Actualisation de l'article paru le 28 juillet 2010 sous le titre : La Fée Bleue en Afrique
Le New York Forum Africa s'achève aujourd'hui à Libreville. Grand raout du développement, «l'idée novatrice du New York Forum AFRICA est de réunir investisseurs et chefs d'entreprises internationaux sur le continent, certains pour la première fois, afin de créer les liens indispensables pour de potentiels partenariats, avec des réalisations très concrètes» (©Richard Attias & Associates). Nous profitons de cette actualité pour réitérer le ping de ce billet qui préconisait (et expliquait) la double grille continentale électrique et ferroviaire comme outil performant du développement.
Nous reprenons in extenso son point III :
Préambule
Un demi-siècle après [la décolonisation] chacun peut juger de la faillite d'une utopie, ce continent ne se développant pas, quels que soit la latitude, la géographie, les ressources, la dominante ethnique, le régime politique, et il est bien difficile de saisir une cause prépondérante à ce marasme. Certes, on se goberge de chiffres de croissance plus ou moins fabriqués afin de clamer dans les enceintes fréquentées par les bailleurs de fonds que le développement se fait bien. Mais epsilon plus cinq ou dix pour cent, ne fait quand même pas grand chose !
Ces difficultés ne doivent pas nous décourager. Elles nous obligent à trouver des voies différentes que celles suivies jusqu'ici. Nous devons nous intéresser à l'Afrique pour deux raisons. Nous avons une communauté de culture avec l'Afrique francophone – qui a inventée la francophonie, ne l'oublions pas - et même une certaine connivence au niveau de l'individu de part et d'autre de la mer. Personnellement je me sens bien plus d'affinités avec un Malien, un Camerounais, un Togolais, un Sénégalais qu'avec aucun ressortissant balkanique. Croiser un Congolais à Yiwu (2) et c'est un quart-d'heure de "perdu" à giberner. Je ne ressens rien des caucasiens et autres ukrainiens, moldaves ou géorgiens que je compare à des doryphores.
La seconde raison est que la pression migratoire africaine sur l'Europe est trop forte pour y être toute employée, mais elle ne pourra être contenue qu'en zone d'embarquement. C'est l'émigration qu'il faut soigner. Il n'y a donc pas d'autre choix que d'obliger les pays de départ à se développer. Comment ?
C'est ici que l'on commence à s'arracher les cheveux. Les organismes de développement désintéressés existent du plus gros au plus petit, de la TICAD japonaise à Africa Works du chanteur Youssou N'Dour. Les banques et caisses de développement débondent les fonds sans arrêt et tout le flux ne disparaît pas dans le sable de la corruption. Mais au résultat, peu de résultats.
Un plan Marshall précis et intelligent
Foin des récriminations perpétuelles, faudrait-il n'avoir qu'une idée, une seule bonne idée vraie, quelle serait-elle ? La voici. Mobiliser une fraction des moyens détenus par les dix ou douze grands acteurs(3) BTP de la planète sur un programme continental d'électrification générale, en le finançant par une minuscule ponction des flux interbancaires quotidiens, le tout placé sous le gouvernement de la Banque Mondiale.
A partir de l'énergie fossile ou renouvelable disponibles localement, multiplier les centres de production électrique et les réseaux de distribution pour former une grille électrique couvrant tout le continent jusqu'au dernier village. Sans détailler le programme, encore moins le raccorder aux disputes hydroélectriques en cours, on sait déjà que d'apporter la force ou même simplement la basse tension dans un village change radicalement l'activité de la communauté résidente. Reste à étudier une tarification progressive qui tienne compte de la vitesse (ou de la lenteur) d'enrichissement de chaque district électrique. On verra très vite les effets de la mécanisation sur l'irrigation, sur le traitement plus facile des récoltes, la possibilité de conserveries, sur l'artisanat de production, les services puis sur l'industrie. Les villes aussi et leur quartiers pauvres devront être servies. Mais il est un effet de levier plus puissant encore si la grille électrique prend dans ses mailles une grille ferroviaire. Les Etats africains sont capables de prendre en charge la rénovation voire l'extension de leurs réseaux ferrés, à charge pour nous de fournir le courant et les locomotives électriques adaptées.
Le premier avantage de ce programme de grille électrique, avant même de l'avoir réalisé, est la force du signal donné à tous les Africains : une bataille d'infrastructures pour un développement abouti va se concrétiser par une efficacité mesurable par chacun. On n’est plus dans le vent des inaugurations époustouflantes de ponts sans route, d’aérodromes sans avions, d’entrepôts vides. Les gens mesureront le progrès à l’installation de leur compteur individuel. Le deuxième avantage est de mobiliser les ressources BTP supplétives des entrepreneurs locaux voire à susciter la création d'entreprises faisant de la vraie valeur ajoutée. Le troisième avantage est la mobilisation générale de main d'œuvre par tout le continent car les centrales et leurs lignes, et les chemins de fer, convoquent beaucoup de bras vaillants et distribuent autant de salaires.
L'écueil de tout programme de cette envergure est de manger les crédits en bureaux d'études, souvent créés spontanément par les fils de ministres intègres, sinon par les agences nomenclaturées des banques de développement ; il suffit de lire le Journal officiel de l'Union européenne (JOUE) dans ses pages attributives de travaux pour voir le carnage financier. L'intérêt des grands groupes BTP est de pouvoir s'en prémunir, et l'abondement direct de la Banque Mondiale aux sièges des contractants bipasserait les tyranneaux africains voraces(4) et leurs réseaux de prédation.
Quel décideur politique d'envergure aurait une idée concrète pour l'Afrique ?
Celui qui a deux entreprises de BTP en tête du top-ten mondial ? Suivez mon regard. Peut-être alors celui qui en a trois ?
La Chine (encore !) reconquiert l'Ouest agité de l'empire du Milieu par un plan massif de développement de sept cent quatre-vingt milliards de yuans(5). Comment donc ? Par la superposition d'une grille électrique et d'une grille ferroviaire sur son piémont himalayen (Gansu, Guizhou, Hunan, Sichuan, Yunnan) et ses déserts nordiques (Xinjiang et Mongolie). Où les centrales hydrauliques ne seront pas possibles, ils construiront des centrales solaires et nucléaires. L'énergie est latente, la main d'œuvre est disponible, l'argent sera bien placé. En Afrique, c'est pareil, à la réserve près du commandement unifié !
Le New York Forum Africa s'achève aujourd'hui à Libreville. Grand raout du développement, «l'idée novatrice du New York Forum AFRICA est de réunir investisseurs et chefs d'entreprises internationaux sur le continent, certains pour la première fois, afin de créer les liens indispensables pour de potentiels partenariats, avec des réalisations très concrètes» (©Richard Attias & Associates). Nous profitons de cette actualité pour réitérer le ping de ce billet qui préconisait (et expliquait) la double grille continentale électrique et ferroviaire comme outil performant du développement.
Nous reprenons in extenso son point III :
Préambule
Un demi-siècle après [la décolonisation] chacun peut juger de la faillite d'une utopie, ce continent ne se développant pas, quels que soit la latitude, la géographie, les ressources, la dominante ethnique, le régime politique, et il est bien difficile de saisir une cause prépondérante à ce marasme. Certes, on se goberge de chiffres de croissance plus ou moins fabriqués afin de clamer dans les enceintes fréquentées par les bailleurs de fonds que le développement se fait bien. Mais epsilon plus cinq ou dix pour cent, ne fait quand même pas grand chose !
Ces difficultés ne doivent pas nous décourager. Elles nous obligent à trouver des voies différentes que celles suivies jusqu'ici. Nous devons nous intéresser à l'Afrique pour deux raisons. Nous avons une communauté de culture avec l'Afrique francophone – qui a inventée la francophonie, ne l'oublions pas - et même une certaine connivence au niveau de l'individu de part et d'autre de la mer. Personnellement je me sens bien plus d'affinités avec un Malien, un Camerounais, un Togolais, un Sénégalais qu'avec aucun ressortissant balkanique. Croiser un Congolais à Yiwu (2) et c'est un quart-d'heure de "perdu" à giberner. Je ne ressens rien des caucasiens et autres ukrainiens, moldaves ou géorgiens que je compare à des doryphores.
La seconde raison est que la pression migratoire africaine sur l'Europe est trop forte pour y être toute employée, mais elle ne pourra être contenue qu'en zone d'embarquement. C'est l'émigration qu'il faut soigner. Il n'y a donc pas d'autre choix que d'obliger les pays de départ à se développer. Comment ?
C'est ici que l'on commence à s'arracher les cheveux. Les organismes de développement désintéressés existent du plus gros au plus petit, de la TICAD japonaise à Africa Works du chanteur Youssou N'Dour. Les banques et caisses de développement débondent les fonds sans arrêt et tout le flux ne disparaît pas dans le sable de la corruption. Mais au résultat, peu de résultats.
Un plan Marshall précis et intelligent
Foin des récriminations perpétuelles, faudrait-il n'avoir qu'une idée, une seule bonne idée vraie, quelle serait-elle ? La voici. Mobiliser une fraction des moyens détenus par les dix ou douze grands acteurs(3) BTP de la planète sur un programme continental d'électrification générale, en le finançant par une minuscule ponction des flux interbancaires quotidiens, le tout placé sous le gouvernement de la Banque Mondiale.
A partir de l'énergie fossile ou renouvelable disponibles localement, multiplier les centres de production électrique et les réseaux de distribution pour former une grille électrique couvrant tout le continent jusqu'au dernier village. Sans détailler le programme, encore moins le raccorder aux disputes hydroélectriques en cours, on sait déjà que d'apporter la force ou même simplement la basse tension dans un village change radicalement l'activité de la communauté résidente. Reste à étudier une tarification progressive qui tienne compte de la vitesse (ou de la lenteur) d'enrichissement de chaque district électrique. On verra très vite les effets de la mécanisation sur l'irrigation, sur le traitement plus facile des récoltes, la possibilité de conserveries, sur l'artisanat de production, les services puis sur l'industrie. Les villes aussi et leur quartiers pauvres devront être servies. Mais il est un effet de levier plus puissant encore si la grille électrique prend dans ses mailles une grille ferroviaire. Les Etats africains sont capables de prendre en charge la rénovation voire l'extension de leurs réseaux ferrés, à charge pour nous de fournir le courant et les locomotives électriques adaptées.
Le premier avantage de ce programme de grille électrique, avant même de l'avoir réalisé, est la force du signal donné à tous les Africains : une bataille d'infrastructures pour un développement abouti va se concrétiser par une efficacité mesurable par chacun. On n’est plus dans le vent des inaugurations époustouflantes de ponts sans route, d’aérodromes sans avions, d’entrepôts vides. Les gens mesureront le progrès à l’installation de leur compteur individuel. Le deuxième avantage est de mobiliser les ressources BTP supplétives des entrepreneurs locaux voire à susciter la création d'entreprises faisant de la vraie valeur ajoutée. Le troisième avantage est la mobilisation générale de main d'œuvre par tout le continent car les centrales et leurs lignes, et les chemins de fer, convoquent beaucoup de bras vaillants et distribuent autant de salaires.
L'écueil de tout programme de cette envergure est de manger les crédits en bureaux d'études, souvent créés spontanément par les fils de ministres intègres, sinon par les agences nomenclaturées des banques de développement ; il suffit de lire le Journal officiel de l'Union européenne (JOUE) dans ses pages attributives de travaux pour voir le carnage financier. L'intérêt des grands groupes BTP est de pouvoir s'en prémunir, et l'abondement direct de la Banque Mondiale aux sièges des contractants bipasserait les tyranneaux africains voraces(4) et leurs réseaux de prédation.
Quel décideur politique d'envergure aurait une idée concrète pour l'Afrique ?
Celui qui a deux entreprises de BTP en tête du top-ten mondial ? Suivez mon regard. Peut-être alors celui qui en a trois ?
La Chine (encore !) reconquiert l'Ouest agité de l'empire du Milieu par un plan massif de développement de sept cent quatre-vingt milliards de yuans(5). Comment donc ? Par la superposition d'une grille électrique et d'une grille ferroviaire sur son piémont himalayen (Gansu, Guizhou, Hunan, Sichuan, Yunnan) et ses déserts nordiques (Xinjiang et Mongolie). Où les centrales hydrauliques ne seront pas possibles, ils construiront des centrales solaires et nucléaires. L'énergie est latente, la main d'œuvre est disponible, l'argent sera bien placé. En Afrique, c'est pareil, à la réserve près du commandement unifié !
Notes :
1. (note sur un acronyme non repris ici)
2. Yiwu est le plus grand supermarché de gros du monde dans la province chinoise du Zhejiang
3. Les grands du BTP mondial sont (classés par le chiffre d'affaires) : (1)Vinci (France), (2)Bouygues (France), (3)China Railway Group (RPC), (4)China Railway Construction Corp. (RPC), (5)Hochtief (RFA), (6)CCCC (China Communication Construction Company – RPC), (7)ACS (Actividades de Construcción y Servicios - Espagne), (8)Kajima (Japon), (9)Ferrovial (Espagne), (10)FCC (Fomento de Construcciones y Contratas - Espagne), (11)Acciona (Espagne), (12)Eiffage (France), (13)Skanska (Suède). On connaît aussi les texans Fluor et KBR (Kellogg Brown & Root) et le californien Bechtel, grands contractants en Irak.
4. Voir les motifs du remerciement de notre excellent ambassadeur Rufin à Dakar, viré par la Carrière pour avoir dénoncé (par messages codés !) la satrapie sénégalaise du vieux Wade. Les décodages ont fuité dans la presse, et la place fut libérée.
5. Communiqué de la NDRC (Commission Nationale de Développement et Réforme) pour le 12° Plan qui débute en 2011, repris par le Quotidien du Peuple du 6 juillet 2010. Contrevaleur à aujourd'hui : 80 milliards d'euros.
Postscriptum : l'article "La Fée bleue en Afrique" est le billet vedette de Royal-Artillerie depuis sa création. Il est consulté toutes les semaines depuis le 28/7/10 !
1. (note sur un acronyme non repris ici)
2. Yiwu est le plus grand supermarché de gros du monde dans la province chinoise du Zhejiang
3. Les grands du BTP mondial sont (classés par le chiffre d'affaires) : (1)Vinci (France), (2)Bouygues (France), (3)China Railway Group (RPC), (4)China Railway Construction Corp. (RPC), (5)Hochtief (RFA), (6)CCCC (China Communication Construction Company – RPC), (7)ACS (Actividades de Construcción y Servicios - Espagne), (8)Kajima (Japon), (9)Ferrovial (Espagne), (10)FCC (Fomento de Construcciones y Contratas - Espagne), (11)Acciona (Espagne), (12)Eiffage (France), (13)Skanska (Suède). On connaît aussi les texans Fluor et KBR (Kellogg Brown & Root) et le californien Bechtel, grands contractants en Irak.
4. Voir les motifs du remerciement de notre excellent ambassadeur Rufin à Dakar, viré par la Carrière pour avoir dénoncé (par messages codés !) la satrapie sénégalaise du vieux Wade. Les décodages ont fuité dans la presse, et la place fut libérée.
5. Communiqué de la NDRC (Commission Nationale de Développement et Réforme) pour le 12° Plan qui débute en 2011, repris par le Quotidien du Peuple du 6 juillet 2010. Contrevaleur à aujourd'hui : 80 milliards d'euros.
Postscriptum : l'article "La Fée bleue en Afrique" est le billet vedette de Royal-Artillerie depuis sa création. Il est consulté toutes les semaines depuis le 28/7/10 !
Traduisez ce texte en anglais svp, et envoyez-le à Mr. Andrew Evans, PennWell Power Group, Johannesburg, pour la conférence POWER-GEN AFRICA du 6 novembre 2012.
RépondreSupprimerJe vous passe mon nom et son adresse email par MP.
GR
Merci de votre invitation.
SupprimerNous allons remettre ce billet traduit à Mr Evans avec une présentation du blog.
Cordialement,
C.
Une version anglaise de ce billet (sans illustrations) est désormais disponible par le formulaire de contact.
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