lundi 16 juillet 2012

Ennahda du rêve à la réalité


De notre correspondant alangui à Djerba.
Le parti islamique tunisien vient d'achever son congrès fondateur de parti de gouvernement. La realpolitik a pris le dessus en cherchant à copier le modèle éprouvé de l'AKP turc. Peu préparés à gérer au sens plein, les cadres musulmans, s'ils sont intarissables sur la criminilisation des blasphèmes, peinent à saisir les rouages d'une administration moderne pour se cantoner jusqu'ici dans l'épuration. Qu'ils épurent la justice de Ben Ali n'est que justice, même si le cadi local ne va pas suppléer aux juges formés à la fac de droit. Pareil chez la police, bien que les vrais salopards se soient depuis longtemps réfugiés... en France. Il leur reste à écrire une constitution, ce qui leur fera une belle jambe, sous le hijab.

La question pénible que le congrès a esquivé reste ce p... de chômage qu'Allah n'a pas supprimé en nommant au palais Dar el Bey un croyant spécialiste de thermodynamique. Et pourtant, c'est bien l'absence de travail et la corruption notoire dans les procédures de recrutement qui ont ouvert les vannes de la révolution de jasmin dans la Tunisie profonde. Si les agents d'Ennahda ont parfaitement fait le job (comme l'AKP jadis en Anatolie) en expliquant que seul le parti religieux apporterait travail et morale au fin fond du pays, ils ont quitté leur zone d'effort dès que la victoire fut acquise, laissant les populations avec le soupçon métaphysique de se l'être fait mettre. Il n'y a pas plus de travail qu'avant, sinon moins quand les patrons ont fui.

L'AKP a sauvé sa conquête par la croissance à marche forcée, l'émigration des surnuméraires et une gestion avisée de ses adversaires. Mais ce sont des Turcs et le pays est grand. La Tunisie est une maquiladora, on y vient produire à bon compte depuis l'étranger, il n'y a pas de marché intérieur et les frontières économiques du Maghreb cassent toute perspective régionale, sauf en paroles lors de rencontre des "pays frères". Si la charia rampante ou évidente est de peu d'effet sur les usines, il n'en va pas de même pour le secteur tertiaire tourné vers l'étranger, et le tourisme d'abord qui fait 15% du PIB avec de l'argent frais. Même si le développment du pays n'est pas cantoné au tourisme - c'est tout de même un pays touristique de rêve - la Tunisie d'Ennadah ne pourra faire l'économie de cette "exportation statique" à des motifs idéologiques. Le gouvernement tiendra-t-il sa base partisane ? Parviendra-t-il à briser les groupes salafistes qui lui font une contre-publicité à l'extérieur ? Va-t-il à son tour encager ses opposants ? Rien n'est moins sûr.

Le dernier scrupule dans la chaussure est la question des femmes. Les femmes tunisiennes sont réputées pour leur entregent et leurs capacités à tous niveaux. D'ailleurs Ben Ali n'était-il pas gouverné par sa coiffeuse de femme ? La prévention pavlovienne du parti islamique à leur endroit pourrait bien priver le pays de compétences appliquées au bénéfice de compétences purement cérébrales dont il n'a jamais eu moins besoin.
Au vu des insuffisances qui se dessinent et mettent en péril autant la "réislamisation" que la rénovation économique, le paradoxe serait un monitoring de l'ambassade de Turquie à Tunis sur certains ministères, renouant par là avec la vieille Régence.


L'économique d'abord, la politique suivra !





1 commentaire:

  1. Le dit-président laïc Marzouki s'est rendu à l'Elysée et au Palais Bourbon sans cravate, reprenant le code vestimentaire des officiels iraniens, sans doute pour tromper son premier ministre Jebali, un islamiste pur et dur qui, lui, porte.... la cravate rouge.

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