lundi 5 octobre 2009

Le maître et le cancre

PyongyangLe Premier Wen Jiabao est à Pyongyang. Jack Lang aussi ? Euh... pas encore. Sur commission de M. Sarkozy, il y passera en revenant du Japon où il séjourne cette semaine, sans le renfort éclairé de notre nippophile national Jacques Chirac, qui d'ordinaire l'accompagne. Soyons sérieux. Pékin a fêté le soixantième anniversaire de la République populaire de façon martiale, dans la grande tradition maoïste, à la différence près que les paysans disposés pour la claque aux défilés étaient tous des figurants pékinois du Parti en costumes des provinces. C'est moins cher et plus sûr. Le premier pas de la nouvelle ère (post-soixantième) est pour le petit-frère prussien.

Kim Jong-il est sorti du coma pour l'accueillir, ce qui est une marque de déférence utile en ces temps chahutés. Toute l'affaire est une bombe. Et même une sacrée bombe qui menace l'Empire renaissant de grands désordres au DongBei*, cette ancienne Mandchourie un peu différente du reste, et où les filles font 1m80. L'explosion probable du royaume hermétique qui consume du peuple pour tourner comme ailleurs du charbon, peut déclencher une réaction en chaîne des cohortes immenses de laissés-pour-compte de la mondialisation dans la région autrefois première en combinats géants aujourd'hui fermés. Et si les hans du DongBei entrent en turbulences, le monde apprendra que les manifestations des irrédentismes ouïgour et tibétain sont en comparaison des monômes de chaisières.

Note (*):Le Dongbei comprend les provinces septentrionales du Liaoning, de Jilin et du Heilongjiang qui formaient le Mandchoukouo sous l'occupation japonaise, capitale Changchun. Les timbres en sont rares et chers.

ChangchunÇa tomberait mal en plus. Les feux géopolitiques de l'autoroute céleste sont aux verts. L'île rebelle ne l'est plus vraiment et le Kuomintang de Taïwan s'apprête à rejoindre Mainland sous une génération, pas plus, pourvu qu'il garde la face et acquière des postes ministériels.
Le Tibet est cuit. La sinisation de Lhassa est achevée. Tel le phare dans la tempête, la ville aux néons va attirer un exode rural qui sera aussi une conversion des jeunes de l'ancien régime au nouveau, celui de la consommation des nouvelles technologies et du fric qui circule. La corruption des moeurs est un paramètre politique de gouvernement à Zhongnanhai.

L'agitation ouïgoure au Xinjiang est maîtrisée localement. Les quelques foyers rebelles expatriés au Kazakhstan et au Kirghizistan vont être traités par la diplomatie du commerce et les valises en dollars, et pour la partie visible du "deal", dans le cadre sécuritaire de la Conférence de Shanghaï. No future pour l'islam chinois.
Au grand nord, le face-à-face exubérant et muet à la fois entre la Chine et la Fédération de Russie peut faire place à un modus vivendi, même s'il est peu probable que le président Medvedev accepte de donner à bail la moitié de Vladivostok comme les Sibériens le proposent aux Chinois.
Devant la Mongolie extérieure voisine, ancienne province du dernier empire Qing, les Chinois dorment comme le chat devant un trou de souris. La rente minière y est prometteuse mais les réticences sont bouddhistes. Il faut là comme ailleurs que la corruption mentale et des moeurs fasse son chemin et les Hans déferleront.

Reste à gérer les disparités inter-régionales les plus criantes du développement et à consolider un marché intérieur solvable d'envergure, comparable au marché japonais par exemple, de façon à disposer d'un amortisseur réglable dans les périodes de contraction du commerce extérieur. Tout n'irait pas si mal, sans la Corée.
La Chine qui porte le régime à bout de bras par trains complets de vivres et carburants, est allée rappeler à Dear Leader que sans elle, il ne serait qu'une merde de petit fonctionnaire municipal à balayer les caniveaux où pissent les marins de la VII° Flotte : aussi le voyage commence-t-il par la visite protocolaire du cimetière chinois de Hoechang où repose le fils aîné de Mao Tsé Tung. Si le dirigeant coréen ne comprend pas l'allusion, la clique de généraux qui l'entoure saisira. La Chine joue aussi une carte contre les Etats-Unis complètement coincés sur ce dossier depuis que 30000 GI's sont exposés au feu nucléaire nord-coréen grâce aux tergiversations des administrations Clinton et Bush.
La Chine doit faire la différence maintenant en profitant des contradictions de l'administration Obama-Clinton et amener le régime à résipiscence, auquel cas elle accèdera à la primauté indiscutable sur toute la région ; ce qui est son but avoué. Aveu qui empêche le Japon de dormir.
Pourquoi évoquer cette affaire sur Royal-Artillerie ?

VladivostokQuand Deng Xiaoping décréta que le bon chat n'avait pas nécessairement le poil réglementaire, il ne s'agissait que de sauver le régime communiste en évitant les erreurs tragiques du grand frère russe qui en deux temps trois mouvements avait disparu des écrans radar. Matérialiste indécrottable, il avait supputé que la paix intérieure viendrait par les succès économiques et que rien, absolument rien, aucune vache sacrée, ne devait se mettre en travers, à peine de voir la liquéfaction du pays. Ses successeurs ont parfaitement saisi l'axe de progression et ont réussi ce pari extravagant de mettre en mouvement dans le monde moderne ouvert aux quatre vents le cadavre d'un empire d'un milliard d'hommes, sans établir une dictature stalinienne. Ils firent confiance au génie chinois de l'enrichissement des familles et, avec quelques incitations de départ, s'appliquèrent surtout à tenir l'attelage fou de cent chevaux qui démarrèrent ventre à terre. Le butin amassé par le commerce extérieur leur indiqua très vite qu'ils étaient sur une trajectoire de puissance, et qu'à terme allait renaître l'Empire céleste dans une taille relativement comparable à celle dont il disposait au XVIII° siècle. Et cela devint une forte excitation.

Moralité :
il n'est de démarche utile pour l'indépendance des nations que la démarche de puissance. Cette puissance n'est acquise que par le vecteur économique. Jack Lang va à Pyongyang. Il verra sans doute Kim Jong-il parce que ce sont des chirurgiens français qui l'ont opéré du coeur, et il rapportera à Paris les meilleurs sentiments à notre égard d'un pays qui ne nous connaît pas. Passé le détroit de Malacca, la France, what ? Impuissance.

Nous devons lâcher le chat qui attrapera les souris aussi laid soit-il, car il n'est plus temps de nous draper dans nos gloires enfuies, mais de revenir "en force" sur la scène du monde par notre génie propre, et d'abord celui de l'innovation et des sciences exactes. L'avenir est à l'ingénieur, pas à l'ingénu.
Dans la recherche de puissance, la monarchie sur son vecteur "temps long" est un atout indéniable. Que de temps et moyens perdus par la démocratie d'opinion !


Shenyang
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2 commentaires:

  1. La Chine a marqué un point en Corée du Nord. Pyong-Yang a accepté de reprendre les négociations à six sur son désarmement nucléaire. Le numéro un nord-coréen Kim Jong-il s'y est engagé. [source Euronews]

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  2. Obama reporte sine die son invitation au Dalaï Lama venu à Washington recevoir le prix Tom Lantos des mains de Nancy Pelosi.
    La Maison Blanche cache mal ne pas avoir de choix en reprenant l'argument français d'améliorer la relation avec Pékin pour parler des droits de l'homme ensuite.
    Ce qui doit laisser les dirigeants chinois parfaitement froids.

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