Modérateur d'un forum royaliste, j'observe que la querelle dynastique surgit dans beaucoup de rubriques et détourne les débats d'idées vers une confrontation des principes et lois fondamentaux, chacun des polémistes ayant exclusivement les bons. Les Assises n'y échapperont pas, sauf à ne réunir que le parti d'Orléans, à ce que pourrait montrer la liste des participants déclarés maintenant. Tenté de me faire une religion au travers des arcanes disponibles, j'en suis venu à la conclusion qu'il n'y en avait pas ... de conclusion. Les deux traditions royalistes françaises sont irréconciliables, ceux qui passent de l'une à l'autre, quelque part trahissent leurs convictions à divers motifs dont le plus fréquent est une immense lassitude, mais le plus souvent ils quittent le mouvement sur la pointe des pieds, ayant synthétisé sa vanité.
Pour les civils, rappelons brièvement les positions antagonistes :...
Les légitimistes¹ considèrent que la royauté française est dans la main de Dieu, successible dans l'ordre de primogéniture mâle hors de toute emprise des princes. Aussi, les déclarations ou renonciations des titulaires de la charge suprême ne gardent qu'un intérêt historique mais n'influent pas sur le choix transcendé, la monarchie étant de droit divin. Drapeau blanc. Lire aussi le Manifeste.
Les orléanistes² revendiquent la modernisation de la monarchie classique française enrichie des avancées procurées par les Lumières et obtenues sous la période révolutionnaire et impériale, et ils actent les déclarations et renonciations des titulaires successifs de la couronne (sauf celles de Philippe-Egalité qui n'était pas en charge). Ils ont appliqué leurs principes libéraux de gouvernement sous la Monarchie de Juillet, et après ce "stage", se sentent les seuls français de tous les Capétiens pour avoir résidé en France plus longtemps que tous les autres. Ce qui est vrai. Drapeau tricolore. Lire aussi l'édito de Michel Acosta sur le site de l'IMRF.
On voit bien qu'il y a deux traditions distinctes. Les caricatures de l'époque charnière - usurpation de 1830 - montrent que l'opinion faisait bien la distinction, suggérée d'ailleurs par la presse d'alors, qui voyait dans le Bourbon l'alliance du trône et l'autel pour l'exploitation des classes laborieuses, et en Orléans le développement économique dans un faisceau de libertés individuelles au profit de tout le peuple. On oubliait que le comte d'Artois devenu Charles X avait été un défenseur des réformes institutionnelles de Calonne dès 1786 (fin des 3 ordres), réformes audacieuses inspirée par Turgot, qui auraient vidé la Révolution de ses motifs.
L'avenir fera déchanter peuples et sponsors : la grande bourgeoisie d'affaires avalera tout cru les régimes successifs et mettra dans ses sweetshops des générations de travailleurs, travailleuses, sur le modèle anglais d'exploitation sans frein de la classe ouvrière, jusqu'au front populaire de 1936.
La querelle dynastique vient de ce que ces positions doctrinales assez tranchées ont bougé en 1883 à la mort sans postérité du comte de Chambord par la décision de la famille d'Orléans d'embrasser toute la succession. Bien que le roi Louis-Philippe ait rompu le fil dynastique en brisant le pacte familial et en se proclamant roi constitutionnel des Français au lieu de "roi de France et de Navarre", il y eut de la part de ses héritiers un geste hégémonique visant à "encaisser" la tradition légitimiste, dans le but louable certes de fédérer tous les cercles royalistes et, sans doute aucun, d'exiler les prétentions éventuelles de la seconde branche aînée dite des Blancs d'Espagne suffisamment occupés, à leurs yeux, par la chicaya carliste. Bien que cette attitude contrevînt aux lois fondamentales stricto sensu du royaume, royaume alors fermé pour cause de surdité depuis 35 ans, elle eut pu être comprise de chacun dans le but d'une restauration prochaine si elle ne s'était ensuite assortie de provocations, à mon sens inutiles, visant à établir et consolider la primauté de la branche cadette "par tous moyens même légaux". Les procès postérieurs au Millénaire Capétien de 1987 n'améliorèrent pas l'image du royalisme, la primauté d'une simple prétendance sur ses concurrentes étant puérile dans l'état de désintérêt manifeste de notre population à l'endroit de la royauté depuis, disons, la guerre de 14.
Cent vingt-cinq ans de sédimentation aboutissent aujourd'hui à la mise en cause dynastique de la famille de France par près de la moitié des royalistes français. Les griefs sont une longue liste et je vous en fais grâce tant ils sont destructeurs, mais recevables. C'est pour moi, un échec en France du "parti du roi", du même tonneau que celui qui a fait avorter la restauration de 1873 par la dispute des deux groupes royalistes, comptant chacun le même nombre de sièges, et majoritaires ensemble à la Chambre des députés. En 2009, nous en sommes toujours dans un rapport de 50-50 mais les effectifs ont fondu ; et comment !
Si les Assises du royalisme ne constatent pas la situation d'échec centennaire, elles ne sauront promouvoir les voies et moyens de la renaissance de l'idée monarchique au XXI° siècle en France. Mais deux jours suffiront-ils ? Le résultat des assises du GLR 2008 de Sommières ne laissent d'inquiéter puisqu'elles n'ont pas dépassé le jeu de chaises musicales au sein de l'AF en crise. On ose croire que la RN viendra avec ses organisations vivantes comme la FRP et l'URBVM. Les organisations légitimistes convergeront-elles sur les Assises de mai ? Si les cercles de l'UCLF, si l'Institut de Bourbon, Lys de France, la Charte de Fontevrault et j'en passe une douzaine, ne viennent pas, c'est la moitié du paysage royaliste français qui manquera. Et je ne parle pas des sites de référence comme Maurras.net, ViveleRoy.fr, les Amis de Guy Augé, l'Institut des sciences historiques, qui n'apparaissent pas encore dans ce rallye³ bien qu'ils aient des intentions de promotion de l'idée royaliste, pas non plus des sites personnels actifs comme Le Trône & l'Autel, ou des publications de qualité comme Le Lien Légitimiste.
Pourtant dans le faisceau d'espérances royalistes il y a place pour deux projets, deux schémas, un choix. La solution décantera d'elle-même. L'élu sera non pas le premier à Reims mais le dernier à Paris. Dans cette attente, il ne s'agit que de revenir aux traditions divergentes identifiées au début de ce billet :
Au Bourbon, le drapeau blanc, le droit divin, la charte, la doctrine sociale du comte de Chambord, la publicité de l'exercice de la religion, les valeurs traditionnelles naturelles, le renfort d'un second ordre rénové en attendant le ralliement du premier, la bénédiction du saint siège ... et on prend l'écu d'Anjou en attendant l'embellie ...
A Orléans, le drapeau tricolore, la constitution actuelle amendée dans ses dispositions concernant le chef d'Etat (comme l'avait accepté le défunt comte de Paris), les valeurs sociétales couramment admises, la laïcité fraternelle, la privatisation de l'exercice princier d'une éventuelle foi religieuse, le renfort du Capital, ... et on remet le lambel sur les armes de famille ...
Donnons à chacun sa chance pour le moment. Ce n'est au jour de l'accession que l'élu pourra se prévaloir "de France" et prendre les pleines armes qui vont avec. Est-ce si grave ces questions de blason qu'il faille assigner l'autre devant les cours de justice ? Ces titres d'attente sont-ils si précieux ? La vanité porte des œillères.
C'est l'état futur de décrépitude de notre pays qui dictera le choix d'un prince au moment décisif sans tenir compte des postures : certains y verront le doigt du Tout-puissant, d'autres la queue de trajectoire du Complot ; le pire sera favorable à celui des princes qui pourra assumer alors sur son seul caractère la charge de roi, souverain d'une nation ruinée et sans doute déchirée par l'insécurité intérieure. Les prétendants sauront dès ce moment que la fonction peut devenir un "malheur", comme le ressentait Louis XVI dans son testament de décembre 1792.
Celui qui résistera jusqu'au bout parmi le tumulte de Paris distancera tout contempteur et pourra envisager le voyage de Reims. Souhaitons que celui qui n'aura su accéder prenne alors bure et tonsure et prie pour le "gagnant".
Haut les cœurs, pour l'honneur, en avant pour souffrir !
En résumé, pour ceux qui ne lisent que les conclusions, deux offres monarchistes devraient cohabiter pacifiquement sur le marché politique en soignant d'abord leur notoriété. Par exemple : l'une voulant rétablir la charte de Louis XVIII et ressuscitant le royaume de France et de Navarre - on ne peut pas reculer plus loin sauf désintégration du noyau atomique ; l'autre actualisant la monarchie de Juillet sur le modèle des monarchies du Nord. Un code de bonne conduite règlerait** les questions intestines et l'axe de propagande en direction des cœurs à conquérir à l'extérieur de la mouvance des convaincus, en évitant les provocations internes qui nous ridiculisent. Les circonstances, certainement dramatiques de l'accession, feront plus tard le tri. D'ici là, les armes de France restent au roi ; les princes seraient bien inspirés d'attendre l'aboutissement de leurs ardeurs pour s'en saisir.
Note (1): Institut de la Maison de Bourbon
Note (2): Maison d'Orléans
Note (3): La Nation Française a listé les organisations suivantes :
- les Manants du roi
- la Nouvelle Action Royaliste
- le Centre Royaliste d’Action Française et l'AFE
- la revue « Les Epées »
- France Royaliste
- l'Alliance Royale
- la communauté « Monarchiste.com »
Note (*): la fantaisie étant cousine de la pacotille, nos Maisons seraient avisées, en attendant de régner en pleine possession des titulatures, de daigner faire le ménage dans les titres de courtoisie (ou d'attente) distribués comme des cadeaux en baril Bonux. Cette mascarade bourgeoise donne prise à nos adversaires qui n'en manquent par ailleurs pas.
Note (**): On pourrait confier la justice de paix royaliste à la Charte de Fontevrault qui est le seul pont entre les deux projets.
Si l'article vous a plu ou déplu, vous pouvez aussi le faire suivre à un ami en cliquant sur la petite enveloppe ci-dessous :
Votre division ne correspond pas à la réalité qui date du XIXème siècle.
RépondreSupprimerLe prince Louis souhaite une monarchie nordique et certains de ses partisans sans libéraux.
Les Orléans veulent conserver la constitution actuelle, avec modification, car elle permet au roi d'exercer sa charge. Charles de Gaulle s'est très inspiré des réformes constitutionnelles du comte de Chambord et de la Restauration.
Puis lisez "le passeur du miroir" du comte de Paris ce n'est pas du tout moderniste. Il dit bien que la loi vient de Dieu et non d'assemblée.
Ce disant vous constatez la fracture entre le "droit du prince" et celui de ses partisans, dans chaque camp d'ailleurs. L'écart est palpable dans les discussions du forum VLR ou T&A.
RépondreSupprimerPersonnellement je ne sais pas si Louis est tellement "suédois".
Ces fractures "partisans/champion" pourraient être évoquées dans un autre billet.
Quant au "cosmos" du prince Henri, c'est encore une troisième planète qui a bien été traitée par le site Occulture. On est très proche de la Gnose.
Je cherche "Le Passeur de Miroir" en brocante.
C'est ce qu'il se dit, et je le crois volontiers.
RépondreSupprimerJ'ai trouvé le livre du comte de Paris, sur amazon, vous pouvez le trouver. Il reprend des anciens mythes, mais la morale chrétienne est là, et rejoint la pensée traditionnelle.
Je pense qu'Henri et Jean sont beaucoup plus réactionnaire que Louis.
Les carlistes de droite le prince Sixte-Henri, digne descendant de Charles X. Pourquoi ne soutiennent-ils pas Louis, l'héritier normal selon la loi salique et carliste?
C'est une question bizarre. Un ami carliste catalan ne souffrait pas les d'Orléans à cause de tout ce que vous savez. Aussi fus-je intrigué en 1989 par la présence du prince Sixte-Henri en cour de justice aux côtés d'Henri d'Orléans contre le jeune duc d'Anjou pour ces affaires de titre et blason. Ce qui n'a pas démonté Jean Foyer d'ailleurs. En fait c'était un renfort à 50% car il ne suivait le prince Henri que sur un seul grief.
RépondreSupprimerD'un autre côté, malgré la modernité que vous prêtez au Bourbon, le saint Siège comme l'Ordre souverain de Malte semblent avoir fait leur choix, ainsi que - soit dit en passant - ... Gaudin :) .
Qui est réactionnaire ? Certainement pas Henri d'Orléans dans ce qu'il montre de son mode de vie.
Le Lien légitimiste n'a pas été encore invité et ne le sera pas, compte tenu de l'approche qui a été faite auprès de l'Alliance royale qui participera aux Assises si elles ne sont pas seulement celles de l'orléanisme revigorée par le mariage du Prince Jean en puissance de paternité l'année prochaine.
RépondreSupprimerDans une réunion récente, les délégués ont été informés de la situation qui rejette l'Alliance dans un no man's land entre les deux irréconciliables sous les sarcasmes légitimistes et les plaisanteries orléanistes…
Malheureusement, je pense que rien n'incitera les légitimistes à faire la démarche, coincés qu'ils sont sur la barbe de Chambord et la nostalgie complètement dépassée et désuète de ce qui fut peut-être sous Louis XIV…
Pourquoi fermez-vous le débat ?
RépondreSupprimerIl n'y a pas deux tendances mais une multitude même si certaines se réunissent volontiers autour de deux prétendants sur cinq ou six... en comptant un pour les Napoléon, les Naundorffistes dont vous-même avez parlé ici voici peu, Bourbon-Parme, les deux comptés pour un, et la solution que j'ai annoncée sur VLR et ailleurs, Carolingienne, qui tout en ne désignant pas encore son candidat n'en existe pas moins... Et j'en oublie sans doute.
D'ordinaire vous n'utilisez pas fréquemment le mot de monarchiste. Après tenter de récupérer la vague neo-libérale pour essayer d'exister, une partie des royalistes veulent-ils faire croire qu'ils représentent eux seuls tout le mouvement monarchiste ?
Dites-vous bien que tout ce qui sera fait sans Réelle concertation et se prétendra unitaire ou représentatif sera démenti et contré.
Décidément vous ne ménagez pas, les uns et les autres vos efforts pour court-circuiter mes initiatives. J'ai annonçé plusieurs fois un ouvrage qui ne tardera pas (2009) destiné à régler une fois pour toutes au moins à date, la question divisant les deux camps les plus connus.
Je lis votre billet et je reviens...
Le débat n'est pas prêt d'être clos. Mais peut-être devriez-vous afficher votre proclamation éventuelle afin que nul n'ignore qu'il existe une voie plus sure vers le roi.
RépondreSupprimerLes initiatives de quiconque ne sont pas court-circuitées sur ce blogue, par contre, celles de tous sont observées avec sympathie, encouragées souvent malgré même leur éphémère, et commentées parfois.
Mon propos visait surtout les frémissements perceptibles au sein du monde royaliste pour tenter d'accélérer la résolution impossible car sans bases nouvelles de ce qu'on peut nommer la querelle majeure, qui comme vous l'avez rappelé, dépasse la seule discussion dynastique. C'est sur là dessus seulement que doit porter cet ouvrage, et il ne faut pas confondre cette initiative avec l'expression, qui relève d'une autre démarche, de choix et solutions personnels dans la manière d'élaborer l'avenir.
RépondreSupprimerJe ne faisais pas allusion ici à l'hypothèse suggérée par certains de mes articles, d'une ouverture et du renouveau que je souhaite autour de la façon même d'envisager la question dans ce que vous appelez l'offre monarchique. Par ailleurs, merci de votre rappel.
Et bien, nous attendrons la publication de votre projet.
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