« Ce n'est pas seulement comme Français que je prends un vif intérêt à cette question, c'est aussi comme père. Dans le cas, en effet (ce qui n'arrivera jamais de mon temps) où nous aurions le malheur de perdre M. le duc de Bordeaux sans qu'il laissât d'enfant, la couronne reviendra à mon fils ainé, pourvu que la loi salique soit maintenue en Espagne ; car, si elle le l'était pas, la renonciation de Philippe V au trône de France, en son nom et au nom de ses descendants mâles, serait frappée de nullité, puisque ce n'est qu'en acte de cette renonciation que les descendants de ce prince ont acquis un droit incontestable à la couronne d'Espagne ; mais, si ce droit leur est enlevé, ils peuvent réclamer celui que leur donne la loi salique française à l'héritage de Louis XIV. Or, comme petits-fils de Louis XIV, ils passent avant mes enfants »...
La Somme de la Querelle dynastique a été faite par Guy Sainty, sur la base de 46 documents originaux de toute provenance. Elle a été publiée intégralement sur le site Chivalric Orders en six lourdes pages, complétées de notes. C'est en anglais. Bon courage... mais il y a tout.
Les (7)Partidas du roi Alfonso el Sabio (Alphonse le sage) sont les lois fondamentales du royaume d'Espagne jusqu'à l'arrivée du Dauphin de France, Philippe V de Bourbon, qui apporta avec lui en 1701 la loi dite-franque de succession par les mâles, connue sous le nom magique de loi salique. Pour comprendre les Partidas, la notice de Garcia Marsilla éditée par Persée est très utile, mais la notice de la wikipedia en espagnol sur les Partidas est complète aussi, avec des accès vers les grimoires d'époque. On retiendra par ailleurs que la loi franque originale fut altérée par Philippe V en installant par défaut les femmes dans la succession, puis abrogée par le roi Fernando VII qui privilégiait ainsi, contre son frère cadet Don Carlos, sa fille Isabel. La Pragmatique Sanction de Fernando, excluant vingt princes du sang, contredisait les Renonciations de Philippe V qui devenaient sans objet. Sous les protestations des princes de Bourbon, le roi révoqua la Pragmatique, la réinstaura, tomba malade et mourut. La guerre carliste commençait, mais les mâles se succédant, la chose en resta là pendant le naufrage de l'Etat espagnol et la dictature qu'il appela. La Constitution de 1978 reprend la loi semi-salique de Philippe V. A noter que les modifications de la constitution espagnole sont approuvées par les Cortès, à l'issue de quoi ceux-ci sont dissous² et renvoyés devant le corps électoral (Titre X de la Constitution).
Donc par l'article 57.1 du Titre II³, l'homme précède la femme pour la succession sur le trône, s'il y a égalités de lignée et degré. Ce vestige "français" irrite les démocrates qui brandissent les Partidas "castillanes" tellement plus modernes, même après huit siècles ! L'article 57.1 contrevient en outre aux dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, adoptée le 18 décembre 1979 par l’Assemblée Générale des Nations Unies, mais l'Espagne est dérogataire pour son Titre II qui organise la monarchie.
Dans la mesure où le prince des Asturies Felipe et son épouse Letizia, parents de deux charmantes petites filles, n'ont pas de troisième enfant, éventuellement mâle qui disputerait alors le trône à sa soeur aînée, la révision constitutionnelle perd de son urgence dans l'Opinion, mais n'en demeure pas moins sur l'agenda politique pour continuer la "modernisation" du pays et renforcer l'hispanicité de la couronne, sa transmission n'étant pas forcément paisible. L'autre motif est bien sûr de cesser la dérogation onusienne machiste et d'aligner la couronne espagnole sur celles des monarchies du Nord que rien ne semble menacer à long terme. En fait il ne s'agit que de "rentrer dans le rang" et perpétuer la charge.
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Le référendum qui doit clôturer la procédure de révision peut - comme il en va souvent dans ce genre de consultation populiste - tourner au référendum "pour ou contre la monarchie". Car si les Espagnols sont très majoritairement "juancarlistes", il n'est pas sûr qu'ils aient choppé le virus monarchiste. Trois provinces sont ouvertement indépendantistes et donc républicaines, la Galicie, le Pays Basque et la Catalogne. Un référendum constitutionnel pourrait créer in fine le royaume "désaliquisé" de Castille et Grenade, et trois républiques dans un cadre confédéral européen, en lieu et place du royaume historique des Espagnes.
Il n'est pas dit que la Crise, aiguisant les impatiences, n'aboutisse jamais à une explosion de la nation hispanique. Auquel cas, les conventions d'Utrecht dont se réclame chaque jour Orléans pour asseoir ses revendications, tomberaient en quenouille (c'est le mot)... et il faudrait trouver autre chose. Dur, dur !
Note (1): Le Lien Légitimiste, Petit-Prix, 37240 La Chapelle-Blanche-St Martin
Note (2): l'annulation des vestiges saliques touche au Titre Il (sur la Monarchie) et exige donc la procédure extraordinaire prévue : c’est-à-dire, que le nouvel article soit approuvé à la majorité des deux tiers des membres de chaque Chambre ; ensuite que l’on procède à la dissolution immédiate des Cortes ; puis, que les Chambres élues ratifient la décision et procèdent à l’étude du nouveau texte constitutionnel qui devra être approuvé par les deux Chambres à la majorité des deux tiers. Finalement, après avoir été approuvée par les Cortes Generales, la révision sera soumise à ratification, par voie de référendum.
Note (3): Art. 57. 1 CE : La Couronne d’Espagne est héréditaire pour les successeurs de S. M. Juan Carlos I de Bourbon, héritier légitime de la dynastie historique. La succession au trône suivra l’ordre régulier de primogéniture et de représentation, la ligne antérieure étant toujours préférée aux postérieures ; dans la même ligne, on préfèrera le degré le plus proche au plus lointain ; au même degré, l’homme à la femme et, dans le même sexe, l’aîné au cadet.
Note (2): l'annulation des vestiges saliques touche au Titre Il (sur la Monarchie) et exige donc la procédure extraordinaire prévue : c’est-à-dire, que le nouvel article soit approuvé à la majorité des deux tiers des membres de chaque Chambre ; ensuite que l’on procède à la dissolution immédiate des Cortes ; puis, que les Chambres élues ratifient la décision et procèdent à l’étude du nouveau texte constitutionnel qui devra être approuvé par les deux Chambres à la majorité des deux tiers. Finalement, après avoir été approuvée par les Cortes Generales, la révision sera soumise à ratification, par voie de référendum.
Note (3): Art. 57. 1 CE : La Couronne d’Espagne est héréditaire pour les successeurs de S. M. Juan Carlos I de Bourbon, héritier légitime de la dynastie historique. La succession au trône suivra l’ordre régulier de primogéniture et de représentation, la ligne antérieure étant toujours préférée aux postérieures ; dans la même ligne, on préfèrera le degré le plus proche au plus lointain ; au même degré, l’homme à la femme et, dans le même sexe, l’aîné au cadet.
Une faute d'orthographe, de grammaire, une erreur à signaler ? Contactez le piéton du roi à l'adresse donnée en bas de page et proposez votre correction en indiquant le titre ou l'url du billet incriminé. Si l'article vous a plu ou déplu, vous pouvez le faire suivre à un ami en cliquant sur la petite enveloppe ci-dessous :
Jules de Polignac est un ultra-légitimiste opposé donc à l'usurpation du prince d'Orléans. Son témoignage est sujet à caution ; mais à sa décharge, on peut considérer que si la déclaration prêtée à Louis-Philippe était fausse, l'ouvrage publié en 1845 aurait été saisi par la police du roi-bourgeois.
RépondreSupprimerLa qualité de votre tir mérite à coup sûr une réaction même si je ne peux plus poster qu'à blanc de blanc sur votre blogue ! Mais c'est sans rancune, je vous reconnais tous les droits que vous confère votre monarchie de fondateur - animateur !
RépondreSupprimerImaginez qu'à l'horizon dont vous esquissez quelques traits " on " ait identifié le descendant mâle de Louis XVII, qui pourrait incarner à lui seul la légitimité des Bourbons et des Habsbourg !...
Aux abris vite ! ...
Le commentaire du premier anonyme est très savoureux en deuxième lecture... accuser Polignac d'être partial au détriment de l'usurpation de Louis-Philippe... Excellent!!!
RépondreSupprimerSinon, consultez les travaux de C. Giraud, juriste de Louis-Philippe, qui établit en 1847 la nullité des renonciations d'Utrecht, rejoignant la conclusion d'une commission gouvernementale présidée par Guizot...
Au second Anonyme, qui signait CB autrefois, si je ne m'abuse?
Quand on commence sa justification par "Imaginez", on n'est plus dans le domaine politique...
L'enseignement de la théologie et de la nature sont unanimes à montrer qu'une des conditions indispensable à l'autorité politique est la VISIBILITE. De là, l'adage qui veut que "le sang de France ne se présume pas", et l'absurdité radicale du "raisonnement" survivantiste, qui court après un "prince charmant", idéal (attention, il est au-dessus du péché originel quand même...), car irréel...
Mais cette attitude n'est pas nouvelle: lisez donc cet ouvrage, dont le titre annonce bien la couleur: "Le Roi caché. Sauveurs et imposteurs. Mythes politiques populaires dans l'Europe moderne" d'Y.-M. Bercé.
Cher lulo,
RépondreSupprimerVous avez tout juste ! Et je vais même vous faire plaisir au-délà de ce que vous n'avez jamais imaginé ! Je vais m'incliner devant votre argumentation en écrivant ceci :
Tout comme une multitude de gens raisonnables rêvent à une "Bonne République" , à une " Sainte Démocratie " ou à une "Grande et Belle Europe " je rêve à l'existence d'une descendance mâle du Roi Louis XVII qui incarnerait donc à lui seul toute la légitimité historique des Bourbons et des Habsbourgs, grâce à Louis XVI et à la Reine Marie-Antoinette !...
Mais quelle force mythique et surtout ... quel carburant royal ... pour nos recherches historiques ! ...
ERRATUM !
RépondreSupprimerIl fallait lire bien sûr :
" Mais quelle force mythique et surtout ... quel carburant royal ... pour notre moteur de recherches historiques ! ..."
Nos recherches, à nous légitimistes, n'ont qu'un seul "carburant": l'amour de la Vérité, expression de la divine Providence, dans la nature et la Révélation.
RépondreSupprimerEt quant on n'est pas catho ?... On prend sa carte au FN ?...
RépondreSupprimer" Et quant on n'est pas catho ?... On prend sa carte au FN ?..."
RépondreSupprimerExcellentissime question à laquelle on ne peut répondre que par la question suivante, qui me semble la plus pertinente ( sous réserve de l'accord de la modération de droit divin de ce blog pour discussion à suivre ou non ):
pour vous, quel est votre critère prioritaire de choix politique, si votre message est une véritable question et non une simple boutade qui n'appelle pas de réponse ?
Le cas échéant, si vous hésitez et pour gagner du temps, peut-être pouvez-vous nous donner 3 critères, en essayant de les classer dans l'ordre hiérarchique ! ...
Charles Bories, je présume ? Il n'y a aucun barrage qui tienne longtemps sur Royal-Artillerie, dès lors qu'on applique la netiquette.
RépondreSupprimerVeuillez vous donner la peine ...
Quand on n'est pas catho, on évite les places publiques où les intégristes de la veine de Lulo dressent la paille et le petit bois pour, enduit de poix, vous le faire à jamais regretter.
RépondreSupprimerJ'ai lu quelque part que le fondement de la science politique, sinon science tout court, est la Révélation.
Dormez, braves gens, sous le rai de la grâce. YWH pourvoiera.
Peut-on être légitimiste et pas catholique?
RépondreSupprimerCatoneo me permettra d'apporter une réponse sans doute plus fondée que la sienne. Sa "légitimisation" semble connaître des à-coups, et comme elle se fait main dans la main avec LLL...
L'expérience prouve que oui! Au sein des cercles légitimistes, sur le forum T&A, vous trouverez des tradis, des catholiques "conciliaires", des juifs, des protestants, des musulmans, des agnostiques, etc...
Bref, des personnes qui ont toutes un point commun, celui d'accepter l'idée de transcendance, consubstantielle à la tradition monarchique. Si on ampute celle-ci de la notion d'hétéronomie, non seulement, on la défigure, mais on tombe immanquablement dans l'autonomie, principe de base de la Révolution sous toutes ses formes. Que voulez-vous, les idées ne connaissent pas la génération spontanée, et sortent de systèmes philosophiques complets... et connus.
Après, comment font les non-catholiques pour accepter toutes les exigences liées à la Foi catholique? Ne pouvant parler d'expérience, je n'ai qu'un mot à dire, demandez-leur! Ca ne semble pas insurmontable, certains y arrivent avec brio, et pourraient donner des leçons à bien des catholiques votant pour "la droite nationale"...
Retenez simplement que la monarchie traditionnelle concerne tous les français sans exception, et que l'UCLF accepte tout à fait le concours des non-catholiques.
L'UCLF n'est pas un mouvement d'action catholique, la conversion de nos compatriotes n'est pas notre premier objectif.
Mais nous ne déformons pas la tradition monarchique selon nos caprices: c'est pourquoi la transcendance, le règne social de NSJC, le respect complet et entier de l'enseignement de St Thomas et du Magistère ne sont pas négociables... sauf pour certains légitimistes libéraux, que vous trouverez à l'AR!
La réception du droit international dans le droit interne est pourtant simple. Lequel prévaut sur l'autre en cas de contrariété? Ça dépend du droit interne. Ici, c'est le droit interne qui prévaut, comme sous la V° République, alors qu'aux Pays-Bas c'est l'inverse. C'est pourquoi, pour introduire dans le droit français des normes européennes contraire à la constitution, il faut au préalable réformer cette dernière. Mais la coutume ne comporte pas de procédure de révision. La renonciation n'est même pas nulle, mais inexistante. Une union personnelle de l'Espagne et de la France, violanl le traité d'Utrecht, engagerait la responsabilité internationale de ces deux sujets de droit international envers les autres signataires de ce traité. Mais l'équilibre des puissances ayant changé, cela ne provoquerait sans doute l'opposition d'aucune chancellerie.
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