samedi 11 octobre 2008

Nationalisation, colbertisme

benoit hamonDepuis quelques jours, les archéo-socialistes et les journalistes en quête de commentaires sautent comme des cabris en criant à la "nationalisation. "On vous l'avez bien dit qu'il fallait nationaliser !". Même des esprits plus jeunes comme le sous-député Hamon, réclament d'aller au bout du concept marxiste en renationalisant le secteur bancaire. Il n'avait que 14 ans en 1981 et ne se souvient pas de l'incongruité de la démarche qui nous avait alors stigmatisés sur toutes les places financières du monde. Georges Brassens l'a si bien dit : "le temps ne fait rien à l'affaire ...".
Le contribuable français a payé très cher ces foutaises idéologiques, même si le ménage à trois "affairistes-politiciens-banquiers" a permis de lancer de belles fortunes privées comme celles de M. Arnault ou M. Pinault, et continue de métastaser dans l'affaire Tapie.
Hamon et quelques autres du think tank de La Forge s'appuient sur les "nationalisations" américaines de Hank Paulson pour instrumentaliser à leur bénéfice les décisions de leur "pire ennemi" ; Paulson a quitté Goldman Sachs en 2004 avec un parachute doré de cinq cent millions de dollars et reste un capitaliste "red meat" !

Ses injections de capitaux dans les institutions financières américaines en échange d'un paquet d'actions privilégiées ne visent qu'à leur donner plus de force gravitationnelle dans la galaxie financière. Accessoirement elles provoquent la mise à pied sans indemnités du patron (CEO) de la banque aidée. Quand on sortira de la crise (dans un à trois ans), ces actions seront revendues au goutte à goutte sur les marchés boursiers par le pouvoir américain qui espère bien encaisser de confortables plus-values, au prix où il paie aujourd'hui les titres échangés contre les fonds publics. C'est un sauvetage par injection de liquidités dans un réseau financier quasiment asséché en crédit interbancaire, mais aussi une belle opération de crédit professionnel, et Paulson est un professionnel, contrairement aux ministres des finances du G7 qui l'entouraient hier, et qui n'aboutirent à rien plus qu'une déclaration de principe sur la sage gouvernance. La contribution du directeur général du FMI, Strauss-Kahn, est pitoyable de convenu, inutile et presque stupide, à se souvenir de la responsabilité du Fonds dans la crise asiatique de 1997.

Hank PaulsonReste le rachat pat l'Etat fédéral des hypothèques douteuses ou pourries visant à nettoyer les actifs des banques et institutions de refinancement pour rétablir la confiance du milieu. C'est à la limite une opération caritative de "sécurité sociale" et il n'est pas dit qu'elle puisse se dénouer à terme avec bénéfice. Le gage ultime est un stock immobilier de qualité moyenne ou basse situé dans des zones moins attrayantes ou le pied-carré est bon marché et peu susceptible d'embellie. Cette décision angoisse les contribuables américains qui touchent au quotidien de quoi s'agit-il exactement, plus que la mutualisation des pertes des milliardaires de New York et de Chicago. L'intrusion de l'Etat dans la jungle libérale n'est qu'un thème de campagne électorale parce qu'il y a longtemps que l'Etat, fédéral ou local, est dans la "rue" et ne gêne personne.

Cette "nationalisation des terres" ne sert en rien la dialectique socialiste qui ne peut proposer à ses militants et bientôt à l'électorat la collectivisation de la propriété foncière, à peine de réveiller chez l'auditeur une irrésistible énurésie sarcastique. Et pourtant c'est le seul exemple réalisé dont ils disposent aujourd'hui dans leur quête du graal marxiste. Autant dire que les appels à nationaliser sont vains ; surtout depuis que le champion parisien du parti socialiste, Delanoë, a fait son coming-out ...libéral !

colbert De notre bord aussi se réveille une certaine impatience à voir l'Etat reprendre la main sur le thème du colbertisme. Au souvenir du développement provoqué par de grands commis comme Colbert (1619-1683) ou Vauban (1633-1704) - il y en eut d'autres -, nous caressons le rêve d'un retour d'une certaine gloire enfuie par une implication massive des pouvoirs régaliens de l'Etat dans l'économique. C'est oublier que ces visionnaires s'attaquaient d'abord au futur du royaume plus qu'à la conservation de positions traditionnelles ou précarisées. Le futur français est quasiment colbertisé déjà : la recherche dépend du CNRS, l'atome du CEA, l'astronautique d'Arianespace et EADS est une structure bi-étatique. La liste est longue.
Entre la sphère étatique et la sphère privée il y a le sas de l'économie mixte, vestige de la soviétisation du pays. On y trouve des milliers d'entreprises, offices et agences, de très grandes comme GDF-SUEZ (35% de capitaux publics) en passant par Renault (15%) jusqu'à de minuscules fromages pour nomenklatouristes à abriter, dont les plus nombreux s'occupent de formation professionnelle.
Cette zone grise n'est pas le royaume des grands performers même si l'on y rencontre des succès indéniables ; mais parfois aussi de grands désastres comme France Télécom sous la gestion de Michel Bon.

vaubanIl est certain que "colbertisation" et nationalisation aient les faveurs d'une large part de la classe politique française, pour la simple raison qu'elles créent des postes accessibles sans une concurrence féroce, avec simplement des relations. On s'aperçoit vite, si l'on s'en donne la peine, que la zone grise actuelle est staffée aux niveaux subalternes par les "fils et filles de ...". L'avenir n'étant pas rose, un accroissement des offres d'emploi restreintes à la génération élue lui apporterait la sécurité indispensable à se perpétuer aux manettes de toutes tailles.
Le génie français est capable du meilleur qu'il ne soit besoin de multiplier les pantoufles. Percer sur le secteur concurrentiel est la meilleure incitation à se surpasser et à donner au pays les clefs de son avenir.

En quittant ce billet, on notera que parmi les meilleurs laboratoires d'idées qui phosphorent en France, beaucoup ont choisi des noms d'Ancien régime : Institut Turgot, Comité Colbert, Institut Choiseul, le plus puissant en influence dit-on, Institut Montaigne ; et que l'association Vauban est très active dans plusieurs domaines tournés vers demain ! Doit-on s'étonner de ne point trouver dans la liste des associations du même type portant des noms républicains ? Celles-là se désignent par un nom neutre (La Boussole, l'Horloge, Terra Nova, Belles Feuilles) ou par un acronyme (AFIDORA, CAPRI, CERI, IFRI, etc).

Je me tue à vous le dire : la monarchie est un truc futuriste.

PS : Un fil a été ouvert sur le forum ViveLeRoy qui aborde le colbertisme : CLIC.


armes de choiseul
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