mardi 20 mai 2008

Pourquoi le Liban ?

casseur à Beyrouth
Nous apprenons que le cabinet Siniora a rapporté ses décisions contraignant le Hezbollah. L'armée à qui il avait délégué ses pouvoirs pour sauver Beyrouth a "collaboré" avec les milices chiites, démontrant une fois de plus son "autonomie". En fait, d'Etat libanais il n'y a plus !
Tous les Etats du monde subissent des tiraillements provoqués parfois par des puissances extérieures, mais arrive le jour où la Nation fait passer son intérêt général avant les intérêts factieux et se ressaisit. Au Liban c'est l'inverse.
Le Hezbollah passé à l'opposition depuis le départ de ses ministres du gouvernement, a testé un par un ses contempteurs, ceux qui souhaitaient son désarmement, et Sunnites, Druzes, Chrétiens, ont réagi séparément même si leurs intérêts convergeaient. Il est même des chefs phalangistes pour se féliciter de leur neutralité entre les deux obédiences musulmanes. Quand ils recevront le choc, ils seront complètement seuls, à moins d'appeler Damas au secours comme la fois précédente !

Que sont les nations ? Il est bien des définitions historiques sur la façon dont elles se construisent, mais pour faire court, nous dirions qu'elles se révèlent dans une certaine complicité muette entre habitants du même pays vis à vis de ceux qui n'y habitent pas. C'est dans le regard !
Apparemment il n'y a pas de nation libanaise. Ou bien il n'y en a plus au Liban. La diaspora ressent peut-être sa spécificité libanaise, mais d'expérience les communautés libanaises expatriées se reclassent immédiatement entre factions d'origine et n'ont rien de plus en commun que des souvenirs superficiels ou douloureux, mais ni religion commune, ni fêtes communes, ni traditions familiales communes.

Au sortir du mandat français, Beyrouth devint une capitale financière et entrepreneuriale du Moyen Orient comme un phare d'Alexandrie économique. La livre libanaise devint une monnaie de réserve. Banques puissantes, grosses maisons de commerce international, casinos, la ville développa tous les symptômes de la richesse trop vite acquise et gagna une réputation de lupanar géant. Beyrouth avait ravi à Bagdad et au Caire la relation des Mille & Une Nuits. Il est bon de relire la courte histoire du Liban pour se rendre compte de la hauteur du piédestal duquel il est tombé.

narguilé sur la plage
Le nouveau Beyrouth est aujourd'hui sur le Golfe persique à Dubaï, Abou Dhabi, au Qatar où des mégalopoles se bâtissent et où convergent des entrepreneurs fortunés. Mis à part les communautés immigrées pour les services de base, les émirats sont "privés" de multiculturalisme et l'homogénéité de peuplement qui assure leur tranquillité leur a permis de s'occuper des choses sérieuses. C'est le Qatar qui est le plus surprenant.

Cet état, le plus grand en superficie des émirats, est le succès d'un couple particulièrement éclairé, l'émir Hamad ben Khalifa et son épouse Sheika Mozah. Les Français connaissent un peu le Qatar parce que, indépendant au sens plein du terme, il a de bonnes relations avec la France. Georges Bush lors de sa dernière tournée des capitales du Golfe a évité Doha où rien ne lui serait demandé. L'émir Hamad est aussi connu pour avoir lancé la chaîne arabe d'information libre al-Jazeera en 1996, à la barbe de tous les autocrates régionaux qui instrumentalisent les nouvelles à leur bénéfice immédiat.

Le développement rapide du Qatar - son PIB va décupler de 18Mds$ en 2000 à 183Mds$ en 2013 selon le FMI - est la parfaite illustration d'une volonté monarchique tendue vers le Bien commun sur le vecteur temps. Le couple a son projet. Le peuple a confiance. S'il n'y avait la question de l'exploitation plutôt dure des travailleurs indiens, ce serait le modèle absolu de la monarchie éponyme.

Doha
Les autres émirats ne s'en tirent pas trop mal non plus, à croire que le régime politique simplifié de la monarchie est un sacré facilitateur. De fait, il l'est.
Toutes les entreprises humaines réussissent derrière un leader, le travail d'équipe est une nécessité incontournable dans un monde complexe mais subalterne. Il faut d'abord tirer le char sur un axe long. Les démocraties occidentales font un péché d'orgueil en croyant (sincèrement ?) que leur modèle est assez fort pour agréger des intérêts divergents voire seulement différents. Qu'elles s'y essaient chez elles et en souffrent les regarde. Mais qu'elles imposent le modèle trans-communautaire aux autres est à la limite criminel. Nous parlons du Liban qui est un corps faits de greffons qui se rejettent les uns les autres. A quel motif diplomatique doit-on l'acharnement thérapeutique ? Le Foreign Office d'instinct divise pour régner ! Mais il ne règne pas sur le Quai d'Orsay, que diable ! Pourquoi tenir à l'intenable ? Les Libanais qui le peuvent fuient, au moins pour préserver leurs enfants. Mais que doit-on dire alors de l'Irak ?

Que les Américains, mal secondés par les Anglais qui connaissaient tout ça par coeur- cette passivité est le gros reproche à faire à Tony Blair -, aient mésestimé la sortie de la guerre ne relève que d'une erreur de renseignement et de synthèse. Mais qu'ils persistent à maintenir debout un Etat vermoulu qui ne représente personne sauf son gouvernement bunkérisé dans la Zone Verte, est pure vanité intellectuelle.
Comme au Liban, l'armée irakienne formée surtout de rationnaires, n'obéit pas ou n'est pas en situation de force pour s'imposer. Les rapports des premier et second échelons de l'Armée de terre américaine sont bloqués ou réinterprétés sur une mélodie acceptable par le Pentagone et la Maison Blanche qui ont décrété que la montée en puissance de l'armée irakienne conditionnerait le retrait de brigades yankees. S'il y a incontestablement enrôlement massif, il n'y a aucune montée en puissance. Seuls les bataillons kurdes du Nord sont fiables mais d'abord kurdes ! Le reste va à la soupe. On peut les comprendre tant l'économie est effondrée.

nouveles tours de Dubai
Je n'ai pas cherché la philosophie politique qui sous-tend cette véhémence occidentale dans le précipité de nations fusionnelles obtenues de communautés antagonistes. Le bon sens nous dit que ce type de mauvais empire sur papier ne marche pas. Pire, il amasse de la dynamite dans ses caves et menace ses voisins. Sans doute sommes-nous gouvernés par des esprits supérieurs qui eux comprennent où ils vont !

Il n'empêche que nous garderons notre amitié aux Libanais, sans trop savoir pourquoi.
Une complicité, quelque chose dans le regard peut-être, un regard réciproque.


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4 commentaires:

  1. Pour comprendre le Liban il faut lire régulièrement L'Orient-Le Jour

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  2. Geagea (Forces chrétiennes) en appelle déjà à la force arabe d'interposition si la conférence de Doha échoue.
    En fait c'est ce type d'appel qui fit entrer en force la Syrie la première fois.
    Le Liban se reconnaît lui-même comme dépendant d'autrui. C'est une fiction diplomatique. Les populations n'ont pas fini d'en baver !

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  3. Aoun a bien joué sa réinsertion politique en prenant la remorque du Hezb !
    Il y a un pays libanais, une montagne du Liban, une plaine libanaise de la Békaa, une montagne de l'Antiliban, mais il n'y a pas d'Etat souverain libanais, ni de Nation libanaise.

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  4. Mais il y a des restaurants libanais qui offrent une cuisine vraiment particulière !

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