Lors du huitième conseil de guerre du 11 novembre à Washington, quatre options étaient sur la table du président. Une chose est sûre puisqu'elle a été dite par le "ministre de la défense" Robert Gates à l'issue du conseil, le président a demandé qu'on pousse l'étude d'une cinquième option : le désengagement et une stratégie progressive détaillée.
Nul ne sait s'il prendra sa décision, pour finir la guerre en Afghanistan, ou pour arbitrer une dispute envenimée à Washington entre les analystes froids derrière Jo Biden, le vice-président, qui jugent le dossier pourri par les Afghans eux-mêmes, et les va-t-en-guerre du Pentagone qui raisonnent en termes de brigade : une brigade ! Ça va mal ? deux brigades ! Ça va mal ? trois brigades ! Ça va toujours mal ? Pas possible ! On lui demande de 10000 à 40000 hommes supplémentaires pour tenir les infrastructures utiles en province, et repousser les talibans dans les grottes. De l'avis des opérateurs impliqués sur le terrain, c'est le boulot de l'ANA (Armée nationale afghane), la coalition pouvant apporter la logistique et l'appui-feu.
Mais pourquoi voudriez-vous que les soldats réguliers risquent leur solde à la pointe du fusil si des "croisés" se chargent de tout le boulot dès que c'est difficile. D'un autre côté, si les talibans mettaient au tapis une ou deux compagnies ANA, le recrutement s'en ressentirait. Cet imbroglio faisait jusqu'ici l'affaire du cabinet Karzaï qui n'avançait surtout pas plus vite que les crédits de paiements internationaux, et vaquait à ses propres affaires plus souvent qu'à son tour. Il pourra se retirer riche.
Sans doute Eikenberry a-t-il discuté le coup avec Rory Stewart (résident permanent du Foreign Office à Kaboul) et celui-ci l'a convaincu s'il en était besoin, que les tribus n'accepteraient d'autre joug que le joug afghan, fut-il encore suffisamment lourd pour les dissuader de le repousser. La stratégie de la tâche d'encre a bien marché en Irak, mais dans leur plaidoyer pro domo, ses instigateurs américains ont minimisé le rôle de la reconstruction de l'armée irakienne qui y a beaucoup aidé, autant d'ailleurs que l'achat des chefs sunnites.
La seule réponse possible à la résilience talibane est d'accroître les moyens d'enrôlement (des soldes plus attrayantes) et ceux de formation d'une Armée nationale afghane digne de ce nom, et fière d'elle-même avec de l'artillerie, des blindés et un peu plus tard des hélicoptères ; même si on doit garder derrière la tête que l'Afghanistan Etat-nation n'existe qu'en temps de guerre et qu'il se liquéfie dès la paix revenue.
La France, puissance coloniale de référence, au même titre que la Grande-Bretagne, sait bien que le mitage du pays avec des petites garnisons ne sert qu'à se faire couper le bout des doigts. Ça fait mal. Elle sait aussi que le maître du jour n'est pas celui de la nuit, et que la complicité ethnique est le meilleur liant d'un peuple chez lui. Et finalement aussi, que l'homme est un grand comédien devant l'Eternel, qui jouera le rôle imposé pourvu qu'il lui rapporte un peu, et sera même capable d'en jouer trois différents sur deux tours de cadran.
La vraie cible est al-Qaïda. Avec le renfort effectif du Pakistan qui a décidé de bouger contre les "étrangers"² au Sud-Waziristan, que l'Amérique se venge donc, et que nous rentrions tous ensuite. L'Afghanistan n'est pas notre jardin. Il faut en convaincre le président américain qui semble aussi peu préparé à l'international que ses prédécesseurs.
Note (1): Office of Military Cooperation-Afghanistan
Note (2): Tous les faciès non pachtounes, non tadjikes ou non hazaras
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