mercredi 12 mars 2008

Bucintoro

pavillon dogal1798. Avaient déferlé sur l'Europe les hordes françaises de la Révolution apportant la Lumière. La ville natale de Don Juan n'en voyait pas l'usage ; mal lui en prit. Elle ouvrit l'année nouvelle en payant le prix fort pour les Pâques Véronaises (17 avril 1797) qui furent un soulèvement de résistance du peuple vénitien enragé, conduit par ses chefs naturels. Bien que vaincus une fois, ils ne s'étaient pas laissés impressionner par le "pirate génois", aussi talentueux à la guerre qu'il fut, et se mirent debout ! La résistance écrasée, l'aristocratie vénitienne détruite, le traité de Campo-Formio signé en octobre 97, des trains de mules à millier remontèrent vers la France les trésors artistiques de la République la plus prestigieuse du monde.
Trente-cinq mètres de long, 7 de large et 8 de haut, le Bucentaure n'était pas transportable ! Pour enfoncer dans le crâne rebelle des Vénitiens la marque indélébile de leur soumission, on le dépeça le 9 janvier 1798 de toutes ses ornementations qui furent mises en pièces pour les fondre sur l'île de San Giorgio Maggiore. Le feu dura trois jours pendant lesquels le peuple de Venise vit l'épaisse colonne de fumée emporter son prestige tout autant que le dogme révolutionnaire. "Ils" avaient brûlé le Bucintoro ! Avec lui l'Europe perdait sa dernière galère de parade. Venise ne serait désormais plus la Venise des doges.
Le 4 juin 1798 mourait Casanova ...

Sa carène fut abandonnée à la putréfaction, et, un temps armée de quatre canons pour défendre le Lido, moisit et disparut en 1824, démantelée à l'arsenal.

le retour du Bucintoro
Des sacs de ville l'histoire en connut beaucoup, et la France, tous régimes confondus, perpétra les siens. On a retenu comme notre dernier celui du Palais d'Eté de l'impératrice Tseu-Hi, qui fournit la "mise de premier équipement" en chinoiseries de toute la corporation d'antiquaires de Londres et de Paris après 1860. Fut-il réellement le dernier ?

Il est loin certes le temps de la chevalerie. On se bat toujours comme des chiens et "La Guerre Totale" de Ludendorff (1936) traîne encore sur les tables de chevet des cadets. La guerre est sans doute le domaine de l'activité humaine où il n'y a aucun autre progrès que celui d'accroître la létalité des moyens mis en oeuvre. L'esprit reste au niveau du Hun. Après ce point d'humeur, nous signalons au lecteur-contribuable que Venise vient d'envoyer sa facture.

Courrier International (copiez l'article car il va passer payant) nous apprend que la Sérénissime reconstruit le Bucentaure et serait honorée de notre mécénat en guise de repentir. On peut dauber sur la repentance, et je ne m'en prive pas, mais avec l'Italie notre compte est très débiteur, surtout si nous considérons cette nation comme notre mère :
Nous commençâmes avec Brennus en 390 avant JC et nous en rapportèrent le foie gras d'oie. Jusqu'à Napoléon, nous n'eûmes de cesse de puiser dans leurs musées pour équiper les nôtres. Les "échanges" furent permanents et durent encore : après les Médicis, la première dame de France du jour est encore italienne et bellissima ? La femme du commissaire Cordier aussi. Celle de Vincent Cassel pareillement. A choisir, Venise a finalement envoyé son courrier à Monsieur et Madame Sarkozy, à l'enseigne du Coq, avenue Gabriel, Paris 8è !

Le Bucentaure
La Fondazione Bucintoro nous apprend que le dernier Bucentaure était une haute galère dorée de 100 pieds de long sur 21 pieds de bau, deux ponts, armée d'une chiourme basse de 168 rameurs et de 40 hommes d'équipage. Commandée par un amiral, elle célébrait chaque année à l'Ascension le Mariage à la Mer où le doge en fonction jetait l'anneau nuptial au bout d'une remorque de soie dans l'Adriatique : «Desponsamus te mare, in signum veri perpetuique domini». La dernière fois ce fut en 1796. Le grand pavillon dogal au lion de saint Marc fut quant à lui enterré cérémonieusement le 23 août 1797.

la maquette d'or
Le Bucintoro sera reconstruit à l'identique à l'arsenal de Venise et lancé.
Après la renaissance de La Fenice incendiée, le Sérénissime renoue avec son prestige millénaire.
Qu'attend donc Marseille pour refaire une des neuf Réale produites par l'Arsenal du roi ? La chiourme barbaresque est déjà sur place en ressource innombrable. L'ami Gaudin en aurait bien besoin !

La Fête à Venise
Dix tableaux de Francesco Guardi sont accrochés au Louvre, évoquant les solennités organisées en 1763 lors de l'élection du doge Alvise IV Mocenigo qui est peut-être à l'origine de la commande, et font partie d'une série de douze. Guardi peindra les cérémonies du mois de mai 1763, ainsi que les fêtes qui suivront à différents moments de l'année. La série sera sans doute exécutée entre 1775 et 1780, d'après des gravures de Giambattista Brustolon (1712-1796) réalisées à partir de 1776 sur des dessins de Canaletto. Un aperçu en cliquant ici. Les deux tableaux manquants, le doge à San Marco et le doge sur la place San Marco, sont respectivement conservés aux musées de Bruxelles et de Grenoble depuis 1802.
Les touristes italiens feront un beau voyage.

La Réale de France


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