Ce billet a paru dans les colonnes de l'AF2000 datée du 2 septembre 2010 (n°2800). Il est archivé maintenant sur Royal-Artillerie.
L'investissement industriel repart. Plutôt, les prévisions ! L'Insee publie la confiance des patrons dans l'avenir, mais après un effondrement de 21% en 2009, le petit 5% de 2010 est le minimum syndical et ne sert que d'indicateur de tendance. Certes, ces chiffres sont des moyennes et couvrent d'énormes disparités. Les filières de l'agriculture et de sa transformation aval continuent de dévisser (-3%) quand les filières électriques et électroniques à cycle court rebondissent plus haut (+11%). Et pourtant l'odeur du doute persiste dans les bureaux directoriaux, parce que les performances d'ensemble de l'économie française régulièrement révisées en baisse sont insignifiantes et que le partenariat noué entre l'industrie et le nouveau pouvoir s'est avéré stérile, voire futile sinon encombrant.
Le locataire du poste a la fibre chicanière et les naseaux d'un Fouché, mais s'y connaît peu en mécanique ou en élevage bovin. Trois ans et trois mois ont montré à l'envi un comportement de parvenu, obsédé par la communication et un panache impossible, au point d'éclipser tous les vrais sujets qui sont le plus souvent laissés dans le tiroir des intentions. Qui gouverne ? Les spin doctors¹ de l'Elysée, les conseillers du cabinet Guéant ? Les ministres et leur premier sûrement pas !
Or nos industriels savent que les défis auxquels ils font face sont compliqués, souvent risqués et exigent des décisions qui impliquent le tissu économique français et engagent des fonds importants. Le pouvoir qui est en face d'eux n'est pas capable de les accompagner même s'il fait mine de se mêler de tout. Combien nous coûtent les fanfaronnades sarkoziennes qui annoncent des contrats faramineux avant de les signer, donnant au client un puissant levier de chantage ? Ne parlons pas des Rafales brésiliens prévendus soi-disant, qui ont fragilisé la position politique du président Lula. Non plus des BPC² Mistral, prévendus eux-aussi et promis, croix de bois, croix de fer, aux ouvriers des Chantiers de l'Atlantique par le président en visite. Les Russes viennent de nous attraper sous le ventre et serrent à deux mains. Les quatre centrales nucléaires d'Abou Dhabi, c'était du tout cuit, et le consortium français "EDF-GDF Suez-Total-Areva-Vinci-Alstom" n'avait pas même besoin de se concerter. Vingt milliards de perdus ! La faute à Domenech ! Il faut reconstruire une Equipe France clame l'ancien patron d'EDF, François Roussely, qui brosse le colbertisme endémique du ministère Estrosi (!) dans le sens des facilités budgétaires. GDF-Suez est bien le seul à avoir tiré la leçon du fiasco du mécano industriel français sur le Golfe en sortant de ses marques par l'achat du britannique International Power. Il acquiert d'un coup la parité de production d'EDF, répartie qui plus est sur des pays émergents comme le Brésil ! Et sur ses marchés, monsieur Mestrallet prendra l'exploitant qui lui conviendra le mieux au moment, Areva pourquoi pas, mais n'importe qui d'autre.
Comme nous le montre le groupe franco-belge avec beaucoup de réalisme, les bonnes nouvelles pour l'industrie sont ailleurs. Dernier en date, Renault, qui brise le tabou des hauts de gamme rémunérateurs conservés dans l'hexagone pour laisser partir les modèles de camelote dans les pays à bas coûts. Son haut de gamme 2010 sort déjà des chaînes Samsung de Bushan (Corée) et le nouveau bas de gamme 2011 sortira des chaînes Avtovaz de Togliatti en sus des Logans. L'usine de Sandouville est-elle dédiée maintenant à la production du nouveau fourgon Renault comme l'a rêvé notre président lors d'une visite de compassion fin 2008 ? De quoi je me mêle ? Carlos Ghosn ne dit rien. Son avenir c'est Nissan sur les grands marchés du monde et pas la communication de l'ancien chef de la police parisienne.
Je lisais ce matin que notre omni-président avait choisi d'aligner le mode de négociation des droits de diffusion de la musique en ligne entre les producteurs de contenu et les plateformes sur le schéma recentré adopté par les webradios. Ca vous la coupe ! Giscard d'Estaing s'était limité à la Marseillaise en si bémol et au nombre de boutons de la tunique de la Garde républicaine à pied. Je plaisante, il fixait aussi le prix du ticket de métro.
Cette implication du pouvoir dans les rouages industriels est d'un ridicule achevé depuis qu'elle a prouvé sa propension à fabriquer des monstres inviables ; mais le réflexe est très gaulliste, donc aujourd'hui encore, tabou. Entretemps, l'Oréal patiente en attendant Nestlé qui la délestera des hypothèques politiques nauséabondes.
La seule bonne nouvelle concrète en France vient de Toulouse. Louis Gallois qui ne téléphone pas à l'Elysée mais à Daimler, augmente ses cadences des modèles A320 et A330 après avoir définitivement maîtrisé la production du jumbo A380. L'horloger angevin Bodet donne l'heure solaire pile à La Mecque ! Soyons cinq minutes contents.
Notes :
(1) en français on pourrait inventer "mousseurs de nouvelles", ceux qui font tout un plat de pas grand chose.
(2) BPC, bâtiment de projection et de commandement dont le tranfert de technologie était exigé par la Russie dans un premier temps, puis la construction navale elle-même depuis peu.
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Alstom, présent depuis vingt ans en Chine et y faisant tourner 18 unités (9000 ouvriers) vient de consolider deux partenariats dans le domaine de la traction ferroviaire, l'un avec Changchun Railway Vehicles et Datong Electric Locomotive - les loco Alstom seront complètement fabriquées sur place -, l'autre partenariat est avec Shanghai Electric Group dans les trains multimoteurs de banlieue et les métros. La collaboration dans l'AGV n'est pas indiquée en clair dans l'annonce de l'accord fait par le ministre Bussereau aujourd'hui.
RépondreSupprimerLe président Roussely a parlé à JP Elkabbash sur Europe 1 aujourd'hui :
RépondreSupprimerCLIC !
Renault Latitude, une production coréenne sans syndicats.
RépondreSupprimerRenault-Samsung cartonne et passe aux 3x8 nous dit Le Figaro.
M. Mestrallet (GDF Suez), agacé par la suffisance de Roussely et l'arrogance de Proglio, patron d'EDF qui les traite de "belges", se retire de l'EPR de Penly et met ses sous ailleurs.
RépondreSupprimer(source Le Monde)