On ne raconte pas l'histoire de l'Action française d'après-guerre, on la pleure ! La "divine surprise" - expression malheureuse de Charles Maurras après l'avènement de Philippe Pétain aux affaires - constatait la banqueroute de la République mais elle n'annonçait pas le retour aux fondamentaux de la nation française sous l'égide d'un roi. Même si la Révolution Nationale puisait dans la bibliothèque patriotique avec une certaine pertinence parfois, il s'agissait d'abord d'une vengeance contre la social-démocratie parlementaire, dans le ton polémique du quotidien monarchiste qui l'accablait depuis longtemps de tous les maux du pays jusqu'aux limites de l'acharnement, franchies ; sans voir que l'affaissement civique et moral du citoyen y était quand même pour beaucoup, en dehors des effets pervers du régime politique ambiant.
La Collaboration avec le régime des Huns corrompit gravement le compromis nationaliste, et par ricochet les germanophobes exaltés comme Maurras, qui durent plus tard en répondre. Ce compromis erroné restera activé dans la doctrine AF d'après-guerre jusqu'à nos jours, alors qu'il persiste dans sa nocivité sans bénéfice aucun. L'apogée de l'Action Française mesurée au tirage du journal se situe en 1926, à la veille de la condamnation pontificale, avec cent mille exemplaires vendus chaque jour. Quatre-vingt ans plus tard, la même règle de mesure cumulant tous les titres réguliers comptés sur l'année, nous donnerait epsilon, et c'est la faute à pas de chance !
Nota :Un précis historique de l'AF qui en vaut d'autres en cliquant ici.
Le détartrage du corpus doctrinal que fit après-guerre l'excellent monkiste Boutang - relire La Nation Française - ne survivra pas au déni de légitimité que le général De Gaulle infligera au comte de Paris en 1965 après s'en être amusé. Ce n'est pas non plus la démocratisation réaliste de la Nouvelle Action Française (rebaptisée plus tard NAr pour ne pas confondre avec les vêtements branchés) qui reconstituera un stock militant, même si elle attire toujours une belle élite dans ses mercredis à Paris.
Le reste du mouvement réclamant l'Héritage se jettera pour l'honneur dans des causes perdues par défaut de collimatation optique, et l'échec aidant, se divisera plus tard dans une querelle d'ego selon la ligne de partage au sein de la famille d'Orléans, qui au fils, qui au père, comme dans tous les bons romans historiques où les prétentions bourgeoises sont réglées à la fin par le retour du vrai roi.
Sauf que l'aventure royaliste n'est pas un film comme certains en déroulent le script écrit pour toujours par Charles Maurras, mais une impérieuse nécessité à conduire d'une main ferme. La pays va avoir besoin de cette solution qui ne peut rester un mélodrame ; un mélodrame sans public.
Il n'est pas dit que la parthénogenèse s'arrête ici. Tant qu'il reste deux Mohicans, elle peut s'accomplir. Nous n'entrerons pas dans les attendus de la querelle actuelle qui se livre en partie sur le forum ViveLeRoy - comme quoi un forum Internet n'est pas aussi déconnecté du réel qu'on ne le dit - mais sans beaucoup s'avancer, elle laisse entrevoir la décrépitude de ce qui restait encore debout de "l'Action française - Canal Historique", décrépitude révélée par la situation commerciale d'une entreprise politique que la ligne éditoriale obsolète leste à mort, et qui pis est, gérée comme un couvent.
Si l'on pénètre dans la mouvance AF, on est immédiatement accaparé par la lutte fratricide des courants comme au PS, mais en petit ! Si l'on reste au seuil du mouvement pour l'observer, on constate qu'il n'est aucun patron d'aucun bord disposant de l'autorité naturelle nécessaire à la prise d'axe politique qui s'impose, même si individuellement ils sont pétris de qualités. Chacun brandit sa légitimité ou sa légalité, ce qui confirme le défaut de charisme des chefs et autorise les doublons d'organes officiels, la plupart acharnés sans relâche contre l'Etat ou l'Europe ou l'OTAN ou l'islam, et chacun réduit à sa portion congrue d'audience, quand il n'est pas inaudible au coeur du vacarme souverainiste.
Est-ce la timidité compréhensible des princes qui brime l'élan, eux qui ne veulent se compromettre avec une culture d'outrances : le duc de Guise juste avant le défunt comte de Paris renia l'AF en 1937 ; le duc de France chez Ardisson leva les yeux d'accablement en réponse à la question "que dire des royalistes?" ; peu d'entre eux écrivent dans nos journaux des articles, même sur des sujets "neutres". Ou bien le défaut de moyens lourds qu'ils seraient désireux d'apporter en renfort les retient-il ? Qu'importe au final, ils ne dictent ni ligne de combat, ni ne paient de suisses, mais restent dans le passage et stérilisent quelque part la stratégie, parce que même timides, ils intimident.
Noyé dans la mouvance nationaliste sans projet spécifique évident, sauf à démontrer à qui prend la patience d'écouter, qu'en poussant le concept nationaliste au bout du raisonnement patriotique, on trouve la monarchie absolue - diamant brut caché sous le boisseau maurrassien -, le mouvement d'Action Française compense le faible retour d'encartés sur propagande par une réaction très élitiste : « nous sommes une école de pensée »! Pourquoi pas ? Le stock à penser est énorme.
Faut-il pour autant mélanger les genres ? Blouson noir - canne et clavier ? A certaines images d'action, j'ai parfois l'impression d'une reconstitution historique comme les aiment nos amis américains confédérés. Mais au moins ils ne se prennent pas au sérieux, car de nos jours les neurones brisent les cannes. Et si penser s'apprend, que ne réfléchit-on déjà au meilleur moyen d'organiser son propre mental pour trouver les meilleurs canaux de diffusion en débit et pression de l'offre politique royaliste, ex-nihilo ! Est-il interdit, et par qui, d'innover ?
Un journal royaliste généraliste destiné à tout le monde est jouable quelque soit le support, papier ou électronique. Politique Magazine s'y essaie avec quelque bonheur sur une cadence mensuelle. Il faudrait transformer l'essai en hebdo pour accéder au lectorat de masse. On peut y adjoindre un portail Internet fonctionnant sous le régime du fil quotidien de nouvelles, agrégeant les blogues et ouvrant sur les fondamentaux du royalisme prédigérés.
A contrario, un journal d'opinion de facture traditionnelle, célébrant à chaque livraison la pertinence de jugements historiques, prenant la remorque de formations politiciennes de ronchons anti-tout sauf pour les prébendes offertes par leurs adversaires, ce journal, à l'évidence destiné à quelques happy few convaincus pavloviens comme moi, n'est pas viable. Le lectorat des croyants est trop restreint. Je suis le seul dans ma rue !
Ce n'est pas au blogueur impénitent même royaliste d'instinct, d'exposer à un mouvement centenaire comment on construit un parti politique (les autres organisations sont de la foutaise) avec une queue de trajectoire, un axe de progression, une articulation réfléchie des étages de propagande, un choix de vecteurs dédiés, le tout encadré d'une direction par objectifs, comme dans les affaires. Ces errements de canards sans tête dévoilent un amateurisme dommageable, comme le signalent aussi le foisonnement de blogues éphémères, les parutions à éclipses, la bousculade des conférences sur tout et rien, les disputes d'écoliers aux rares journées commémoratives.
Les pertes en ligne de militants déçus ou chassés constatées sur les vingt dernières années sont problématiques, non par elles-mêmes, tous les partis ont un tourniquet d'entrée-sortie, mais parce qu'elles reflètent une gestion des différences par leur négation et leur exclusion. Un bon militant, sincère et dévoué, avec un brin de plume ne fait pas toujours un patron de presse, ni avec un brin d'autorité un leader politique, mais peut verser dans l'autoritarisme destructeur, de bonne foi.
La relève ne s'est pas présentée franchement. Peut-être trouvera-t-on un jour en revenant de Longchamp, quelqu'un payé au mois pour réfléchir au meilleur moyen de faire revenir un roi en France, tout bêtement ... Pourquoi faire ? Me suis-je jamais posé la question ?
Il rangera son monde en ordre de bataille, distribuera lances et écus, désignera la ligne de crête, avant de crier : ACTION ...!
... FRANCAISE !
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