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"Cyberwar" première


Qui trouverait normal de payer un centime la page pour la consultation d'ouvrages à la bibliothèque municipale ? Que faites-vous sur la photo sinon copier des idées d'autrui dans votre mémoire. Ce "pillage" n'est apparemment pas encore décelé par la police des esprits, quoique le Patriot Act américain s'y soit intéressé, en faisant obligation aux bibliothécaires de remettre les fiches de consultation sur demande des services, voire de signaler les requêtes déviantes de leur propre initiative s'il veulent concourir au "bibliothécaire patriote du mois".
Ce que l'on accepte à la lecture, on le refuse à l'ouïe. Vous avez le droit de transférer gratuitement de la connaissance dans votre cerveau sur une base papier à travers le nerf optique, vous n'avez pas celui de transférer à l'oeil la même connaissance par le nerf auditif. Votre nerf optique sera néammoins coupable si cette connaissance qu'il lit a été produite sur une machine de cinématographie au lieu de la banale presse d'imprimerie. Et on en vient à la production et au droit d'auteur associé.

La diffusion mondiale de la connaissance et des idées, images, obsessions, cauchemars fabriqués par le cerveau humain, au moyen d'un simple clic de souris, a bouleversé le mode de production et celui de réception. On peut faire cent lignes de punition pour expliquer cela, mais on peut aussi ramasser cette révolution en quelques mots. Les clés du moteur production-réception ont changé. La monétisation du transfert cède le pas au flux gratuit de grand débit. Le schéma de la cascade d'acteurs économiques est obsolète dans toutes les activités humaines virtuelles, dont font partie les activités intellectuelles. Cela peut aller très loin, comme on le voit dans les batailles de brevets entre les géants de l'informatique où l'on dépose des bouts de codes de programmation en prévision d'une attaque judiciaire lancée à partir du vieux droit, dans le seul but de freiner ou de tuer le concurrent. La vieille industrie en vient même à attaquer l'intention non concrétisée, comme on l'a vu au combat logiciel entre la Communauté du Libre (GNU-Linux... etc) et Microsoft.
HADOPI, PIPA, SOPA sont de la même veine. Ces lois antipirates au motif impeccable pédagogisent le respect de la propriété intellectuelle (sans réfléchir à son incongruité récente). Toute pédagogie est une propagande, en l'espèce, celle des fabricants de l'ancien monde des lampes à huile. Un aspect moins reluisant de ces organisations est le bureaucratisme caporalisant qui soutient mordicus que n'est légal que ce qui est autorisé. La première réaction de la présidente de la HADOPI au premier coup de canon du FBI sur MegaUpload est explicite : « Ce qui s'est passé aux Etats-Unis est une bonne chose. Megaupload est un site qui offre des services pour lesquels il n'a jamais eu d'autorisation ». Tout le problème est là, dans le meilleur des mondes, ce qui n'est pas autorisé est interdit. Chine, Corée, Iran, France, Etats-Unis demain?, même combat. Il semblerait toutefois que la Maison Blanche ait entraperçu le faisandage des maisons de disques et des majors de cinéma prétendant détenir un monopole de production ; on ne gagnera pas la guerre de novembre avec des morts-vivants. En France, le gouvernement en fin de piste est le fondé de pouvoir des agonisants. Que sera le prochain ? Syndic des artistes engagés ?


Le monde nouveau c'est l'encyclopédie WIKIPEDIA (sauvée récemment par ses utilisateurs et contributeurs) et tous ses dérivés en "wiki", ce sont les moteurs de recherche dans la production humaine universelle comme Google, Bing, Yahoo, Baïdu, Exalead, Altavista, Ask Jeeves..., les fonds d'archives numérisés des universités du monde entier, et maintenant tous les livres libres de droits mis en ligne par scanner ; mais aussi les modes d'emploi de n'importe quoi en libre service sur son écran domestique et tous les services imaginables, jusqu'à la livraison chez soi d'une laitue sur simple clic. Il y a abondance de possibilités. Proprement insupportable pour les tenants du rationnement monétisé.
La limite à cette liberté nouvelle de diffusion reste par contre la marchandisation des copies, même si le copisme est enregistré comme religion au royaume de Suède. La copie gracieuse n'est pas le vol. Voler c'est soustraire, copier c'est multiplier. Mais les artistes meurent-ils ?

Justement non. L'année 2011 a vu le box-office exploser en France avec 215.590.000 entrées en salles, soit 4% de plus qu’en 2010 (206,8 millions d’entrées), résultat nettement supérieur à la moyenne des dix dernières années qui était de 191 millions. Et cette année fut celle où l'on a le plus téléchargé de films. Pourquoi ? Parce que spectateurs et chargeurs sont souvent les mêmes. C'est pareil pour le spectacle vivant sur scène. Les théâtres et music halls sont pleins (si l'artiste est bon), les tournées marchent bien, et le téléchargement aussi. Même constat, c'est le même public. Par contre, ceux qui ne touchent pas autant qu'avant sont les maisons de conserves, les PicardSurgelés du showbiz qui voient le succès se faire sans eux. Le public va au rayon frais ! C'est tout le logiciel de la filière qu'il faut rénover et se dire peut-être que dans notre civilisation, on ne fera plus fortune avec des ritournelles moulinées à la console de mixage.

Revenons à l'affaire MegaUpload. La presse nous compte tout ça par le menu, à l'affût d'une guerre cybernétique qu'elle va suivre avec gourmandise, en apprenant les codes à mesure du récit. Les services américains ont sous-estimé la réaction universelle. MegaUpload est aussi un hébergeur de gros fichiers et la fermeture de cette bibliothèque pénalise des centaines de milliers d'internautes, y compris des thésards, des scientifiques, même des professionnels qui ont archivés à bon compte. Les blocages de rétorsion ne font que commencer, et pour une fois ce ne seront pas les hackers américains qui prendront la tête du mouvement mais tous les autres. La raison est le Patriot Act promulgué contre le terrorisme islamiste. Par le Patriot Act le prévenu connaît l'infraction qui motive son arrestation après inculpation. Les services administratifs ont toute liberté pour appréhender qui bon leur semble avant même un constat d'infraction pour "trouver" l'infraction, avant de le déferrer à la justice. C'est un schéma semblable à celui de la HADOPI française qui prend à son bon plaisir un pouvoir judiciaire remis à sa bureaucratie. Contrairement à notre service de police dépassé, les autorités américaines sont bien outillées avec la NSA (National Security Agency) qui a accès à toutes les communications sur son territoire mais déploie en plus un bataillon de hackers trentenaires retournés à son profit avant jugement - c'est avec nous ou bien c'est 30 ans - et qui vont mener la vie dure aux Anonymous, donc les effectifs sont faits de jeunes geeks très doués certes mais moins expérimentés dans le "crime". Les revers qu'ils essuieront déclencheront-ils le soutien de hackers plus affûtés, capables de mettre en l'air toute la communication gouvernementale des Etats associés contre les pirates ? Ce sera plus intéressant que notre misérable campagne électorale.
En attendant, le sites d'hébergement lourd et de partage vont se multiplier avec des logiciels d'exploitation plus sophistiqués et des localisations plus difficiles à attaquer. Les "pirates" quitte le côtre de Jean Bart pour le sous-marin. Combien de satellites militaires faudra-t-il mobiliser pour les réduire ?



Commentaires

  1. Un mec s'est levé à l'Elysée à 1h du mat pour féliciter le FBI d'avoir assailli un centre de serveurs hongkongais en Virginie et arrêté un délinquant à Auckland (NZ) !
    Le chef de la police ?

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  2. « Au lieu de doter l'industrie du droit d'auteur de toujours plus de moyens répressifs, et de traiter comme un réseau de mafieux toute plateforme qui génère du profit en diffusant des œuvres, il faudrait mettre en place un mécanisme simple et équitable pour que les auteurs et les artistes tirent profit de la diffusion commerciale de leurs œuvres »
    Maxime Rouquet, président du Parti Pirate

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  3. Ce sujet va rebondir dans le bimensuel L'AF2000 de jeudi prochain 2 février.

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