bétain au Banthéon !

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  2. Et "l'autre" à Aix-la-Chapelle ?

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  3. Vous feriez pas une crise de germanophobie les royalistes ?
    De toute façon à comparer les deux pays il n'y a pas photo, c'est le modèle allemand qui se défend le mieux. C'est donc normal qu'il se diffuse chez ses voisins, et pourquoi pas jusque chez nous !!!

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  4. Germanophobie ? Pas vraiment. C'est la vieille querelle entre l'empire flou illimité qui se dissout dans ses vanités orientales, et le Frankreich état-nation parfaitement carré "dans son hexagone" !

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