vendredi 6 mai 2011

Nouvelle donne en Afghanistan

On se souvient que le vice-président Joe Biden avait résumé la politique de la Maison Blanche en Afghanistan en quelques lignes que nous avions reprises en les commentant dans un billet du 30 janvier dernier, intitulé Af-Pak, finir le job !.

[ Reportage en direct de l'assaut par une caméra de casque d'un Navy Seal ]

La stratégie de l'Administration Obama en Afghanistan est limpide si elle n'est pas simple : finir l'état-major central d'al-Qaïda et sécuriser les fusées nucléaires pakistanaises. La méthode ne l'est pas moins : nettoyer, tenir la position, construire de l'infrastructure, transférer la position aux autorités afghanes (clear - hold - build - transfer). A quoi s'ajoute, la destruction systématique par les drones de la CIA des talibans et alqaïdistes réfugiés aux Warziristans.

Sur un an tout juste (avril-avril), 3200 insurgés afghans ont été tués, 8000 autres capturés, mais surtout 1500 chefs d'unités combattantes ont été retirés du circuit (tués, capturés ou retournés). La ressource en moudjahidine d'un certain niveau de préparation n'est pas inépuisable. S'y ajoutent les pertes subies par les Arabes¹ dans les FATAs², pertes hémorragiques de la base terroriste souvent impliquée dans les attentats aveugles au Pakistan et parfois en Inde.

Ben Laden vient d'être effacé du tableau d'effectif et dotations, et beaucoup de matériel informatique saisi dans sa villa d'Abbottabad. La nouvelle de cette saisie a été la première information divulguée dès après les circonstances du raid fatal. Elle vise à faire bouger l'état-major alqaidiste qui sent l'odeur du furet à ses trousses, pour qu'on le voit sur l'écran radar. Al-Zawahiri est dit terré dans les FATAs, territoires où la souveraineté pakistanaise est limitée mais où tout s'achète. On peut pronostiquer la fin du chapitre al-Qaïda en Af-Pak dans le courant de cette année.
Reste à sécuriser les fusées pakistanaises pour finir le job.

La question que se pose sans doute la Maison Blanche est sur la pertinence de l'engagement afghan après la destruction du bec de pieuvre terroriste. En quoi la guerre contre-insurrectionnelle afghane renforce-t-elle la sécurité des armes nucléaires du voisin, allié bizarre de l'Occident jusqu'à midi et imprévisible après cette heure. Si on jette Karzaï aux chiens, peut-être drainera-t-on tous les freux et choucas de la montagne vers le puzzle afghan et pourra-t-on ensuite reporter la ligne de meilleure défense sur la frontière pakistanaise, laissant le chaos pourrir l'Afghanistan. Les ressources minières importantes qui ont été découvertes pendant la guerre, devront être exploitées par quelqu'un ; il sera toujours temps pour les Anglo-saxons de revenir creuser en civil. A moins que ce soit un consortium russo-chinois qui ne vienne, rien que pour nous faire ch...perdre la face.

Acheter l'armée et les services pakistanais n'est pas si difficile car il y a beaucoup de surplus disponibles - que ne ferait-on pour une douzaine de F16 ? - et le dollar est un article d'imprimerie.
La posture très en pointe du président Hamid Karzaï dans la critique récurrente de la Coalition pourrait lui valoir une nomination spéciale sur la liste des abandonnés. La famille se reconvertira sans mal dans le coquelicot de basse altitude.

Clear - hold - build - transfer
L'OTAN va peut-être lever le pied sur le troisième et transférer le premier aux vaillantes brigades de l'ANA qui ne se battent pas beaucoup et s'avèrent trop souvent infestées d'insurgés. La perte de neuf américains tués par un pilote afghan sur l'aérodrome militaire de Kaboul le 27 avril aura des conséquences lourdes, malgré les dénégations officielles qui parlent d'un simple coup de sang !

Le rembarquement de tout le monde était affiché pour 2014. Sans doute va-t-on commencer plus tôt pour préserver deux dates essentielles l'an prochain, avril 2012 pour l'élection présidentielle française et novembre 2012 pour l'élection présidentielle américaine.

Il est sûr que laisser derrière nous tous ceux qui se sont libérés dans leur tête de la brutalité tribale et de la barbarie, je pense en particulier aux femmes extraites de leur condition de bétail d'abattage négociable et à leurs filles qui ont de plus en plus accès à l'école, est un vrai crèvecoeur. Mais l'indolence des pouvoirs publics et militaires afghans ne peut être surmontée par la pérennisation d'un engagement d'une coalition internationale qui a parfois le sentiment d'être la première cause du conflit. Karzaï caresse-t-il l'espoir d'être reconnu chez lui comme capo di tutti capi en créant des postes pour les Talibans modérés comme il les appelle, et en levant le pied sur la répression des autres ? On peut s'interroger sur ses dernières déclarations demandant aux Alliés de chercher ailleurs les méchants. Comment pourrait-il être sûr de tenir le choc d'un départ de la Coalition aujourd'hui ? A-t-il des assurances ? De qui ? De l'état-major pakistanais. Voir la brève analyse du général Pinatel en cliquant ici.

A défaut d'une reprise en main musclée "entre soi", l'Afghanistan en paix se morcellera à nouveau pour disparaître en tant qu'Etat comme à chaque fois dans l'histoire, jusqu'à ce qu'émerge un hégémonisateur des nations afghanes. Karzaï ne pourra pas jouer dans ce film. Les Pachtounes et leurs alliés³ libres ou contraints, devraient reconsidérer sérieusement un régime fédératif monarchique qui les représenterait dignement à l'extérieur et dans les enceintes internationales de développement, et laisser tomber le foutoir corrupteur d'une démocratie de pacotille titularisant une gravure de mode imposée de l'étranger, sans autorité naturelle ni factuelle. Le système de foi et hommage existe déjà, il faut le consolider en lui confiant la modernisation du pays. Les ressources minières l'autorisent. Un roi d'Afghanistan présidant à cette nécessaire mutation rendrait à tous leur fierté et simplifierait l'annuaire téléphonique.

Ainsi, nous partirons bientôt, avec les autres, en bon ordre.
On peut penser que l'Iran s'en trouvera mal.
Pour une fois...



Notes :
(1) Les Arabes sont des étrangers pour les tribus locales, ils ne parlent pas le pashto ni le dari ou l'urdu pakistanais sauf avec un fort accent, et sont comme le lapin blanc dans la garenne dès qu'ils courent.
(2) Federally Administered Tribal Areas, zone sans loi au nord-ouest du Pakistan (clic).
(3) Tadjiks, Hazaras chiites, et moins nombreux les Ouzbeks, les Turkmènes et les Kirghizes, turcophones.

2 commentaires:

  1. Les Durrani, qui régnèrent depuis le milieu du XVIII° siècle, faisaient fort bien l'affaire.

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  2. Que sont-ils devenus ? C'était je crois un empire plus grand que l'actuel Afghanistan britannique.

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