Or l'un des atouts de la monarchie successible est de "préparer" très tôt et à fond le successeur pour qu'il fasse l'écart. Qu'on ne l'oublie pas...
La République fut accouchée dans le sang des innocents - on ne le dira jamais assez - même si le roi fut imprudent autant qu'irrésolu dans son face-à-face avec elle. Son procès fut le prototype des procès politiques modernes, il ne m'intéresse en rien d'en publier les minutes¹ puisque le roi était condamné à mort d'avance par les députés les plus menaçants de la Convention, qui "terrorisaient" ceux des autres les moins résistants. On saluera en passant le courage des trois avocats et en particulier celui de Lamoignon de Malesherbes, qui firent leur possible au milieu du lynchage, et on ne s'attardera pas sur l'impiété meurtrière du duc d'Orléans qui déconsidéra sa famille à jamais dans la fonction. Qu'il ait payé de sa vie l'imbécillité de sa longue conspiration ne le rachète pas sur Terre. Au Ciel ce peut être différent.
Que se passait-il en baronnie d'Hierle² à ce moment-là ?
Sumène avait une mauvaise réputation révolutionnaire même si son curé constitutionnel était à la pointe de l'innovation, à telle enseigne que sur ses conseils le Procureur de la Commune cherchait à débusquer les sympathisants de Chassier qui levait, disait-on, une armée royaliste en Lozère tout proche. Au moindre soupçon ou sans aucun soupçon fondé, on emprisonnait les gens en vue pour faire un exemple, ce qui n'altérait en rien l'humeur frondeuse du populaire qui chantait des chansons inconstitutionnelles interdites et abominables dans les cabarets, jusqu'à s'y battre comme des chiffonniers et, saouls comme des cochons, se mettre à parler français. La Grande panique de Danton débarqua en baronnie d'Hierle le 16 juillet 1792 comme partout. Les brigands signalés sur le territoire déclenchèrent la levée de la Garde nationale qui fut postée dans tous les quartiers pour repousser ces ennemis imaginaires. On paya les gardes en assignats car le numéraire manquait, sur les vingt mille livres de "billets de confiance" que la commune avait émises, ce qui atténua légèrement l'enthousiasme des forces de l'ordre. Survint alors le Dix Août.
Les royalistes suménois révoltés par la prise des Tuileries menacèrent le Procureur des pires représailles, qui se réfugia auprès du Conseil municipal pour en obtenir une délibération de "bon patriote digne d'estime". Le procureur muté au Vigan, les révolutionnaires resserrèrent leurs rangs derrière le curé qui dénonçait à tout va, et en dépit du renfort d'agitateurs, échouèrent à prendre la Municipalité au 1er janvier 1793. Le nouveau Maire fut un roturier, traiteur de son métier, le Procureur de la commune était ci-devant seigneur-justicier du Rey, un hameau de la commune sur l'Hérault. Un modéré et un exalté. C'était le traiteur le modéré. Cette Municipalité dura tout le temps de la Terreur, et aussi rude qu'elle ait pu être vis à vis des insoumis, elle épargnera l'échafaud à tous. Le fond cévenol sans doute, ce pays avait beaucoup saigné dans le passé.
Le 21 janvier 1793, le roi fut exécuté à Paris. Il n'y eut aucune célébration publique même si les exaltés demandaient à tremper le mouchoir dans le sang du tyran. Par contre l'assassinat de Lepeletier de St Fargeau dont la nouvelle arriva le lendemain, donna lieu à un grand cortège funèbre derrière une bannière où avaient été inscrites les dernières paroles du premier martyr de la Révolution. Les Annales avouent que le cortège traversa la commune dans un morne silence et que le panégyrique du Procureur ne fut pas applaudi. La "fête" coûta 33 livres et 10 sols au budget. L'étranger se mobilisant dès lors contre nous, on décréta la conscription générale au mois de mars.
Sumène comptait 186 hommes de 18 à 60 ans mobilisables, et la commune devait fournir trente soldats à l'Armée du Var. Les 186 furent réunis le 15 mars pour choisir le mode de désignation, au scrutin ou au sort. Le mode du scrutin fut adopté par 123 voix pour et 63 contre. Le conseil siégea alors pendant quarante jours ! On va voir pourquoi :
Les 123 qui avaient tout compris de la démocratie militaire, votèrent sur les conseils d'un notaire de leurs amis par 123 bulletins uniques désignant pour l'Armée du Var les trente meilleurs "patriotes" ou protestants de la commune. Le scrutin fut cassé par la Municipalité qui exigea que les bulletins soient écrits ou dictés séance tenante sur le bureau de vote. Les 123 apprirent la liste par coeur et le résultat fut le même ! Fureur des patriotes, menaces du Procureur, transport du chef de district à Sumène pour constater le vote. Après une harangue épuisante sous les quolibets, les citoyens trop contents de voir partir à la guerre les perturbateurs ne voulurent bouger d'un pouce. On cassa le vote pour la seconde fois et on décréta le tirage au sort. Restait à parfaire les réquisitions pour équiper la troupe.
Ce ne fut pas triste non plus. Les "colonels" de la Garde nationale rechignant à contribuer furent promus "caporal", on brûla les drapeaux de l'Ancien régime, prit ce que l'on put chez le particulier, et les trente partis à Nîmes, l'ordre vint d'Alès de désarmer les communes de la baronnie dont les citoyens avaient marqué largement leur hostilité aux nouvelles moeurs. La Terreur était en route.
Les registres du temps montrent qu'à partir de ce moment-là les protestants et certains affidés catholiques qui les servaient avaient acquis toutes les premières places. A choisir son camp, les Cévennes, fédéralistes de toujours, avaient pris celui des Girondins. Ça n'était pas le bon ! Les notables de Nîmes, si acharnés contre les Emigrés dont ils convoitaient les "restes", émigrèrent à leur tour, et les vengeances commencèrent à tous les niveaux d'une société en chaos qui mêlait en permanence le ridicule au tragique. Comme partout ailleurs en France. A la réserve près qu'on ne décapita personne en baronnie, une certaine solidarité intime et la crainte d'une vendetta infinie ayant fait reculé les plus excités.
Il est d'autres pays du Midi où l'on se vengea jusque très tard, en Rouergue par exemple, où le procureur Fualdès³ fut saigné comme un porc en pleine ville de Rodez, le 19 mars 1817.
Note (1): Procès et mort du roi chez Diagnopsy
Note (2): la baronnie d'Hierle correspond à peu près à l'arrondissement du Vigan (département du Gard)
Note (3): l'affaire d'un emballement médiatique
Les royalistes suménois révoltés par la prise des Tuileries menacèrent le Procureur des pires représailles, qui se réfugia auprès du Conseil municipal pour en obtenir une délibération de "bon patriote digne d'estime". Le procureur muté au Vigan, les révolutionnaires resserrèrent leurs rangs derrière le curé qui dénonçait à tout va, et en dépit du renfort d'agitateurs, échouèrent à prendre la Municipalité au 1er janvier 1793. Le nouveau Maire fut un roturier, traiteur de son métier, le Procureur de la commune était ci-devant seigneur-justicier du Rey, un hameau de la commune sur l'Hérault. Un modéré et un exalté. C'était le traiteur le modéré. Cette Municipalité dura tout le temps de la Terreur, et aussi rude qu'elle ait pu être vis à vis des insoumis, elle épargnera l'échafaud à tous. Le fond cévenol sans doute, ce pays avait beaucoup saigné dans le passé.
Le 21 janvier 1793, le roi fut exécuté à Paris. Il n'y eut aucune célébration publique même si les exaltés demandaient à tremper le mouchoir dans le sang du tyran. Par contre l'assassinat de Lepeletier de St Fargeau dont la nouvelle arriva le lendemain, donna lieu à un grand cortège funèbre derrière une bannière où avaient été inscrites les dernières paroles du premier martyr de la Révolution. Les Annales avouent que le cortège traversa la commune dans un morne silence et que le panégyrique du Procureur ne fut pas applaudi. La "fête" coûta 33 livres et 10 sols au budget. L'étranger se mobilisant dès lors contre nous, on décréta la conscription générale au mois de mars.
Sumène comptait 186 hommes de 18 à 60 ans mobilisables, et la commune devait fournir trente soldats à l'Armée du Var. Les 186 furent réunis le 15 mars pour choisir le mode de désignation, au scrutin ou au sort. Le mode du scrutin fut adopté par 123 voix pour et 63 contre. Le conseil siégea alors pendant quarante jours ! On va voir pourquoi :
Les 123 qui avaient tout compris de la démocratie militaire, votèrent sur les conseils d'un notaire de leurs amis par 123 bulletins uniques désignant pour l'Armée du Var les trente meilleurs "patriotes" ou protestants de la commune. Le scrutin fut cassé par la Municipalité qui exigea que les bulletins soient écrits ou dictés séance tenante sur le bureau de vote. Les 123 apprirent la liste par coeur et le résultat fut le même ! Fureur des patriotes, menaces du Procureur, transport du chef de district à Sumène pour constater le vote. Après une harangue épuisante sous les quolibets, les citoyens trop contents de voir partir à la guerre les perturbateurs ne voulurent bouger d'un pouce. On cassa le vote pour la seconde fois et on décréta le tirage au sort. Restait à parfaire les réquisitions pour équiper la troupe.
Ce ne fut pas triste non plus. Les "colonels" de la Garde nationale rechignant à contribuer furent promus "caporal", on brûla les drapeaux de l'Ancien régime, prit ce que l'on put chez le particulier, et les trente partis à Nîmes, l'ordre vint d'Alès de désarmer les communes de la baronnie dont les citoyens avaient marqué largement leur hostilité aux nouvelles moeurs. La Terreur était en route.
Les registres du temps montrent qu'à partir de ce moment-là les protestants et certains affidés catholiques qui les servaient avaient acquis toutes les premières places. A choisir son camp, les Cévennes, fédéralistes de toujours, avaient pris celui des Girondins. Ça n'était pas le bon ! Les notables de Nîmes, si acharnés contre les Emigrés dont ils convoitaient les "restes", émigrèrent à leur tour, et les vengeances commencèrent à tous les niveaux d'une société en chaos qui mêlait en permanence le ridicule au tragique. Comme partout ailleurs en France. A la réserve près qu'on ne décapita personne en baronnie, une certaine solidarité intime et la crainte d'une vendetta infinie ayant fait reculé les plus excités.
Il est d'autres pays du Midi où l'on se vengea jusque très tard, en Rouergue par exemple, où le procureur Fualdès³ fut saigné comme un porc en pleine ville de Rodez, le 19 mars 1817.
Note (1): Procès et mort du roi chez Diagnopsy
Note (2): la baronnie d'Hierle correspond à peu près à l'arrondissement du Vigan (département du Gard)
Note (3): l'affaire d'un emballement médiatique
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RépondreSupprimerAmitiés Royalistes
Merci de le signaler.
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