dimanche 20 mai 2012

NATO Chicago

 

Prononcez "sochialist" à haute et intelligible voix dans une foule américaine qui avance d'un bon pas sur le trottoir, et la personne devant vous se retournera : "Would you repeat ?". C'est une injure. Sauf chez les intellectuels gays qui fument des gauloises.
M. Hollande a eu bien du mérite de pousser au G8 ses idées socialistes conformément aux annonces qu'il fit en France avant son départ. Qu'en sera-t-il tout à l'heure à Chicago ? C'est une autre affaire.
On ne parle plus de croissance plus ou moins bidonnée mais de la survie du modèle occidental à travers l'Alliance de 1949.
Les sujets qui fâchent ne sont pas nombreux :
- l'Afghanistan après l'OTAN
- le bouclier anti-missiles iraniens aux portes de la Russie
- la répartition du fardeau budgétaire entre les alliés

Afghanistan
On notera en préambule que l'OTAN n'est pas une alliance de coercition comme le serine les "souverainistes". Les Canadiens qui avaient mis le paquet dès 2006 avec des escadrons de chars Léopard dans la province de Kandahar, la plus pourrie, les ont repris en 2011 et ont redéployé des formateurs sur leur zone et à Kaboul ; ils n'engagent que des conseillers dans les opérations de l'ANA (armée nationale afghane). C'est ce que vont faire tous les alliés majeurs dans cette expédition et nous aussi : apprendre le règlement de combat aux "guerrilleros" locaux et les faire combattre. Les Allemands ne font que de l'instruction et du soutien à bonne distance du feu. Les Pays-Bas rentrent.
Catch, Build, Transfer ! c'est la devise obamaniaque pour l'Afghanistan. On récupère une zone à l'ennemi, on bâtit les infrastructures de combat et des unités nationales capables, puis on passe le bébé aux Afghans. Mais son vice-président Joe Biden, l'homme à gaffes, a dit autre chose : "Nous sommes en Afghanistan pour tuer al-Qaïda et sécuriser les missiles nucléaires pakistanais". Ce qui veut dire que le projet démocratique de Georges W. Bush n'est même pas en rêve, mais aussi que les Etats-Unis ne vont pas se désengager complètement tant qu'ils n'auront pas trouvé le moyen de mettre ces p... de fusées en sûreté. Ceci ne présage pas d'un déploiement de brigades d'infanterie. Le travail au Warziristan est fait très proprement par des drones asservis à des satellites de chasse.
Tout le monde sur le terrain est d'accord que l'ANA va parvenir à faire le job, même avec des difficultés de formation, pour au moins deux raisons : c'est la seule administration vraiment nationale qui ouvrent beaucoup d'emplois déliés du système clanique - il n'y a pas que les compagnies de combat, mais aussi tout le soutien derrière, l'intendance, la logistique etc... - et c'est un ascenseur social pour bien des bergers sans avenir qui peuvent accéder aux soutaches puis aux galons. Quand cette armée - certains bataillons sont déjà à ce niveau - saura combattre en gérant son éclairage et ses appuis, le travail à faire ne sera que du perfectionnement dans l'acquisition des mécanismes.
Reste à partir.
MM. Hollande et Le Drian se sont inventé une retraite au son des fifres et tambourins. C'est râté.
L'Afghanistan est enclavé. « Si ramener les 3 600 Français encore en Afghanistan peut se faire en quelques coups d’avion, pour ce qui est du matériel, c’est autre chose : sur place, 1 300 véhicules, les meilleurs équipements français (des véhicules blindés de combat d’infanterie), les canons Caesar, les hélicoptères Tigre, tout cela prend énormément de temps à rapatrier, pas beaucoup moins de 18 mois en fait. » (Général Vincent Desportes). Nous ne pouvons partir en disant aux Américains de nous garder un millier de containers en sus des équipements ci-dessus, le temps de faire voter au Palais Bourbon les crédits de rapatriement par les Antonov ukrainiens. Il faut être sérieux, et M. Hollande va se faire accrocher aujourd'hui. Sauf ! sauf à proposer un plan ambitieux de collaboration avec le Pakistan pour sortir au sud par le port de Gwadar (Baloutchistan). Mais à mon avis, Le Drian ne le connaît même pas !

Bouclier anti-missile
On comprend bien que la Russie nous fasse chanter sur l'installation de super-radars devant sa frontière, car elle est une clef pour sortir d'Afghanistan. Bien sûr, on pense tout de suite au réseau Echelon d'espionnage des télécommunications que Moscou ne sut jamais déployer de son côté. Et comme aucune dénégation du Pentagone ne sera prise au sérieux quant aux missions du bouclier, autant qu'ils le fassent. Ceci étant, participer à ce bouclier peut s'avérer un "piège-à-cons" pour la France. Contre l'assurance de collaboration technologique dans ce domaine spécial entre les Etats-Unis et certains pays européens, dont la France et l'Italie en première ligne, nous pouvons affaiblir la crédibilité de notre riposte nucléaire ultime. C'est un argument de tapis vert, parce qu'au fond l'on sait bien que c'est une posture gaullienne intenable sur un arc de crise. Mais on peut négocier avec. A mon avis, M. Hollande va tergiverser car il n'a pas tous les éléments.

Fardeau budgétaire
C'est la grosse épine dans le pied français. Nos velléités de parité, l'alouette française parle au cheval américain, ne peuvent aboutir que si nous déchargeons les Etats-Unis d'une partie du fardeau. Ils sont en plus en campagne électorale et la nôtre est finie. Nous sommes incapables de sortir de l'argent, il a disparu dans le trou de la sécu, la rémunération de fonctionnaires pléthoriques, les retraites à tout le monde et cent autres drainages dont nous parlons tout le temps. Pourrions-nous alors les décharger autrement ?
Nous l'avons fait en Libye. Et même bien fait puisque notre Rafale n'est plus un démonstrateur mais un avion de combat que l'on risque de vendre. Pouvons-nous le refaire au besoin ? Oui, si nous réglons nos carences logistiques, et si nous recomplétons nos stocks de missiles et bombes dont nous avons manqué par moment. Ça donnerait du travail aux arsenaux français. Pour la logistique, il faut aligner assez rapidement l'Airbus A400M qui va résoudre l'équation. C'est aussi du plan de charge en usine en France.
L'intérêt de ce rééquilibrage est de pouvoir continuer à parler dans les états-majors OTAN et de conserver les deux commandements stratégiques que M. Sarkozy a obtenus. Les sceptiques demanderont pourquoi persister dans cette alliance si elle coûte plus cher demain qu'aujourd'hui. Et ma réponse est invariable :

(1) parce que nous n'avons aucun autre dispositif de défense nationale crédible.
(2) la confrontation inter-armées rehausse le niveau d'expertise de la nôtre. Nous sommes arrivés en Afghanistan avec une gendarmerie coloniale (Uzbin !), nous en ressortirons avec des brigades de combat multi-rôles.
(3) cette alliance capable de manoeuvrer 48 nationalités avec les mêmes codes procéduraux (je parle de l'ISAF) fait peur à tous ceux qui n'en sont pas. Et c'est très bon de terroriser les autres dans un contexte militaire.

M. Hollande a-t-il une religion toute faite sur l'OTAN ou s'est-il contenté de lire le dossier Le Drian dans l'avion. Nous allons savoir maintenant le niveau qu'il peut atteindre à l'international. Il faudra lire le communiqué final à la loupe.


Ce billet paraît dimanche 20 mai, à l'ouverture du sommet OTAN ; il sera ultérieurement complété de notes... (ou pas :).

Addition du 22.05.2012:
Communiqué final du sommet OTAN de Chicago (20 mai 2012)

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