Nota * : Les "communautés", héritières des "universités", devinrent des "municipalités".
Sous l'Ancien régime, on votait plus souvent qu'aujourd'hui dans les villes, pour une raison toute simple déjà : les syndics, plus tard consuls, étaient renouvelés chaque année. Sans entrer dans le détail de l'organisation municipale, voyons en quelques traits le fonctionnement démocratique d'alors, sur la base de la paroisse de Sumène en baronnie d'Hièrle.
Corps électoral : tout chef de famille résidant et propriétaire avait droit de vote sans distinction de sa position sociale ou de son sexe. En fait, les électeurs étaient dans leur grande majorité taillables, capitulés et frappés de la dîme, plus les indirectes ; aussi se sentaient-ils concernés par la chose publique.
Seul le Seigneur Justicier, même résident, et ses officiers, ne votaient pas. Mais ses biens roturiers dans la commune participaient à l'assiette fiscale de la communauté.
Votation : le corps électoral était convoqué au son de la cloche sur la place publique. Quand on estimait le quorum de la plus grande partie possible des habitants atteint, on procédait à l'élection de deux magistrats municipaux à main levée. C'étaient les Syndics qui devinrent plus tard Consuls. Pourquoi deux ? On en prenait un en agglomération (syndic de la ville), l'autre en campagne (syndic de la paroisse).
Au soir du régime, la procédure s'était raffinée. Sumène avait opté pour un Conseil Général de la Communauté dont les membres, ainsi que l'adjectif l'indique, étaient tous élus par les habitants et les manants. Il s'occupait de renouveler les consuls chaque année selon la procédure de "conseil politique" sur laquelle nous reviendrons un jour.
Intéressant : ces fonctions de consuls étaient obligatoires, et les biens des titulaires hypothéqués au profit de la communauté ! Imaginons une seconde le tollé général dans le landerneau politique des coeurs purs d'aujourd'hui !
Dimanche prochain, toutes les communes de France et d'outremer auront renouvelé leur conseil municipal. Les habitants convoqués un ou deux jours chaque six ans, auront choisi leurs édiles sur des listes mâtinées d'idéologies qui auront porté dans leurs villes des confrontations partisanes, souvent éloignées des enjeux locaux. La fenêtre démocratique se refermera ensuite, à moins de considérer les comités d'usagers ou de quartiers comme décisionnaires, ce qu'ils ne sont nullement. Ce sont des alibis consultatifs. Tous les partis en créent ; ça fait ... "peuple".
Cette démocratie locale n'est en rien sincère du moment qu'elle ne s'exerce que 2 jours sur 2191 et qu'elle est discutée par le pouvoir qui la modèle au gré de ses intérêts partisans, puisque issu par définition d'une fraction de la Nation. Ainsi à l'usage, son principe s'est-il avéré inefficace assez, pour qu'on promulgue une loi de fabrication du conseil municipal qui s'affranchisse du vote simple. Seuils de "représentativité", classes de recensement, deux tours pour valider les ententes et les combines aussi ; plus une prime exorbitante au premier arrivé, afin de lui garantir la mainmise indiscutable sur le gouvernement de la localité. La démocratie c'est bien, mais en abuser peut conduire à la foire d'empoigne ou à la banqueroute, surtout avec des citoyens maintenus dans une puberté politique par tous moyens, surtout médiatiques.
Le résultat du scrutin au suffrage universel est donc interprété d'autorité : la moitié des sièges va à la liste gagnante quelque soit son résultat, et celle-ci prend aussi le nombre de sièges dans la seconde moitié correspondant au pourcentage de voix obtenu. Pour coller à la réalité de la "politique", les règles changent au-dessus de 2500 habitants, puis de 3500 habitants, et changent encore pour Paris, Lyon et Marseille dont les conseils d'arrondissements députent au Conseil municipal de la grande ville.
Ennemi du caporalisme napoléonien par le souci d'une saine anarchie, ces disparités ne me gênent pas, sauf quand elles sont organisées par le pouvoir central au lieu de refléter le génie local.
Qu'est-ce une vraie démocratie sincère ?
Celle où l'on remet le choix politique entre les mains de ceux qui subissent le poids des décisions ; celle où l'on considère que le citoyen est parvenu au stade adulte pour oser agréger aux premiers également ceux qui en profitent. Celle où lorsque un blocage apparaît dans l'expression d'un choix par les édiles, il soit naturel sans grandes déclamations de préaux de faire trancher le différent par le peuple assemblé ou par référendum. Celle où la responsabilité du corps électoral soit au moins aussi grande que celle des édiles temporaires, jusqu'à faire remontrance aux uns comme aux autres. Celle où l'on consulte souvent. Démocratie directe ? Oui. Pagaille ! Pourquoi ? Education civique ? Certainement.
Le corollaire immédiat de la démocratie sincère est la nécessaire primauté du corps électoral sur l'administration. Celle-là capte naturellement le pouvoir par mille canaux de son fonctionnement quotidien. Elle est pire encore si elle est étrangère à la communauté et bénéficie d'un statut d'inexpugnabilité. C'est en 1692 que le roi vint s'immiscer dans les affaires communales en y créant d'autorité dans un but fiscal des charges vénales de maire, assesseur et procureur. Ce faisant, il pourrit le débat politique de premier échelon. Au niveau de suffisance dans l'insuffisance atteint ensuite par l'administration communale et d'échelon - on pourrait parler de tsarisation de la bureaucratie - il ne peut s'agir maintenant que d'abaisser son pouvoir, progressivement, pour laisser vivre la démocratie locale. Les rouages sociaux ne doivent pas l'emporter sur le moteur de la société qui leur permet de tourner, j'entends la production au sens le plus large. Qui sera assez fort pour mettre au pas les employés du corps électoral ?
Maître Isidore Boiffils de Massanne, à la fin d’une longue vie d'observation des moeurs politiques de la nation concluait ainsi sur la fonction publique, sous Napoléon III :
« Les dignités, places et emplois publics ont été jusqu'ici la plaie de la France ; leur nombre et leurs avantages doivent être réduits au strict nécessaire tellement qu'ils ne puissent tenter la capacité de personne ; ce sera un travail occupant le moins possible de citoyens avec une rétribution juste mais modique. »
Que ne fut-il entendu alors, nous n'aurions pas le poids du mammouth étatique sur la poitrine des coeurs vaillants, ni une dette trillionaire qui prive les jeunes générations d'avenir.
Ce point est essentiel car le premier obstacle à la démocratie directe sont les "bureaux" que nous dénoncions dans un billet précédent.
Démocratie locale directe et sincère, voilà ce que le retour du roi doit promettre. Les "libertés en bas" ne doit pas être un slogan creux qui équilibre "l'autorité en haut", dans l'esprit de celui qui le proclame.
Si nous ne retrouvons pas nos libertés essentielles, à quoi bon ?
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