jeudi 22 janvier 2009

Quelle paix sans justice ?

caricature George MitchellLe président Obama a nommé son envoyé spécial au Moyen Orient, George Mitchell (de mère libanaise et de père irlandais), ancien chef de file de la majorité démocrate au Sénat et négociateur de l’accord de Belfast qui mit fin à la guerre civile irlandaise sous la présidence Clinton. Il a 75 ans, il est catholique et du genre "à qui on ne la fait pas". Vient-il transformer le cessez-le-feu en paix durable pour complaire à l'opinion internationale, ou cherche-t-il les voies de la justice pour régler la question judéo-palestinienne une bonne fois ?
Crier "la paix, la paix!" en sautant comme des cabris, soulage le téléspectateur qui n'a pas la résistance émotionnelle suffisante pour supporter le carnage (expurgé) dans les lucarnes bleues de son salon. Mais "la paix, la paix!" ne peut être que la conséquence de la justice et non le fruit de négociations de souk qui datent l'instant, sanctionnent un rapport de forces, précèdent un communiqué glorieux qui annule et remplace le précédent. L'histoire n'en finit pas de repasser ce plat ; même les Allemands des Sudètes attaquent aujourd'hui les décrets Beneš de 1945 qui les exproprièrent injustement de leurs terres (un bon article des Manants ici), avec quelque chance d'aboutir dans le nouveau cadre de la Charte des Droits Fondamentaux que le Traité de Lisbonne activera. La paix sans justice est un leurre démocratique qui s'apparente à un grand "taisez-vous" quand les cimetières sont bourrés !

Le crime ne fait pas jurisprudence. La reconnaissance onusienne de l'Etat hébreu en 1949 dans ses conquêtes de 1948, si elle fondait en droit la légalité d'une renaissance juive en Palestine, ne procèdait pas de la justice élémentaire qui est due aux peuples. D'où soixante ans de guerre ! Comment dès lors bâtir la paix sur un déni de justice, quelque sorte de péché originel ? Impossible ! L'URSS qui fut le premier état à reconnaître l'Etat hébreu ne s'y trompa pas car il enfonçait un pieu planté dans le cœur pétrolier de l'Occident, ferment de longs désordres. Génial Staline, un coup d'avance, toujours.

BalfourArguer de signatures, de textes d'armistice, d'articles de traités, de décrets, de résolutions internationales, fait gonfler la paperasse du conflit mais ne garantit aucune justice, si toutes les parties en cause n'en reconnaissent pas. Seul Salomon règlerait le dossier de Palestine car au bout du bout, la moindre division signifierait la mort du pays lui-même, tant les cousins sont imbriqués . Il n'est partout de cohabitation pérenne des peuples que fondée sur la justice, à distinguer d'ailleurs d'une égalité de conditions, même si existent des différences de tous ordres qui marquent les caractères propres à chacun. La force n'y supplée pas. L'apartheid qui se dessine sous les auspices internationaux pas plus !
On ne peut contraindre autrui à la paix sur la base de positions injustes sauf à le mettre au joug pour qu'il courbe l'échine ; mais in petto sa haine recuit et sa volonté de vengeance l'emplit tout entier jusqu'à le rendre aveugle. La force brute diffère un règlement juste jusqu'au jour où son exigence devient imparable. Le pays qui exemplifia la force brute jusqu'à lui faire primer le droit s'est suicidé par deux guerres mondiales : la Prusse, née en 1701, a été rayée de la carte, quelques dizaines de millions de morts et 244 ans plus tard. On parle maintenant du détricotage de l'Allemagne par ländérisation de l'Europe. Bismarck, connais pas, connais plus !

Loin de nous l'idée ridicule de vouloir repartir de la Déclaration Balfour et de refaire les choses autrement que le Foreign Office ne les guida. Il laissa partout l'endroit plus sale en sortant qu'il ne l'avait trouvé en entrant, lâchant la Palestine du mandat SDN en plein tumulte. Il vaudrait mieux faire table rase du passé qui pèse comme un géant mort sur la carte et considérer les réalités d'aujourd'hui sans plus chercher à comprendre le pourquoi et comment. Chaque partie dispose d'une tonne de "pourquois et comments" dans ses archives, qu'il utilise à mitraille. Que voit-on de la lune ?

Proche Orient nocturne : Un monde habité, avec des taches de prospérité, de grands déserts, des zones intermédiaires moins éclairées, et ci et là on devine en imagination des concentrations de réfugiés en camps qui ont fait souche comme des plantes en pot et vivent de la charité internationale.

carte nocturne du moyen orient
La région dispose des ressources nécessaires à son autonomie économique, pour aujourd'hui et pour demain, même s'il n'y a pas de terres nouvelles à défricher, car il y a des solutions techniques au développement. On constate simplement que les ressources existantes sont captés par les entités nouvellement apparues au détriment des autres, et que la richesse des nouveaux est fondée sur l'exploitation forcée de leurs voisins, ou carrément sur leur banissement des terres de rapport. Il faut être aveugle pour ne pas comprendre qu'il y a colonisation en mouvement de l'espace par les derniers entrants, qui pousse à la paupérisation des premiers résidents pour les contraindre à partir ; un rapport de Régis Debray pour le président Chirac en faisait l'énième démonstration en 2007. On peut le consulter ici. A quel titre laisse-t-on faire est un mystère !

régis debrayExtrait du rapport Debray :
Que montrent ces cartes ? Que les bases physiques, économiques et humaines d’un « Etat palestinien viable » sont en voie de disparition, en sorte que la « solution des deux Etats », le « divorce juste et équitable » (Amos Oz), le territoire partagé entre deux foyers nationaux, l’un plus petit que l’autre, démilitarisé, mais souverain, viable et continu, ressemblent désormais à des mots creux, à écrire au futur antérieur. On pourra contester que le point de non-retour soit atteint, en faisant valoir que, si les Israéliens ont gagné la bataille territoriale (seulement 22 % du territoire palestinien au moment du mandat britannique échappe encore à leur contrôle), les Palestiniens gagneront la bataille démographique. On pourra opposer la stupéfiante « résilience » des populations locales au calme rouleau compresseur qui, se hâtant lentement, met à exécution le plan Allon de 1968 (fin de l'extrait).

On comprend vite que l'Opinion internationale, si elle s'émeut parfois dans les enceintes internationales jusqu'à numéroter des résolutions inutiles, est complice de la conquête juive à des motifs que nous refusons aujourd'hui d'examiner. Ainsi la justice est-elle bafouée en continu depuis 1949. Dans le cas présent de l'affaire de Gaza, tout consentement de cessez-le-feu déplace le curseur de l'injustice vers une position nouvelle acquise par la force ; en espérant le laisser tel quel jusqu'aux élections du 10 février en Israël. Le cessez-le-feu ne résout rien au fond, même s'il allège la pression sur les populations terrorisées par la supériorité mécanique.
Les progrès (médiatiques) de la conférence franco-égyptienne de Charm el-Cheikh ont permis de figer le curseur de l'injustice sur la règle des inconvénients réciproques à un instant T, jusqu'à ce que les Américains viennent y poser leur doigt et le meuve d'un côté ou de l'autre ; mais de justice il n'est pas question. Il ne fut jamais question de laisser au peuple palestinien d'espace vital. Les diplomaties occidentale et arabe l'ont bougnoulisé dès le début !

Flyer No Justice No peace
La confiscation européenne de la Palestine au bénéfice des survivants de l'holocauste allemand est une tragédie irréparable si l'Occident ne fait pas aujourd'hui leur place aux premiers résidents, soit sur les terres encore disponibles soit dans les états voisins. L'établissement d'un Etat palestinien est moins important que l'espace vital. De cette justice naîtra la paix.
Mais peut-être, si l'on continue cette hypocrisie, l'invoquera-t-on à grands cris dans trente ans, lorsque la bascule démographique aura mis en péril Eretz Israël, et que la chimiothérapie naturelle palestinienne et bédouine qui l'entoure, seront venue à bout du cancer de la colonisation sioniste.
Patience, mourrez tranquilles, la lumière est au bout du tunnel, vous verrez d'en haut les fils de Sion crier "justice, justice !" en sautant comme des cabris ...



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1 commentaire:

  1. Le score de l'opération "plomb fondu" est de 1297 morts, 4336 blessés et 5000 maisons détruites, i.e :
    - enfants et mineurs <17ans : 280 morts
    - femmes : 111
    - hommes palestiniens : 503
    - hommes israéliens : 3
    - combattants du Hamas et du Djihad : 223
    - policiers du Hamas : 167
    - combattants de Tsahal : 10
    Total : 1297

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