vendredi 24 octobre 2008

Le Sakharov à Hu Jia

C'est Hu Jia qui reçoit le prix Sakharov 2008 décerné par le Parlement de Strasbourg. Qui est-il ? Un fouteur de merde converti au bouddhisme tibétain lors des émeutes de juin 1989, nous disent les réactions officielles chinoises, un activiste hyperactif qui a couru les tribunes étrangères pour dénoncer la politique d'ordre, un criminel glauque condamné à 42 mois d'isolement à la succursale du Lao-Gaï¹ de Tianjin pour incitation à la subversion du régime ; ce qui est parfaitement avéré. Ne soyons pas naïfs. Son palmarès est dans la wikipedia.


Hu Jia et madame, Zeng Jinyan

« En décernant le Prix Sakharov à Hu Jia, le Parlement européen reconnaît de manière ferme et résolue le combat quotidien pour la liberté de tous les défenseurs chinois des droits de l'homme ». (HG Pöttering, président du Parlement)

Les ligues et les associations des droits de l'homme comme la Laogai Research Foundation sont ravies de ce choix. A priori, moi aussi ! A posteriori, la décision du Parlement européen conteste l'exercice outrancier de la souveraineté du pouvoir chinois sur ses peuples ; c'est une ingérence formelle ! Aucune attitude n'irrite plus le pouvoir chinois que l'ingérence étrangère dans ses affaires intérieures, c'est pavlovien depuis les Traités inégaux du XIX° siècle. Je serais bien en peine de prédire les développements que cette distinction lointaine vaudra à Hu Jia et les siens car le pouvoir est habitué à instrumentaliser le patriotisme endémique des Hans à des fins diplomatiques ; les Jeux olympiques de cet été nous ont montré comment. La chasse au yak, le SIDA caché, Tian An Men 89, sont-ils des dossiers qui le protègent ? J'en doute.

On comprend bien qu'une puissance de la taille de la Chine n'accepte pas qu'on lui dise où faire ce qu'elle a à faire, d'autant qu'aucun des donneurs de leçons n'a exercé de responsabilités gouvernementales sur un Etat unique d'un milliard trois cents millions de gens répartis en 82 peuples ! Nous souvenir de la manière dont nous "tenions" l'Empire français (pour ne pas parler de la méthode britannique) serait le commencement d'une lecture des contraintes affrontées par ces horribles communistes-capitalistes, que je déteste ! Mais admire un peu quand le moulin ralentit sur la Mancha !

Pour le moment, l'endroit le plus sûr pour le dissident couronné reste paradoxalement le cachot, sous les lasers de la presse internationale. Souhaitons-lui que la couronne ne soit pas d'épines !

canard de la Cité interdite
Ce que ne veut pas savoir Hu Jia (à moins qu'il ne fasse semblant) est la faiblesse de ses soutiens, faiblesse aggravée par la crise économique mondiale :
Sans parler de découplage entre les économies des pays riches et l'économie chinoise, il est certain que la récession va diminuer l'intensité des réciprocités. Si les tentatives d'intimidation du pouvoir chinois ont moins de levier (leverage) sur ses fournisseurs et investisseurs occidentaux c'est bien que ceux-ci sont par les temps qui courent moins acteurs qu'observateurs. Dans l'autre sens, les objurgations et remontrances habituelles de l'Ouest bien pensant glisseront comme l'eau de pluie sur les plumes du canard mandarin.

Le sommet de l'ASEM-7 qui réunit aujourd'hui à Pékin 43 pays [Chine, Japon, UE(27), ASEAN(10), Corée du sud, Inde, Mongolie extérieure et Pakistan] ne sera pas perturbé par le prix Sakharov ainsi qu'en a décidé le gouvernement du pays hôte et comme en ont convenu in petto les invités. En ce sens, c'est pour l'instant un pas de clerc des eurodéputés emmenés par le groupe des Verts. La meilleure issue pour Mr Hu serait une conspiration du silence en Chine jusqu'au jour de sa libération, même si l'agit-prop de Reporters Sans Frontières compte bien capitaliser sur cette affaire, quoiqu'il en coûte au lauréat, as usual.

KouzouliLes députés socialistes et communistes européens ont voté contre l'attribution du prix Sakharov au dissident chinois. L'auraient-ils donné au Biélorusse (humour)? Même après la chute du Mur, on ne peut se défaire à Gauche d'une certaine "compréhension" des problèmes assaillant les Grands Frères. Le sénateur Mélenchon nous en a fait la démonstration éclatante contre le féroce 14° dalaï lama qu'il passait d'avance par pertes et profits pendant les Jeux olympiques. Il y a des limites à la décence, mais Mélenchon "...ose tout, c'est à cela qu'on le reconnaît".

Les candidats déboutés étaient un opposant au despote éclairé au gaz russe Loukachenko (Alexandre Kozouline) incarcéré à Minsk, et un abbé congolais qui assure les bons offices de pacification en RDC (Abbott Apollinaire Malu Malu).
Malu MaluCe dernier, docteur en sciences politiques de l'université de Grenoble, risque sa peau depuis qu'il fait de l'ombre aux chefs des factions congolaises. A Strasbourg, il l'a échappé belle !
Finalement nos décorations à longue portée nous font plaisir à nous-mêmes et c'est bien ce qui compte. Tout dommage à l'élu prouverait s'il était nécessaire le bien-fondé de la distinction.

Note (1) : le Lao-Gaï (rééducation par le travail sans la joie) est le cousin du Goulag soviétique. Ses centres de détention sont des usines référencées au Dun & Bradstreet :
A Tianjin, la prison de Gangbei est la Tianjin Cylinder Liner Oil Pump Fty, et celle de Xiqing, la Tongnan Hardware Electric Appliances Products Fty.
Mais personne en Chine ne peut concevoir qu'un prisonnier se tourne les pouces.



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