
Quid de l'idée "Europe" en 2009 ? Après deux guerres mondiales provoquées par l'antagonisme franco-allemand et les dizaines de millions de morts qu'il provoqua, n'était-il pas légitime que certains hommes politiques aient mis en chantier cette idée de "l'Europe" que l'on caressait depuis quatre cents ans dans les cénacles ?
La grande péninsule au couchant du vieux monde était le siège d'un cancer dévorant les nations réputées les plus avancées de la planète. On le désigna sous le nom de nationalisme, lequel on affubla de toutes les dérives autoritaires et hégémoniques à la mode de ce temps. Si la démocratie dérivait immaquablement en démagogie, le nationalisme en faisant autant et sûrement vers la guerre totale.
Au sortir de la seconde, il y avait de ce côté-ci du monde trois vainqueurs et un vaincu. Les vainqueurs étaient cette fois étrangers à la Péninsule, ou de peu s'en faut pour l'Angleterre. Le vaincu, situé au coeur du théâtre d'opérations, avait été un empire puissant bâti sur des mythes et jadis le territoire du plus formidable aggrégat de peuples européens que l'Occident ait jamais rassemblé. Il n'en restait que ruines fumantes et queues immenses de zombies affamés.
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Soixante-quatre ans plus tard, le dispositif de pouvoirs dominants n'a changé que par la désintégration du vainqueur oriental quasiment disparu de l'épure, mais qui fournit indéniablement le meilleur facteur de cohésion occidentale contre lui tant qu'il exista. Washington, Londres et New York restent les capitales du monde en attendant que grandissent les autres, et au contact de la première grande crise mondiale depuis 1929, elles ont assuré leur prééminence.
Revenons à la fin des années 40. Si d'importantes quantités de territoire avaient été dévastées par les opérations de guerre, il restait les ferments d'une renaissance dans le génie européen : l'intelligence et l'invention. La collaboration de tous les pays du continent était désormais nécessaire à cette renaissance avec, dans l'esprit des fondateurs, une obligation d'interpénétration des valeurs et coutumes afin de prévenir un retour de flamme nationaliste dans l'espace de temps d'une génération. Sauf Adenauer, les pères de l'Europe étaient d'éducation "internationale".

Le fonctionnement satisfaisant de la Communauté européenne du charbon et de l'acier permit de répliquer la même opération. Sortit alors des champs nationaux la promesse d'un lendemain prospère par le développement du nucléaire civil. La communauté EURATOM créa quatre centres de recherche et construisit cinq centrales atomiques. La France ne tarda pas à revendiquer son exception pour développer son propre programme militaire, affaiblissant la structure commune, sans vraiment convaincre au moment de la pertinence de son cavalier seul.
L'autre communautarisation prévue était celle des armées des six pays afin d'obtenir une masse critique européenne sous commandement français - l'idée venait de nous et avait été vendue à tous nos voisins. Hélas, le parti gaulliste, allié sans vergogne au parti de l'étranger, fit capoter la ratification parlementaire au motif de l'Empire qu'il abandonna dès son retour aux affaires, et pour d'autres raisons que l'on cherche encore à comprendre, vu l'affaissement de notre Défense nationale à laquelle il présida par la mise en oeuvre de concepts ridicules ou arrogants comme la DOT et la dissuasion du faible au fort.
Le travail continua malgré tout dans le champ économique et l'on contruisit un espace commun agricole, pierre d'angle du commerce continental : ce fut la CEE. Le reste, vous le connaissez par coeur.
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C'est de 1965 que date la perversion du projet, quand les six pays décrétèrent la fusion des trois exécutifs CECA, Euratom et CEE dans un exécutif indépendant qui s'appellerait la Commission européenne. On créait un pouvoir qu'on pensait tenir par l'autorité formelle du Conseil des Etats, au lieu de quoi c'est un monstre administratif qui commença à grossir de lui-même, les besoins nouveaux en créant toujours d'autres, les disputes se liquéfiant dans l'inflation des structures.
Dans une optique confédérale, le meilleur projet pour l'Europe occidentale est de défaire la Commission et de répartir ses pouvoirs actuels entre des exécutifs distincts et clairement séparés (géographiquement), le capo di tutti capi restant le Conseil suprême des Etats. Pour aboutir à cela, il faut être dans le jeu et donc ne pas faire sécession. Cette utopie est d'ailleurs impraticable d'une part et néfaste pour le mouvement monarchique de l'autre. On y reviendra.
Au pantographe du village global, l'Europe reste nécessaire. L'exaltation des nationalismes, malgré les incendies qu'ils ont allumés il n'y a pas si longtemps (Yougoslavie, Caucase), est une régression intellectuelle provoquée par un constat d'inadaptation aux réalités du monde en ses centres de pouvoir. Une certaine union des nations majeures européennes est souhaitable ; elle ne peut être éphémère, temporaire, ni modulée selon les caprices de la démocratie d'opinions. Il faut être sérieux à la passerelle pour naviguer sur les hauts fonds d'un monde dangereux.
Par contre et pour être efficace, le champ d'exercice des politiques communes doit être mesuré par le principe de subsidiarité appliqué cas par cas mais un fois pour toutes. Ses effets et les limites précises de ce champ commun doivent conjuguer l'efficacité réactive dans un monde rapide, et la diversité des patries, afin de laisser à chaque pays la plaisir de vivre à sa façon.
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Aparté - Des éxécutifs paneuropéens existent et fonctionnent parfaitement en dehors de l'Union européenne. Il n'est que de citer EUTELSAT, le CERN, l'Agence spatiale européenne avec Arianespace,et bien sûr la Banque centrale européenne.
Pour finir, nous relèverons que si les racines chrétiennes de l'Europe sont discutées par les francs-maçons, les libres penseurs, les trotskystes et Chirac, les origines chrétiennes et même catholiques de l'Union européenne sont indéniables, tous les fondateurs étant des chrétiens démocrates sociaux. Flute !
Chronologie simplifiée de l'unification sur les premiers 30 ans :
1946 - l'Europe est partagée par le rideau de fer soviétique
1948 - Union douanière du Bénélux ; alliance défensive (+tard UEO) entre la France, le Bénélux et le Royaume-Uni ; création de l'OCDE pour gérer le plan Marshall américain.
1949 - Traité de l'Atlantique Nord ; Conseil de l'Europe (convention et cour européenne des droits de l'homme)
1950 - Union européenne des paiements instituant le clearing des règlements entre banques centrales,
1951 - Communauté européenne du charbon et de l'acier
1952 - Avortement de la Communauté politique européenne d'Henri Spaak ; instauration de la Cour de Justice européenne.
1953 - Marché commun des ferrailles
1954 - avortement de la Communauté européenne de Défense ; Union de l'Europe Occidentale,
1955 - Rien.
1956 - Rien.
1957 - Traité de Rome créant la Communauté économique européenne (CEE) et la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) ; création du parlement européen.
1958 - Accord monétaire européen.
1959 - Rien.
1960 - Association européenne de libre échange (hors CEE)
1961 - Construction du mur de Berlin.
1962 - Politique agricole commune.
1963 - Traité franco-allemand dit de l'Elysée.
1964 - Rien.
1965 - Institution de la Commission européenne (fusion des exécutifs existants)
1966 - Rien.
1967 - Collaboration douanière.
1968 - Rien.
1969 - Budget communautaire autonome.
1970 - Rien.
1971 - Rien.
1972 - Serpent monétaire européen.
1973 - Adhésion du Royaume-Uni, du Danemark et de l'Irlande.
1974 - Rien.
1975 - Rien.
1976 - Institution secrétète de TREVI, le premier étage de coopération policière Europol.
....... 1992 Maastricht ... 2008 Lisbonne ......
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