Les députés bientôt sortants donc inquiets ont donné le la, les traîtres au Centre en tête, qui cherchent à désolidariser leur propre image de celle très abîmée du pouvoir parisien. Sarkozy c'est le plomb dans l'aile, le catalyseur à mécontents, mais d'un côté aussi, le bouc émissaire inespéré pour une assemblée de godillots qui lui passa tous ses caprices pendant trois ans.
Croyant rameuter des catégories d'électeurs qui lui semblent proches – mais c'est une illusion d'optique – il affiche aujourd'hui ses cinq priorités¹ avec des airs de matamore qui font penser à ces grandes gueules du Quai de Rive Neuve : « Arrêtez-moi ou je fais un malheur ! ».
Et personne n'arrête !
Ainsi va-t-il charger, sus à la réforme de l'Europe agricole, pour préserver les voix de la FNSEA. Les paysans s'assoient sur le tracteur et attendent qu'on leur joue toute la pièce, en connaissant l'issue d'avance car ils savent le texte par coeur, ce qui n'est pas le cas du ludion de service, surgi de nulle part, allant vers nulle part. Historiquement, les nations du Nord sont ouvertes aux échanges intercontinentaux par la division internationale du travail, et elles jugent que la politique agricole commune renchérit les prix sur les étals (ou dans les barquettes filmées). La Grande Bretagne associée aux Pays-Bas et au Danemark mène la fronde. Ce sont trois pays agricoles exportateurs dans le mouton, le porc transformé, les fleurs, la volaille et les huiles. Ils ont l'oreille de la Suède et de … Malte, et de quelques autres qui se cachent !
Jusqu'à la commission Delors, la PAC était le sas d'entrée dans le Marché commun franco-allemand (agriculture contre industrie) et tout le monde achetait le concept un peu extravagant de la sécurité alimentaire, oubliant volontairement que tous les pourvoyeurs étrangers de nourriture vers l'Europe étaient dans la zone OCDE (pays neufs austraux) ou sous influence (colonies économiques). L'embargo des pistaches iraniennes ou des noisettes chinoises n'était déjà pas une vraie menace.
Depuis lors, par impéritie de gestion, par arrogance de vieux noble ruiné, par camelotage de parvenu, la France a perdu son chic d'intelligence, son aura européenne et les moyens de pression qui découlaient de sa position de chef de file. On voit bien comment l'équipe Sarkozy est baladée par tout le monde dans la crise grecque. Notre influence est nulle sinon epsilon. Comment dès lors protéger la PAC ? Par l'obstruction systématique des discussions qui détruira le peu de prestige que certains aveugles nous accordaient encore, ...jusqu'à ce que nous nous couchions à la vingt-cinquième heure : « Je suis prêt à aller à une crise en Europe plutôt que d’accepter le démantèlement de la politique agricole commune et de laisser la spéculation fixer de façon erratique des prix agricoles qui ne permettraient pas à nos agriculteurs de vivre décemment du fruit de leur travail » (N. Sarkozy, a capella le 24.03.2010).
La seconde priorité est la réforme des retraites françaises, patate chaude que se lancent les gouvernements depuis vingt ans (19 exactement depuis le Livre Blanc de 1991) et qui alimente la chaudière de l'opposition démagogique. Il n'y a que deux étages d'intervention : (1) régler l'arithmétique comptable tout de suite, (2) reconstruire un système sain sur des bases sociales rénovées (désoviétisées).
Il ne faut pas six mois comme l'annonce Sarkozy pour régler la comptabilité. Tous les chiffres sont archi-connus. Il faut une heure d'explication au tableau noir devant les téléspectateurs et une autre pour les décrets ! La condition sine qua non est la justice intégrale « au marc le franc » pour les pensions, et la destruction de tous les régimes spéciaux, à commencer par celui des parlementaires qui est une vraie insulte à la population. Remettre l'âge légal à 65 ans comme chez nos voisins², relever les cotisations des salariés, plafonner les pensions de la caisse nationale vieillesse, sont les réponses « simplistes » dont nous avons besoin.
Viendront ensuite les mesures de finition accotées à la redéfinition des solidarités intergénérationnelles qui sont aujourd'hui une épouvantable escroquerie. On peut prendre quelques mois pour discuter entre gens de bon sens du régime à prestations définies, à cotisations définies, à annuités, à points, à comptes notionnels, etc. L'Institut Montaigne a fait une étude l'an dernier (clic) qui conclue au big bang ! A lire tranquillement avant le désastre.
Mais dans cette affaire où doit s'imposer la volonté de préserver l'intérêt général, Sarkozy reculera in extremis pour quelques pourcentages électoraux, comme il le fit sur les régimes spéciaux fin 2007, qui furent réformés facilement …par leur remplacement par de nouveaux régimes spéciaux ! Chirac, lui pas mort !
La troisième priorité est de récupérer les voix de la médecine de ville, à qui on va confier la clientèle laissée sur place par les structures hospitalières regroupées au chef lieu. Ce que vient faire cette affaire dans le plan de résurrection est un mystère. Le président du Conseil de l’Ordre va donc conduire une mission pour « inventer un nouveau modèle de soins de premier recours ». On est dans le burlesque étatique puisqu'il n'est pas nécessaire d'inventer quoique ce soit, l'offre et la demande s'ajustant aisément après une courte phase d'observation. Si le terme de « marché » est un gros mot, il faut alors carrément revenir aux dispensaires de quartier, dont personnellement je regrette la disparition. Ils concurrençaient dangereusement la médecine conventionnée !
La quatrième priorité électorale est... la sécurité. Nul ne pouvait faire plus mal. Nous avons élu en 2007 le chef de la police pour voir croître l'insécurité. Nous sommes bien un pays latin. Au lieu de frapper fort avec le gourdin disponible, on rédige de nouvelles lois et règles d'engagement, on ballade des équipes mixtes de diagnostic et pourquoi pas la cellule psychologique qui traitera de « l'insécurité ressentie » mais pas réelle ! Les Français, qui ont vu passer sous leurs fenêtres tout et son contraire en matière de sécurité publique, sauf l'affrontement décisif des forces de l'ordre et des bandes urbaines, ne croient plus à rien et achètent de la 3-en-1. Le programme d'investigation proposé ne lui gagnera pas une voix ; c'est trop tard. Il est jugé comme Tartarin de Tarascon (qu'il n'a pas lu), chasseur de lion apprivoisé !
La cinquième et dernière grande priorité nationale vise à rassurer les parents d'élèves, en sortant des classes normales les enfants inadaptés, parfois bien grands, que l'on dirigera vers un système bizarre de sections spéciales. Qui encadrera les monstres ? Sans doute pas le personnel de l'Education nationale qui se prend des gifles en tendant l'autre joue. Des karatékas peut-être sous le contrôle de Chantal Jouanno ! Mais comme la chose n'est pas susceptible d'attirer l'électeur en masse, il est probable que les SS ne trouveront pas de budget.
On voit très bien dans le choix que fait Sarkozy pour renaître dans les sondages, qu'il n'y a plus de projet pour la France. On est dans la gestion d'image et de buzz au dixième de point, gestion bridée par un affaissement des ressources fiscales et par des promesses faites à des corps sociaux dangereux (syndicats publics) ou mourants (PME perfusées aux exonérations que l'on ne peut stopper). Il n'y a aucune marge de manoeuvre, en écho au manque d'enthousiasme général.
Ce pays qui détient encore quelques atouts, devrait se reprendre en main en détruisant son Etat. L'Ordre sans l'Etat ! Une utopie à méditer tant le second nous a fait de mal.
« Liberty Ships » pour les Kerguelen, on sait déjà qui sera nommé commandant de la flotte sans retour, et les autres ici se tiendront tranquilles.
Note (1): c'est le découpage retenu par La Croix.
Note (2): Age légal homme dans l'UE : Allemagne (67), Autriche (65), Belgique (65), Danemark (67), Espagne (65), Finlande (65), France (60),Grèce (65), Hongrie (62), Irlande (65), Italie (65), Luxembourg (65), Pays-Bas (65), Pologne (65), Portugal (65), Tchéquie (62), Royaume-Uni (65), Slovaquie (62), Slovénie (63), Suède (65)
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