dimanche 20 janvier 2008

Messe pour Louis XVI

le roi Louis 16«Redites à vos concitoyens que j'aurais voulu leur parler à tous comme je vous parle ici.
«Redites-leur que leur Roi est leur père, leur frère, leur ami, qu'il ne peut être heureux que de leur bonheur, grand que de leur gloire, puissant que de leur liberté, riche que de leur prospérité, souffrant que de leurs maux.
«Faites surtout entendre les paroles, ou plutôt les sentiments de mon coeur dans les humbles chaumières et dans les réduits des infortunés.
«Dites-leur que, si je ne puis me transporter avec vous dans leurs asiles, je veux y être par mon affection et par les lois protectrices du faible, veiller pour eux, vivre pour eux, mourir, s'il le faut, pour eux.» 
(Louis XVI, roi des Français aux députations de toutes les gardes nationales du royaume le 13 juillet 1790, veille de la Fédération)



Lundi 21 janvier, nous irons à la messe du roi prier pour lui. Non pour expier, ni pardonner ou plaindre, mais pour renouveler annuellement dans le silence de l'office des morts la grande interrogation : qu'eut-il fallu pour que l'Ancien régime ne le devienne pas, et que ce roi malgré lui s'accomplisse ? Personne ne s'étant aventuré à dérouler l'uchronie qui nous empêche parfois de dormir, nous en resterons aux regrets, sans colère.

avis de messe à paris
Comme Cortés brûla ses vaisseaux après avoir abordé au Mexique, les révolutionnaires se fermèrent tout chemin de retour en décapitant le roi à la face du monde. Le "tyran" abattu, on allait voir ce qu'on allait voir, tous égaux, la justice passerait dès lors "pour ce que vous avez fait et non pour ce que vous êtes", comme le brandissait il y a peu le sage de la Montagne Badinter, sans trop comprendre l'ironie ou la fabrication de fonder la justice de la République sur les flots de sang des suppliciés de la Révolution !

"La nation française, alors furieusement championne en liberté comme en égalité (ose-t-on ajouter en fraternité ?) ayant déclaré la paix au monde, accordant son secours à tous les hommes épris d'émancipation, déclencha vingt-trois ans de guerre en Europe, au nom de cette Révolution qui "sans guillotine, écrivent les Goncourt, serait burlesque, sans le sang serait niaise". Au lieu d'unifier l'Europe, ces guerres attisèrent les nationalités. Cent ans de conflits aboutirent aux deux conflits mondiaux qui cassèrent définitivement les reins au continent de la civilisation et accouchèrent des régimes monstrueux que l'on sait. L'orgue à logos a toutefois récupéré de l'aventure un lyrisme qui sert quotidiennement à nos politiques d'à peu près tous les poils. (Pierre Debray-Ritzen - Ce que je crois -Grasset)


Disons aussi qu'à la fin de la première tuerie européenne naissait en 1815 un certain Otto von Bismarck dont l'horoscope promettait un océan de larmes. Mais c'est vrai, le continent Europe a perdu son âme en même temps que ses fils par millions pour des idées neuves ! Pour faire naître l'homme nouveau, comme s'il y avait matière à modifier les comportements de l'espèce plutôt que d'usiner sur la meilleure cote de tolérance son éducation.

Regardons émerger aujourd'hui les empires asiatiques qui reprennent la place qu'ils ont cédée à l'Occident ultramécanique au XVIII° et XIX° siècles. L'Inde et la Chine se regardent pour savoir laquelle des deux sera dans vingt ans la première puissance mondiale. Ce sont des titans qui sortent de l'océan tout ruisselants de leurs traditions trimillénaires qui les soutiennent mentalement. L'homme chinois - celui des deux que je connais bien - est adapté au siècle certes, mais foncièrement identique en moeurs, rites et mythes à ses ancêtres, dont le culte domestique et public n'est en rien diminué par la modernisation. Ils sont sûrs absolument d'être le sel de la terre, et vivent dans la proximité de leurs dieux sans respect humain ni bigoterie excessive parce qu'ils n'ont pas subi le feu des Lumières - 27 ans de maoïsme ne sont rien à l'échelle de l'Empire - , et d'ailleurs cette distance qu'ils maintiennent entre eux et nous ne révèle aucune crainte de leur part, sauf celle d'une contamination des esprits par nos "barbarismes". Les catéchismes politiques importés les laissent amusés, autant que nos remontrances. Nous inventons des "trucs impensables" qui n'ont jamais marché sur aucun des deux versants de l'Himalaya, prouvant ainsi que notre "quête de l'homme universel, interchangeable" est vaine et sa promotion arrogante.

Le foisonnement des intérêts en tous sens n'augure pas d'un ressaisissement des peuples européens, à moins d'un impossible retour aux sources intellectuelles et morales qui firent l'Europe. Mais la sottise absolue du désespoir politique n'est pas avérée en ce cas, notre monde à nous est désormais si mal en point !

PS : Le blogue d'Emmanuel Raveline fait une approche intéressante de l'historiographie du roi Louis XVI et une analyse de son testament, en plusieurs billets. On peut cliquer ici et pardonner l'orthographe.


gerbe de roses blanches
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