jeudi 11 août 2011

Vérité du Nombre

La rupture estivale en zone de connaissance a ceci de productif qu'elle ne subit pas l'éblouissement de la nouveauté ni le ravissement du spectacle inédit de la Nature, et laisse donc l'esprit critique à la contemplation de nos concitoyens et de quelques autres qui aspirent à se civiliser chez nous, parfois à la poursuite d'un rêve de liberté qu'ils finiront en cauchemar. Non pas que la partie "professionnelle" de l'année nous prive de cet exercice d'analyse, mais les contingences trépidantes de la vie active accroissent l'esprit de géométrie aux dépens de ce qu'on pourrait prendre pour de l'esprit de finesse.
Cet exercice n'étant bridé par aucun rédacteur en chef, j'avertis notre distingué lectorat que le pensum est sans frein.

Que ce soit dans les lieux de célébration de la Consommation - ces indispensables centres commerciaux où chacun mesure et polit son barreau de l'échelle sociale voire son timon straussien, que ce soit dans les espaces publics de distraction où l'on crée une empathie d'autant plus sûre que l'assistance est nombreuse et que l'on moque quelque chose ou quelqu'un, on constate les effets du conditionnement des individus amassés en foule, et à la réflexion, la quantité incroyable de moyens divers et variés engagés pour parvenir à "faire du chiffre", entendez cumuler de l'audience et la marchandiser, soit immédiatement soit en espérances comme on le fait pour les élections. Parce que le Nombre est vrai, mec !
Combien de fois entendons-nous les cuistres médiatiques nous livrer des sondages d'opinion prouvant le bien-fondé ou le mal-fondé d'une mesure gouvernementale. Une majorité de gens refuse-t-elle le retrait des panneaux avertisseurs de radars ? même si la mesure est bien la seule à policer la conduite des "pistards" de la route, que le nombre a parlé et l'on fera la dépense de panneaux pédagogiques pour enfants niais au lieu d'obliger à équiper de dispositifs de cruise control les voitures. On s'en méfie aussi de ces majorités d'opinion, et symétriquement se refuse-t-on à sonder sur des sujets tabous comme le sort à réserver aux pédophiles ou celui des tueurs de femmes. Surtout si le pouvoir est enclin à sévir. De même à l'opposé de l'échelle d'inquiétudes, pour le combat en coalition dans l'affaire afghane, on sonde après les pertes militaires sur la justesse de notre engagement, sans compassion pour le sacrifice de nos soldats ni énoncé des tenants et aboutissants, afin de faire éclore une vérité majoritaire qui satisfasse les faiseurs de rois, les médias et leur anti-américanisme à la mode.


Cette dictature recherchée du Nombre implique des techniques de communications massives en constant perfectionnement. Si pour leur rentabilité elles visent d'abord l'excitation du consommateur solvable, elles peuvent être fourbies bien sûr aussi pour favoriser les canaux d'endoctrinement "cérébraux". Il est plus aisé que jadis d'endoctriner les masses, mais moins que demain qui s'annonce comme un véritable bombardement cybernétique par le développement de l'Internet mobile. Or les endoctrineurs multipliés, les faiseurs d'opinion précités, les cons terribles des matinales radiophoniques, empruntent ces voies nouvelles de propagande massifiée à l'intention de populations ciblées ou pas, dans un large ensemencement ininterrompu pour influencer par le Nombre les pouvoirs en place. Ils savent depuis les démonstrations de Konrad Lorentz que « la puissance de suggestion d'une doctrine progresse en proportion géométrique du nombre de ses adhérents »¹ et la soupe idéologique est meilleure plus encore si le chaudron est grand. Le marché de masse ouvert par ces techniques devient parallèlement un marché de civilisations prêtes à mettre, où se promeut inlassablement la nôtre bien sûr, malgré sa décadence. Pédagogie imparable dans sa perversité, toute erreur fondamentale de notre système peut être purgée par une opinion majoritaire et devenir une "directive", puisque la vérité est devenue l'acceptation d'un concept par le nombre le plus grand. C'est l'histoire des crapules civiques blanchies par leurs électeurs stupides qui osent tout. Minoritaires vous avez tort par construction idéologique, circulez ! Si l'on ajoute à cette incongruité le nouveau syndrome d'immédiateté, cette propension infantile des gens à satisfaire à l'instant leurs désirs primitifs - les marchandiseurs visent l'achat compulsif - et leur incapacité à se sentir responsables d'un avenir éloigné, savoir le temps d'après leur mort, on atteint là l'os de l'escroquerie démocratique. Le Nombre peut être puéril, idiot, ou fou mais... vrai. L'insulte à l'intelligence de l'espèce est complète. Les gens ne l'ont pas encore compris mais le soupçon s'éveille.

Charrie-t-on ou pas l'Erreur dans les voies nouvelles de communication ?
Comme tout le reste évidemment, du mauvais et du bon avec l'encyclopédie participative Wikipedia, les liaisons hyper-rapides entre abonnés, l'accès aux bibliothèques du monde, et la pornographie ! Mais plus insidieusement sont diffusées une certaine "façon de voir" dominante, une certaine "éducation" globalisée et un ton convenu pour exprimer l'inégalabilité de la démocratie, la doxa. Sur ces réseaux de moins en moins informels puisqu'ils ont muté en gigantesques banques de données personnelles, se crée une culture transversale homogénéisée, fondée, pour faire court, sur le libéralisme capitalistique occidental et ses moeurs débridées, que ça nous plaise ou pas. Cette culture est accessible aujourd'hui de partout et déteint.
Les révoltes arabes, mais l'urticaire libertaire de la classe moyenne chinoise aussi, démontrent une convergence mondiale des expressions individuelles vers ce modèle social réputé qu'est le modèle libéral occidental, un peu fantasmé d'ailleurs, grosso modo celui de la liberté la plus large dont les contours pour chacun se limitent à la liberté d'autrui et ne composent avec aucune morale, le fameux Empire du bien de Philippe Muray. Avec en prime un mot magique complètement détourné de son sens premier : dé-mo-cra-tie.
Comme derrière le Rideau de Fer de jadis, les gens d'outre-occident voient dans le mot "démocratie" la liberté de penser, parler et circuler. Après la révolution de jasmin, les gens tapaient sur Twitter comme des fous "Ben Ali est un con" parce jusque là c'était la prison assurée ! En seconde couche, le voeu est de participer à la mondialisation transformant leur société en une société banale, automobile, "conforme" et à l'aise. Ne vient qu'en troisième couche, mais elle est celle qu'exaltent les thuriféraires de la Libération qui ne nous parlent que de ça, une vraie citoyenneté politique. Les taux de participation aux élections dans les pays de l'Est montrent que l'impatience civique est de plus en plus refoulée, les gens s'en foutent, leur liberté d'abord et un bien-être le plus proche possible du rêve antérieur. Le citoyen est devenu presque partout un consommateur d'idées politiques si l'emballage le captive, jusqu'à zapper pour rire aux jours de scrutin. Nous allons revivre ces nouveaux jeux du cirque en avril prochain.

Oui, on charrie de l'erreur, grave.
Les libertés essentielles recherchées par les peuples révoltés et ceux qui en Asie vont les imiter, sont des acquits obtenus d'une certaine organisation des sociétés, qui priorise l'instruction publique et valorise les connaissances apprises sur un espace de temps moyen à long afin d'exalter les vertus civiques indispensables au fonctionnement du modèle occidental. Charles Maurras liait la rareté des comportements humains vertueux à l'inhumanité du modèle démocratique qui en attend tout. De fait, les libertés essentielles ne sont pas vendues dans le kit "démocratie totale" ; seulement annoncées par l'endoctrineur qui n'insiste pas sur cet effort collectif d'apprentissage ; c'est la seule vérité vraie qui ne soit pas contredite : il faut non pas les conquérir mais les faire pousser comme de l'herbe. On ne peut se satisfaire d'une règle commune abrégée qu'on pourrait appeler droit naturel universel² et en avant ! Le fonctionnement politique d'une société convoque une certaine complexité des mécanismes sociaux qui reste à construire sur la base consolidée du droit naturel². Mais les "nouvelles" sociétés qui organisent leurs pouvoirs d'administration générale, secrètent en même temps le ferment de leur asservissement par les corps constitués qu'elles laissent métastaser, puis se bunkeriser dans le futur. C'est la dérive des raïs arabes, de quelque nom qu'on les appelle dans les républiques orientales. Egypte, Syrie, Irak, furent des républiques construites sur le modèle parlementaire de Westminster adapté par Michel Aflak (Baas) ; elles devinrent des dictatures, certaines sanglantes mais toutes légales. Le Nombre peut enfanter aussi son propre camp de concentration mentale !
Pour obtenir ces libertés qui font rêver la Rue arabe, il faut donc que l'expérimentation éprouve leurs fondations au socle de la société considérée, et c'est un long cheminement du groupe social quand il y parvient. Penser tous les compartiments du jeu social et mettre en application leur réfutation jusqu'à ce qu'ils tiennent debout par eux-mêmes, les assembler. Ne pas faire une confiance aveugle aux professeurs de droit ; ne pas dénombrer les essais ; les faire ! La procédure détaillée est trop longue pour être vendue dans le "kit", elle en diminuerait le côté sexy. Alors d'aucuns présomptueux ou mal conseillés font le grand bond de la barbarie à la civilisation sans étapes générationnelles, en déduisant leurs règles sociales du droit naturel commentées de l'extérieur et importent de l'étranger les règles de fonctionnement de leurs institutions modernisées, et la première de toutes, la décision majoritaire. Et ça ne marche pas. Cf. l'Afghanistan en plein désarroi, mais le Pakistan britannique n'est pas mieux ; la liste est longue des démocraties-foutoirs finalement administrées par la force brutale récupérée du stade antérieur.

Si le besoin de connaissances et d'instruction publique générale s'avère impérieux pour continuer l'ouvrage d'une société juste et pérenne, les dépenses budgétaires correspondantes deviennent prioritaires, bien avant tous autres postes du domaine public. Ceux du domaine régalien doivent être mesurés à leur stricte nécessité, et les vanités diplomatiques remises à plus tard. Suffit-il d'analyser les sociétés démocratiques occidentales pour en comprendre le mode d'emploi et les imiter pour accéder au paradis promis par les textes ? Oui, ça aide. C'est un exercice auquel devraient s'astreindre les équipes gouvernementales des sociétés nouvellement libérées s'il est fait sérieusement. Elles sauront bientôt que le modèle est en toc ! Et que le Nombre qui le dit vrai se trompe lourdement. Il n'y a pas de prêt-à-penser qui tienne la route longtemps en physique sociale, l'échauffement des populations administrées à travers ces grilles de lecture théorique en donne vite les limites. La pratique de la théorie est toujours un arrachement des convictions. Aparté : les royalistes la redoutent pour cette raison.
Chaque société doit créer son propre modèle social, l'éprouver et le pérenniser par ses propres retour d'expérience. A mon avis, le farà da sè est le seul intérêt du nationalisme et les pays qui s'y prêtent réellement voient se répandre doucement l'idée que dans le modèle acclamé par les otaries médiatiques, le volet social-démocratie qui vise à la satisfaction de la sécurité et du confort du Nombre, est en faillite accomplie, ruinant le reste de l'ouvrage qui mériterait d'être défendu. C'est un réel bond en avant des idées car le sujet était jusqu'ici tabou. Le modèle quand il est mesuré par les chiffres est pourri. Le train fou de la banqueroute accourt vers nous de plus en plus vite, nous en avons déjà évoqué les effets dévastateurs et n'y reviendrons pas. On me dit que la Bourse panique. Il y a de quoi : des nations prospères ont enfanté des Etats promoteurs d'un humanime débridé qui finissent leur carrière avec des comptes publics de temps de guerre en pleine paix.

Ce blogue de petit calibre continuera de tirer à boulets rouges sur la solidarité à compte d'autrui qui gouverne tous les pays occidentaux. Le principe de "Providence" qui est généreux par essence est vite fatal si la redistribution de richesses excède d'une part la quantité de richesses produites et si elle bénéficie d'autre part à des individus qui ne la méritent en rien, aggravant l'oisiveté endémique du genre humain. Les tribus indiennes de la Grande Plaine n'exemptaient de la production mais les gardaient à l'ordinaire que les fous. Ils n'en avaient pas beaucoup et les sorciers assuraient la tranquilité de ces êtres différents en les faisant toucher par un rayon cosmique. En revanche, à ce petit groupe de ravis, nos sociétés, éblouies par la charité chrétienne malgré les lois Combes, ont ajouté de grandes cohortes de fainéants, assez rusés pour faire croire à leur malchance et ne jamais montrer que plus ils sont aidés moins ils en font, pervertissant le système qui ne tient debout que par l'emprunt d'argent aux étrangers (70% de la Dette française). Les caves à vin sont-elles vides ? Cocagne, on vendra la vigne pour boire !

Les candidats à la "démocratie" qui souhaitent construire chez eux une société juste et libre doivent diriger leurs observations sur les pays bien gérés, aux comptes publics équilibrés par principe (malgré quelques dérapages conjoncturels), ils sont peu nombreux mais exemplaires, ce qui rend le tri plus facile. Hors de l'épure les pays latins, gitans et braillards gouvernés par des saltimbanques addictés au moteur diesel du déficit budgétaire. Hors de l'épure la démocratie américaine raciste qui laisse attaquer son président noir sans vergogne bien que perfusée par la nouvelle Chine qui la soutient comme la corde le pendu. Hors de l'épure la Fédération russe et son substrat mafieux qui prospère sur le fumier de la misère.
Le modèle imitable, bon d'importation, est au Nord de l'Europe, et en petit format à Hong Kong. Bizarre ! Ces pays ont chacun une forte identité nationale. C'est la Scandinavie (Danemark, Norvège, Suède, Finlande, Estonie), les Pays-Bas, le Luxembourg, la Confédération helvétique et quand on avantage le paramètre identitaire, l'Autriche. Pas plus ! On y ajoutera demain la nouvelle Flandre, toutes griffes dehors. Que nous disent ces pays ? Qu'ils ont longtemps dérivé dans le tiersmondisme tiède, mais sont revenus à leurs fondamentaux. Ils nous disent des banalités pour une gouvernance de bon père de famille. Rien d'exaltant, pas de quoi meubler les amphis de SciencesPo. En gros, ne pas dépenser plus que l'on gagne, faire mériter l'aide strictement mesurée, mettre des moyens de côté quand c'est possible (voir le fonds souverain norvégien), ne pas punir le succès des entreprenants en les ostracisant, et ne pas se prendre pour le leader du monde, impatient d'adouber ou condamner tout évènement politique de la Terre de Feu au Kamptchaka . Tout le contraire de l'endoctrinement idéologique que nous subissons au milieu de l'exaltation de nos gloires enfuies, sous la protection d'un ridicule gaullien qui ne tue plus. La teneur et le niveau de la campagne pour les primaires socialistes sont lamentables. Qui pis est, ils sont totalement hors-sol, les Français, selon l'Insolent, privilégiant la réduction de la dépense publique en attendant l'Anschluss qui les sauvera ! Quel camouflet !

Selon les penseurs socialistes qui ont survécu à l'effondrement du Mur - on en a raté beaucoup et partout³ - il faudrait ré-étatiser notre société gravement dénationalisée, restaurer les solidarités forcées du Conseil national de la Résistance (je dors, tu bosses, je m'indigne), pondérer la disette budgétaire entre les strates et entités politiques, surtaxer les possédants captifs de leur patrimoine intransportable, niveler l'accès de tous aux guichets sociaux, relever les barrières douanières pour protéger la production nationale (laquelle et où?) et ne plus subventionner l'exportation pour récupérer de la TVA, dévaster les niches fiscales, revenir à une monnaie de singe dévaluable à l'envi le dimanche, établir de nouveaux catalogues de dépenses populaires, mettre en cage la finance internationale impure qui ne nous obéit pas, dire son fait au G20 qui n'attend que l'oracle de Paris, et amorcer la démondialisation ; du grand n'importe quoi mais facilement compréhensible par les masses automatiques à bas QI dont le nombre validera en principe le concept.
De tous bords, convergent les "savants" sur cet endoctrinement létal pour notre nation, à se demander ce qu'ils y cherchent réellement, la victoire de leurs idées ? Mourir pour des idées ? On ne célèbre rien sur les ruines fumantes d'un Etat grec, par exemple, sauf l'aurore de l'Anarchie ! Sommes-nous au printemps de l'Anarchie ? L'insurrection qui vient, disaient les épiciers de Tarnac.


Note (1): Les Huit péchés capitaux de notre civilisation (Flammarion 1973)
Note (2): Il s'agit de la ligne de partage spontané tracée par les gens du groupe social observé, séparant entre bien et mal les actes de chacun, à l'abri des commandements religieux qui partout vicient le concept de droit inné pour le remplacer par un droit transcendé avec l'imparable facilité de l'autorité invisible et inaccessible au commun, qui dicte une loi irréfragable. La souffrance ou le meurtre d'enfants, le viol des femmes, la fatalité de la famine, l'assassinat des vieux inutiles, le vol des gains péniblement obtenus, etc. sont d'instinct insupportables absolument et n'ont pas besoin de code pénal pour être réprimés.
Note (3): même chez les royalistes... ;)

1 commentaire:

  1. A priori l'Anschluss qu'attendent les Français est en bonne voie depuis cet après-midi. Les décisions Sarkozy-Merkel, si elles sont appliquées, vont interpeler le Bénélux et quelques autres pays sains autour, jusqu'à ce que nous nous retrouvions dans une configuration fédérative à 5 ou 7 nous ramenant au concept européen de départ.
    Barroso disparaît par le trou des WC de l'histoire !

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