jeudi 23 octobre 2008

Le roi du temps long

montreLe roi est la clef de voûte institutionnelle idéale puisqu'il pérennise l'idée de Nation, l'incarne toute et la domine. Il sert de repère fixe dans les périodes de tumultes, apaise les contentieux, recherche le bien de chacun et de tous, et par éducation, est au fait de la chose publique très tôt dans sa vie. La charge de roi accumule l'expérience nécessaire à l'exercice de sa fonction pendant une période plus longue que la seule vie du titulaire au moment. Le roi dont le souci premier est le legs d'un héritage toujours mieux consolidé n'est prisonnier d'aucun dogme, d'aucune idéologie, d'aucune loi supérieure à celle qui le sacre. Le roi est enfin la garantie d'un rajeunissement périodique de la clef de voûte nationale quand s'ouvre sa succession. Le modèle est naturellement évolutif. [ Conclusion de l'A-propos ]

La conjoncture mondiale actuelle exacerbe la nécessité des politiques de temps long autant que la primauté retrouvée d'une certaine morale internationale sans laquelle la globalisation va s'effondrer sur elle-même ! Pour faire court, les peuples de ce monde s'inquiètent de placer des gens sérieux aux manettes de la planète et s'ils les trouvent souhaitent de n'en point changer à bref délai.
La monarchie n'est pas le seul régime de temps long mais le plus répandu et historiquement celui qui a fait ses preuves. Les empires, déclarés ou de facto, capitalisent aussi le vecteur temps long, ainsi que la Chine nous en fait la démonstration depuis trente ans. Le pouvoir central de l'empire céleste revenu explore les voies d'avenir sur une projection à cinquante ans et fait la démonstration d'une incroyable permanence d'efforts sur un cap déterminé au début du voyage, quelque soit l'état de la mer. Il s'agit de retrouver la puissance hégémonique de l'empire des Qing qui connut son apogée à la fin du XVIII° siècle et d'éviter la corruption du modèle qui intervint à la prise de pouvoir de l'impératrice douairière Tseu-Hi. On peut décliner trois axes d'efforts :

a.- construction d'une force militaire de format technologique avancé mettant définitivement la nation Han à l'abri d'une agression ; cette politique de sûreté valide la constitution de marches comme le Thibet, le Xinkiang, la Mongolie ;
b.- accumulation d'un capital de manoeuvre ouvrant des possibilités d'intervention à distance pour préserver les intérêts vitaux situés hors de la sphère de souveraineté (matières premières, voies de transport) ;
c.- capacité économique permettant d'arracher définitivement à sa misère endémique le peuple le plus nombreux de la planète (et accessoirement les minorités qu'il "protège") ; l'instrument de mesure comparée est le Japon.

Zhong Nanhai compound
On notera que les crises financière et économique sont intégrées par les Chinois sur ce vecteur temps cinquantenaire - 18 mois pour la première et 3-4 ans pour la seconde - ce qui n'est pas de nature à les faire dévier, même s'ils en profitent pour faire des ajustements difficiles en temps de "paix" dans leur secteur bancaire. On notera aussi qu'il n'y a plus aucune ambition idéologique à Zhong Nan Hai¹, au grand dam des derniers états staliniens qui - nécessité du commerce fait loi - sont rejetés aux égouts de l'histoire. Le Parti communiste défend son pouvoir comme toute communauté humaine le fait, mais quand même et surtout parce qu'il se sent investi d'une mission quasiment sacrée, celle que nous venons d'énoncer.

La France n'a pas autant d'autonomie que la Chine milliardaire en habitants et son champ de manoeuvre comme ses capacités ont été réduites au pantographe de la mondialisation qui l'a fait passer sous la taille critique. Mais le handicap de taille - que l'on peut combattre adroitement - est moins pénalisant que l'absence de permanence de nos axes d'effort. La Cinquième République dont on fête le demi-siècle cette année, a démontré l'inconstance de ce régime d'alternances, de joutes stériles, de jeux coupables. Au résultat - comme on dit au pas de tir - on obtient un pays essoufflé, sur-endetté, ne maîtrisant plus ses flux vitaux et ouvert sans réelle défense aux dangers de tous ordres dont le moindre n'est pas la substitution démographique. Nous exportons nos élites et importons les laissés-pour-compte de pays pauvres étrangers à notre culture.

6 présidents
Après le bluff grandiose de la période gaulliste qui, reconnaissons-le, fit illusion longtemps, jusqu'à ce que nous soyons mis au pied du mur lors de la première guerre du Golfe, vint la modernisation pompidolienne qui lança la chasse aux canards boiteux ! Succès confirmé par le président suivant, jusqu'à détruire toute l'industrie de la machine-outil française et des pans entiers de la métallurgie. L'Allemagne ne nous a pas imités (elle ne nous imite jamais) et l'on voit aujourd'hui le différentiel de compétitivité sur les marchés internationaux.

Le président Giscard d'Estaing s'attacha presque exclusivement à vider le programme commun de ses adversaires de toute substance, en appliquant les mesures que ces gens-là préconisaient, à l'exclusion des nationalisations que l'on savait anachroniques et pétrifiantes. Son successeur, friand de politique florentine, réduisit l'économie du pays au minimum vital et laissa au bout de quatorze ans, une dette énorme sous une bureaucratie pachydermique. Vint alors le "fort en gueule" sympathique prêté à la République par la Ville de Paris qui stérilisa presque toutes les réformes que son team de campagne avait identifiées ! Le régime passait à la sclérose en plaque sans aucun but à atteindre autre que celui de se survivre.

Nous en sommes aujourd'hui à vouloir réformer un pays qui travaille peu, imagine peu et reste addicté aux allocations de tous styles. Il a bien du courage monsieur Sarkozy pour remonter la France au rang naturel qui est le sien, et s'il ne peut le dire avant d'avoir atteint l'âge canonique où les mémoires deviennent bavards, il doit souvent penser que ce régime est le plus mauvais outil possible pour gouverner vers le succès :
Même avec une majorité confortable dans les deux chambres du parlement, il se heurte au sabotage perlé de son administration², à la contestation permanente de sa légitimité à l'enseigne de la seule démocratie valable, celle exprimée en voirie, et à la guerre d'usure des lobbies, sous-partis et corporations d'influence.
S'il fait quelquefois le "roi", ne doutons pas qu'il en regrette l'image d'Epinal même quand l'aisance de jugement n'est pas au rendez-vous de son conseil privé. Quel axe pour la France ? Une avalanche de mots creux submergeant de bonnes intentions.

Même inséré dans la cohésion occidentale, un chef d'Etat français permanent et professionnel peut accomplir le redressement du pays au motif déjà que le cap décidé peut être maintenu pendant tout le cycle de recouvrance. Quel est ce cap ?
Il ressemble à celui poursuivi par l'empire céleste émergent : la puissance.

Nous avons plusieurs fois développé une politique de puissance sur ce blogue. Le succès (éventuel) de cette démarche politique nous apportera à terme plus d'autonomie dans les enceintes internationales, réveillera le génie français et sa légitime fierté en mettant nos peuples en sûreté sur les plans économique et militaire. Si la démarche est menée de concert avec un réarmement moral et mental du pays sur des valeurs sociétales fortes, le pays que nos enfants découvriront alors deviendra cher à leur coeur, une vraie patrie.
On ne voit pas qui sinon un roi et le régime monarchique qui le sert feraient mieux sur cet axe d'effort.
Au roi, et vite !

drapeau blanc

Note (1) : C'est la cité (interdite) du pouvoir chinois depuis 1949
Note (2) : Bercy n'a pas encore édité ses instructions aux services pour l'application du Paquet fiscal de 2007



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3 commentaires:

  1. Votre description, au début de l'article, est magnifique. J'espère que vous ne m'en voudrez pas de dire qu'elle est benoîte, et que si l'Histoire vécue pendant l'ancienne monarchie française lui avait ressemblé, nous n'en serions pas là.

    Cette image correspond à l'image rassérénée, arrondie, que donnent des candidats qui viennent de s'étriper pendant une campagne, lors d'un dernier round présidentiel. Cette conception idyllique me paraît avoir été développée jusqu'à ce jour par les cercles qui rejettaient avec juste raison la Révolution, et qui regrettaient l'ancienne formule.

    Mais l'accumulation d'expérience plus longue qu'une vie humaine, existe partout : dans le Droit par exemple. Elle n'est pas le propre du roi. Quant à la recherche du bien de chacun et de tous, je ne développerai pas plus que de dire que les siècles de la royauté capétienne en France ne m'ont convaincu que du contraire.

    je reconnais que, de le dire, ça peut sembler mettre à mal le patrimoine de mémoire que nous voudrions conserver.

    Je saute à la fin de votre article en entier intéressant, pour dire qu'un roi, formule plus intéressante que "le roi" des royalistes, est l'un de ceux qui peut aider à la recomposition de la Société. Cela suppose sortir de l'obsession capétienne. Il faut envisager aussi une monarchie dépoussiérée des toutes ces histoires sociétales et gallocentristes. Ce n'est pas demain que les royalistes l'admettront...

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  2. La dichotomie des "valeurs" royalistes est en progrès. D'un côté les valeurs sociétales reclassées par les acteurs de la société, de l'autre les valeurs institutionnelles.
    La monarchie n'est pas un prêt-à-penser ni une garantie de salut chrétien mais l'organisation d'un ordre.

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  3. La différence est grande entre une accumulation d'expérience au sein d'une structure universitaire par exemple et la même accumulation au sein d'une famille.
    C'est aussi très différent de commencer sa formation politique vers 8 ou 9 ans et à 20-25 !
    Il y a enfin le poids de la charge royale sur cette éducation, et elle est sans commune mesure avec l'inquiétude d'un succès à l'examen.

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