Le socialisme, né d'ailleurs au XIX° siècle sous le beau nom de "communisme"², est une idée généreuse. C'est quand elle sort des cerveaux pour entrer dans les bureaux qu'on peut en mesurer la perversité. Mais avant ça, je remets en perspective cette générosité originelle en publiant ici des extraits des deux entrées "socialisme" et "communisme" du Dictionnaire Universel de Maurice La Chatre (1814-1900), se déclarant lui-même "bon communiste". Ce dictionnaire fut édité à partir de 1854 en feuilleton hebdomadaire pour que les pauvres puissent l'acquérir (25¢). Nous sommes à l'époque où ces concepts prennent leur forme moderne dans la société, aussi le Dictionnaire de La Chatre ne charrie pas trop de scories historiques. On va y voir plus que des nuances et les prémisses d'un cocktail explosif :
Communisme, s.m. [...] On désigne sous ce nom la tendance qui entraîne plus particulièrement, soit les sociétés, soit les individus, vers l'égalité. [...] Pour ne parler que de l'instinct populaire et de ses manifestations à travers l'humanité, il est évident qu'il y a de grandes époques historiques marquées sensiblement du caractère communiste : ce sont les époques révolutionnaires. Les révolutions succèdent aux périodes de liberté [...] Révolution de 1789 : le régime de liberté, d'inégalité qui la précède, s'évanouit, et la Nation veut réaliser l'égalité. [...] Qu'est-ce la Révolution de 1848, sinon une réaction égalitaire contre le régime de la monarchie constitutionnelle, régime à la fois de liberté et de privilèges...
Socialisme, s.m. Nom qu'on a donné sous le règne de Louis-Philippe et depuis, aux doctrines des réformateurs qui ont pour but l'amélioration de la condition sociale de l'homme par une équitable répartition entre les hommes, soit des instruments de travail, soit de la richesse sociale. [...] pour obtenir le maximum de richesse et de bonheur au profit des sociétés particulières nommées nations et de l'humanité toute entière. [...] Conséquemment, le socialisme comprend la philosophie morale et politique, l'économie publique et privée, enfin la théologie. Quand on définit l'une de ces sciences secondaires, on définit partiellement le socialisme...
D'un côté, nous avons le nivellement révolutionnaire qui anticipe le XX° siècle et son cortège d'aberrations dont nous peinons à sortir, si tant est que nous en sortions un jour ; de l'autre, un concept hégémonique total qui donne raison à celui qui m'a appris que la France était gouvernée par deux partis socialistes, l'un avait pour nom dans l'opinion, La Gauche, l'autre, La Droite. Et ceci pour moi explique sans doute notre déclin. La Nation nivelée et addictée à l'Etat-mère-poule n'a plus aucun ressort. D'aucun a estimé en connaisseur que « la chute du communisme peut être interprétée comme un signe indiquant que la pensée moderne a atteint sa crise finale. Notre époque a créé la première civilisation technologique globale mais a atteint les limites de ses potentialités, le point au-delà duquel s'ouvre l'abîme » (Vaclav Havel en 1992). Pour le moment, on s'apprête plutôt au grand bond en avant. Le bras armé de cette civilisation globale est l'Etat. Cet Etat est le noeud de la question, car il a acquis sa propre vitalité, son autonomie des sociétés qu'il administre : il vit indépendamment de l'état critique du pays réel.
L'article que les Manants ont sorti hier avec la photo de Hayek, montre la métamorphose du Léviathan qui engraisse en permanence (tant à Paris, Lyon, Marseille qu'à Bruxelles, Londres ou Francfort), et qui finira par nous étouffer quand le calibrage forcé des nations sera terminé. L'Etat a sa logique, qui n'est que de se survivre en phagocytant en permanence ses marches. Il n'est pas dangereux pour le concept de monarchie de combattre l'Etat quand il donne l'image d'une administration pléthorique et invasive. C'est même le bon moment pour le faire. Et qu'importe si le succès du projet politique le détruisait, car cette tumeur maligne est congénitale à l'espèce humaine et quoiqu'on fasse, elle renaîtra et grossira de nouveau. Il en va ainsi depuis la nuit des temps. Simplement il faut profiter des "périodes d'Etat raisonnable" pour établir les cadres le plus solides dans lesquels il sera contenu le plus longtemps possible, et pour organiser le Bien commun durable, en renforçant la subsidiarité³ des étages de décision, et en privilégiant la liberté individuelle et le génie propre à l'homme dans le respect méticuleux de notre planète. Aujourd'hui nous sommes bloqués.
Les brigadistes royalistes promoteurs du Plan, du colbertisme, de l'Etat fort, de la solidarité obligatoire, corrompent le message monarchique des hiérarchies et des initiatives, et hélas brouillent sa perception par l'Opinion. Un roi socialiste, nous en avons de temps en temps - De Gaulle, Mitterrand, Chirac - sans que ne tombe la foudre. Aussi est-il tentant d'adapter le projet royaliste ainsi, pour mieux le vendre. On noie le projet dans le bouillon politique commun. Est-ce cette axe de communication qui attire certaines élites à discuter facilement avec la NAR ? Mais alors, il faut annoncer la couleur en hissant le vrai pavillon, et dire qu'on n'attend que le couronnement de la Cinquième République, en pérennisant le poste de chef de l'Etat. Point barre. Du passé de lutte contre le socialisme, le jacobinisme et l'embrigadement faisons table rase, et ne nous encombrons pas d'être raccord avec la monarchie capétienne.
On peut s'appuyer également sur le "Sermon (essénien) sur la Montagne" qui fonde le socialisme chrétien, farouche adversaire de la doctrine d'Action française.
Finalement, Jean Sarkozy ne serait pas si mal dans cette fonction viagère. Il a le caractère, la ruse et la capacité de travail de son géniteur. Que demande le peuple ? La proposition aurait pour ses promoteurs "socialistes" le mérite d'un large consensus, jusqu'à chez nous !
Note (1): Ségolène Royal dans son bouquin "Hold-uPS" aux éditions du Moment.
Note (2): l'entrée "Communisme" du La Chatre commence ainsi : , s.m. Néologisme. Le communisme a soulevé, de notre temps surtout, d'ardentes controverses. Mais si le mot est nouveau, la chose ne l'est pas. [...]
Note (3): le principe de subsidiarité ne centralise que les décisions avantagées par elle, et laisse aux étages subalternes la plus grande liberté possible.
On pourrait approfondir en lisant la présentation à la Société Française de Philosophie en 1936 du mémoire d'Elie Halévy : L'Ere des Tyrannies. Libéral républicain il fut un précurseur de Raymond Aron.
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Je ne vois "Humour" dans vos libellés en bas d'article... Etes-vous sérieux ?
RépondreSupprimerLe premier ennemi du royalisme et de beaucoup de choses est le régime actuel. C'est avec lui qu'il faut en finir sans se poser les éternels pièges qui engluent les droites traditionnelles : "à Gauche, ils sont à Gauche !"
Mais j'invite aussi les royalistes et tous ceux qui sont attachés à la belle France d'une manière générale, à aider une nouvelle conception à venir. les solutions ne se trouvent pas dans les ajustements, collages ou recopiages de figures mortes.
Voilà, c'est réparé.
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