Mis à part un catalogue de mesures ambitieuses pas toujours financées, le bilan - nous y reviendrons à la Noël - remontera la pendule à l'heure du référendum irlandais, grosse épine dans le talon fédéraliste. Soit l'Irlande vient à résipiscence en 2009¹, auquel cas la dispute se déplacera vers certains maîtres-chanteurs de l'Est ; soit elle persiste dans son "caprice" et ouvre ce faisant la voie à la confédération. En aucun cas, et seul le texte de Lisbonne le permettait explicitement, il ne sera question de découdre l'Union européenne. Aussi, suis-je plus que perplexe sur la campagne de sécession que veut monter le CRAF² sur des bases, je présume nouvelles ...
I. EXPOSÉ DES MOTIFS
1.- Préhistoire de la France seule
La devise courageuse de "La France Seule" sous-titrait le journal de L'Action Française sous l'Occupation. Elle n'aura pas suffi à prémunir Charles Maurras de la poursuite des médiocres et le laissera condamner pour une extravagante intelligence avec l'ennemi par un faux témoignage du regretté Paul Claudel, "littérateur obscur" qu'on ne lit pas exprès ...
2.- Histoire
Soixante ans plus tard, la nouvelle guerre de sécession sous l'enseigne de "La France Seule" trouve sa source dans le référendum de mai 2005 raté par Jacques Chirac. Le 30 mai au matin, la France avait perdu son autorité continentale, déjà passablement esquintée par la trahison atlantique et les insultes à peine déguisées à l'endroit des pays de l'Est qui ne se ralliaient pas. Le "pays réel" étourdi de sa victoire - j'en fus -, attendait le plan B que les thuriféraires du NON lui avaient promis. Hélas, les quatre chefs de file de la contestation n'allèrent pas plus loin que de revendiquer chacun le jeu décisif qui avait conclu le match à leur profit.
Le non de mai 2005 était le prétexte rêvé pour creuser à fond la question de la confédération européenne et mettre rapidement sur la table un projet bouclé. Il n'en fut rien, trop difficile, trop occupé, pas le temps ! En réalité, pas d'idées, aucune stature d'hommes d'Etat dans cette coalition de bric et de broc, rationnaires d'hémicycles, charlatans de la République.
Aucun plan B ne les intéressait plus, dès lors qu'ils avaient fourbi leur notoriété médiatique et pris du poids pour les élections à venir. Je méprise en cela ces miquets démocrates qui vont de la gueule sous les préaux mais ne savent rien construire d'utile au pied du mur. Depuis, je les combats, à travers ce petit blogue à dix sous ... et ils ne se marrent même pas !
3.- Réalités & Perspectives
« Plus un événement est lourd de conséquences, moins il est possible de le penser à partir de ses causes (F.Furet) » : aussi n'épiloguons pas sur le référendum Chirac, abandonnons les analyses stériles et allons aux faits.
A la fin du premier quart de ce siècle, que sera devenue la France ?
En queue de peloton des grandes nations industrialisées, disputant sa place à la Haute-Volga du Csar Poutine qui finira par l'emporter, assis sur d’énormes rentes minières, la France, n'ayant de rentes que ses idées, sera devenue un grand pays africain de tourisme et de services ... aux personnes âgées. Son industrie aura depuis longtemps déserté le maquis réglementaire et ses financiers dirigeront leurs affaires françaises depuis Londres, Zurich, Francfort ou Amsterdam, loin de nos métropoles, incandescentes chaque nuit fériée.
Prévenu contre la démocratie divisive par essence, nul ne sera étonné de notre bord royaliste que le pays soit sous la coupe des royaumes combattants et des communautés légalisées tirant à hue et à dia. Après le dodécannat chiraquien, le décennat sarkozien et un petit quinquennat ségoliste qui aura mal fini, comment pourra-t-il en être autrement ? Nous aurons alors atteint l'an 2022 ! Endettés jusqu'au cou, divisés en tribus comme à l'époque des Gaules, et ... à poil !
Exagéré ? Le gouvernement vibrionnant de Sarkozy-Fillon, peu de temps après avoir déclaré la faillite de l'Etat, se jette dans la Dette pour sauver le modèle français complètement ringard. Si le remboursement peut être différé (caché au peuple), ses intérêts sont eux exigibles à chaque terme et leur paiement représente déjà le deuxième "budget" de l'Etat, en concurrence avec la Défense nationale.
Chacun comprend que la Dette, même lourde à servir, n'est pas le diable absolu si elle finance la création d'actifs dont le retour sur investissement contribuera à son amortissement, ou encore si elle lance l'exploitation de rentes, minières par exemple, qui produiront valeur ajoutée et cashflow en continu.
Adossée à des dépenses de fonctionnement recyclées dans la consommation des ménages et l'épargne - comme c'est le cas - elle est en revanche un crime politique, punissable d'une révolution quand elle devient le premier poste budgétaire ; ce vers quoi nous allons comme les aveugles de Bruegel.
Qu'en sera-t-il des 26 milliards³ de choux et carottes de la Relance ? Les 2/3 participeront au fonctionnement et un petit tiers (le curaçao) sera affecté à l'investissement. Combien seront investis matériellement dans la brique, la fonte, le béton ou l'acier ; et parmi ceux-là combien rapporteront quelque chose à notre Nation. Entrent d'avance en résonnance les labels, les bureaux d'études "techniques", les laboratoires environnementaux, les ateliers de design, les centres de formation, et tous autres habillages indispensables aux projets publics qui, au taux normal africain (ou parisien), devraient pomper 50% des crédits mobilisés. Il est prévisible donc que sur un déficit consenti de 26 milliards, l'investissement pardonnable ne fasse au bout du bout que 3 ou 4 milliards. Ajoutez-y les délais de réalisation et vous saurez que le plan de Relance de Douai est d'abord un plan de Communication. Bon courage, monsieur Devedjian, ce sens du sacrifice est à votre honneur.
Il n'est donc pas venu le temps de l'orgueil rasséréné sur l'Aventin de nos certitudes. Nous devons souquer ferme dans les vapeurs putrides de la mondialisation sans plus de choix que d'avancer. Pis qui est, vouloir tirer seuls une galère aussi plombée que la nôtre relève du masochisme nationaliste. Si nous avons perdu beaucoup de franc-bord par le poids des coquillages morts collés sous la coque, nous avons pour quelques années encore des traces de considération dans des enceintes de décision qu'il serait stupide de fuir. UE, OTAN, ONU, FMI, OMC : nous existons. Profitons-en et cessons de vouloir à tout prix nous y distinguer dans des provocations "petit bras" qui font sourire quand elles n'agacent pas ! Soyons sérieux !
II. REVUE DE PAQUETAGE
1.- UE : nous devons rester le plus près possible de la passerelle pour faire dévier le projet vers la confédération. Pour cela, il faut d'abord que nous apprenions à travailler avec nos voisins sans les écraser de notre indiscutable supériorité (cessons de faire parvenir les parvenus) et ensuite mais surtout, il est nécessaire d'appuyer notre campagne par un projet bouclé et compréhensible par tous. Les royalistes sont-ils capables de monter ce projet confédéral, et d'en rédiger les objectifs, les étapes et leur articulation en moins de cent cinquante pages ?
L'imbrication de notre économie dans le Marché commun, notre position géopolitique centrale et notre histoire, nous interdisent la sécession. Incidemment, notre siège au Conseil de sécurité de New York en dépend. Existons donc plutôt par la confédération !
2.- OTAN : les guerres modernes sont d'abord des guerres de procédures et de robots. La Guerre froide a créé une structure de commandement intégré rodée obéissant à des codes offensifs (ça nous changera) et adossée à des brigades existant réellement, même si elle ne met plus en jeu les mêmes masses qu'en 1989. Rentrons dans le rang, nos unités de combat sont appréciées - plus que nos états-majors - et nous bénéficierons des facilités automatiques des bases Nato, de l'intégration des codes, sans parler de la garantie de réaction si ça va mal, ce qui n'est pas du tout assuré aujourd'hui. Faute de moyens budgétaires et de carburant, nous n'avons jamais su faire cavalier seul. Acceptons-le sans le dire, tordons le cou au faux prétexte de l'américanisation - les Allemands ne portent pas ce joug - et devenons le fer de lance d'une OTAN rajeunie que nous renforcerons. Saisissons l'occasion du 60° anniversaire de l'organisation à Strasbourg, le 3 avril 2009.
3.- ONU : Membre permanent du Conseil de sécurité avec droit de veto, depuis notre décolonisation assez réussie, nous avons vocation à y représenter un certain Tiers-monde francophone. Sans cette étiquette non-alignée, nous sommes en doublon. Notre siège est convoité par trois économies puissantes qui impactent bien plus que nous sur le marché global : Japon, Allemagne, Inde. Ne comptons pas sur la Chine et la Russie pour nous conserver ce privilège. Pour réformer le Conseil en préservant nos positions, renforçons une bonne fois le camp occidental, c'est là que sont nos vrais amis.
Seule certitude, l’Unesco restera à Paris, meilleure expatriation pour les femmes de diplomates.
4.- FMI : nous y avons par tradition le poste de Directeur général. C'est notre dernier poste de prestige dans le monde. Tâchons de le conserver non en faisant le beau lors des points de presse mais en œuvrant sérieusement à la pérennisation de l'institution par la qualité de notre travail, par la dignité de notre comportement (?!) et par un certain chic français que l'on est en droit d'attendre de nous ! Notre vieille aristocratie produit naturellement les qualités recherchées. No comments…
5.- OMC : Outre le tourisme déjà évoqué, l'industrie française du luxe et l'agriculture commerciale sont les deux mamelles de notre futur quand notre industrie aura fini sa mue, ailleurs, et que services et invisibles se seront « supranationalisées » pour devenir une bonne fois pour toutes, apatrides. C'est dans cette enceinte de l'OMC que nous pouvons les défendre.
Nous y avons placé "notre" secrétaire général ; nous y sommes convoqués le 13 décembre. Faisons-y notre nid.
III. PREMIERE SYNTHESE
Ne croyons pas une seconde qu'un chevalier errant français puisse longtemps conserver sur ses mérites propres ses positions d'influence dans ces organisations. Le siècle de Louis XV est fini même si luisent par ci par là des souvenirs élogieux à l'étage des élites culturelles du monde. Notre période voit le recul européen dans un système à somme nulle ; c'est la mise en bloc du sous-continent qui freinera assez longtemps son déclin relatif en attendant que la tendance se retourne, car les empires émergents connaîtront eux-aussi des problèmes d'hypertrophie.
Alors, sauf à accepter le destin du Portugal, empire universel devenu un état croupion européen qui va à la Poste chaque mois chercher son mandat, nous ne devons pas faire sécession aujourd'hui de l'Union européenne. Nous devons nous battre pour nous-mêmes au sein d'organisations de pouvoir, mais pas contre elles de l'extérieur car nous serons laminés. L’UE est une organisation de pouvoir, même si l'on parle de soft power.
PS : Il y a une question subsidiaire : le vrai "pays réel" mérite-il qu'on se décarcasse ? Si vous répondez non, émigrez, du moins poussez-y vos enfants, car il n'est pas juste qu'ils se saignent aux quatre veines pour perfuser un pays que nous leur aurons laissé dans le coma !
Si vous répondez oui, il ne suffit pas de brandir des valeurs de redressement économique et de réarmement moral ; il faut y réussir ! En usant de tous nos derniers atouts.
Ne détruisons rien qui puisse nous servir.
Note (1) : avant les élections européennes du 4 juin 2009
Note (2) : Centre royaliste d'Action française
Note (3) : Les 26 milliards se décomposent comme suit :
- 11,5 milliards de retards de règlements publics versés début 2009 (dépenses de fonctionnement);
- 4 milliards aux chômeurs, au bâtiment et à l'automobile (2/3 de dépenses de fonctionnement);
- 4 milliards investis par les entreprises publiques qui ne grèveront pas le déficit public mais peut-être leurs comptes ;
- 6,5 milliards d'investissements de l'Etat et des collectivités territoriales. Rapporteront-ils tous pour se rembourser ?
Note (*) : agenda obtenu verbalement aujourd'hui à 16h :
L'agenda comporte 3 points sur lesquels M. Sarkozy prendrait plaisir à passer en force:
- paquet "énergie-climat" : pas de chance, le groupe des 9 pays de l'Est ne veut pas diminuer son CO² sans subventions de l'Ouest. L'Allemagne ne paiera pas !
- coordination de crise : contre le 1,5% magique de Barroso se dresse le silence des ... Allemands. L'Allemagne ne paiera pas !
- ratification irlandaise du traité de Lisbonne : le gouvernement irlandais ne peut que promettre de faire son mieux en 2009, et réclame des billes pour vendre le traité, comme un commissaire permanent dans l'exécutif resserré de 2012.
- Deux sujets accessoires, PESC et PAC, donneront lieu à des communiqués "encourageants".
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