Ce 14 juillet, le chef de l’Etat et des Armées a lancé son Livre Blanc sur la défense. Présidée par M. Guéhenno¹, de la Cour des Comptes, ancien chef du département de maintien de la paix de l’ONU et actuellement adjoint de Kofi Annan pour la Syrie, la commission convoquée devra préparer la loi de programmation militaire 2014-2019 qui sera soumise au parlement l'an prochain. Le ministre de la Défense Le Drian a déclaré la réflexion collective, y invitant "l'ensemble des Français". Nous le prenons au mot, et notons pour n'y pas revenir qu'il n'est pas en charge de l'affaire, une façon comme une autre de signaler que le domaine est réservé à l'Elysée ! M. Hollande est lieutenant-colonel de réserve de l'arme du génie et c'est un progrès par rapport à son prédécesseur qui en guise de service militaire se limita à faire le bidasse au Quartier Balard, pas trop loin de chez sa maman. Même Gainsbourg avait fait plus ! Le raisonnement du président actuel est déjà bien dégrossi sur les questions militaires. Les similitudes avec la présidence Chirac se multiplient. On verra bien.
Les enjeux défense ont été cernés. En bref :
"Cohérence à rétablir entre les missions, le format et les équipements des armées, préservant aussi, dans la durée, la disponibilité des matériels et l'entraînement et l'activité des forces. Priorité à accorder aux capacités qui assurent à notre pays une liberté d'appréciation, de décision, et d'action, en particulier dans des domaines-clés tels que le renseignement et les capacités d'action spécialisées. Politique industrielle et de recherche pour assurer le maintien des compétences scientifiques, technologiques indispensables à l'autonomie stratégique et à notre souveraineté, dans le cadre national, mais aussi, autant que possible, européen. Recrutement, formation et gestion des ressources humaines nécessaires à la défense et à la sécurité nationale, comme au respect des droits des personnels". On ne pouvait faire plus vague et consensuel. On cache sous ce verbiage trois questions cruciales : la dissuasion nucléaire, l'intégration OTAN et le prix accepté pour être défendu.
L'opposition qui sort d'un Livre blanc qu'elle n'a pu mener à terme, si tant est qu'elle l'ait réussi - ce dont doute la Cour des Comptes en évaluant le prix de la piste aux étoiles - va se cabrer, c'est presque sûr. La France doit tenir son rang et lustrer son pouvoir de nuisance dans une posture de baudruche grandiose héritée des années de songe-creux de la politique étrangère gaulliste. Or la France impécunieuse d'aujourd'hui n'est pas convoquée par l'histoire ; elle a des intérêts vitaux, c'est tout et beaucoup pour elle. Quels sont-ils en vrai ?
Zone d'intérêts
Une analyse point par point lasserait. Si l'on tient compte des forces alliées déjà projetées, on voit que la France réunit sept des huit paramètres ci-dessus dans une tranche de longitude de 30 degrés seulement, du 15°W au 15°E. Cette zone inclut le bassin occidental de la Méditerranée, l'Atlantique-est et sud-est, la moitié du continent africain ; et on peut déjà dire qu'en dehors de ce quartier d'orange "nous nous aventurons". Si l'on prend en compte le huitième paramètre, l'outremer, il saute aux yeux que l'intuition "marine" était la bonne et que nous devons mettre le paquet sur la composante royale de nos forces armées, pour revenir peut-être à l'équilibre obtenu par la III° République entre les différentes armes.
Les conflits où fut appelée la France durant ces vingt dernières années sont des conflits sur l'eau, sauf le Tchad et l'Afghanistan qui ne sont pas des pays mouillés. Liban, Bosnie, Côte d'Ivoire, Somaliland, Libye sont des théâtres d'opérations pour l'aéronavale. Retour à la diplomatie de la canonnière puisqu'il le faut bien.
On rappelle que par ses possessions ultramarines la France dispose de la seconde plus grande ZEE (zone économique exclusive) du monde avec 11035000 km², derrière celle des États-Unis (11351000 km²) et devant celle de l'Australie (10648250 km²). Il viendra un jour où nous devrons la défendre, même contre des amis bien intentionnés, je pense à l'Australie (Nlle Calédonie et Loyautés) et au Brésil (Guyane), sans parler de nos terres australes trop poissonneuses dans un monde en quête de nourriture.
Sûreté de la métropole
Elle est servie aujourd'hui par une force de réaction atomique et par la guerre en coalition intégrée. On peut longtemps philosopher sur la souveraineté gagée sur l'une et dégagée par l'autre, il n'empêche que ce dispositif est le plus sûr que nous ayons eu de longtemps. La béance du nord-est nous oblige à une force continentale de choc blindé suffisamment résiliente pour tester les mauvaises intentions d'un agresseur qui aurait écrasé l'Allemagne, avant de délivrer le feu d'enfer. Pourquoi chercher une alternative à l'OTAN qui fonctionne bien, dans une défense européenne que personne ne veut sincèrement autour de nous. La Grande-Bretagne n'y tient pas sauf à créer un meilleur marché de l'armement pour ses arsenaux, l'Allemagne dans une posture évangélique ne vise pas autre chose - elle se défend d'ailleurs très bien avec ses Léopard-II exportés mondialement -, aucun pays de l'Est ne veut d'Eurodéfense et n'y croit pas une seconde, les Scandinaves sont mentalement neutres tant que la Baltique reste calme, l'Espagne et l'Italie qui ont bien percé sur le marché aéronautique aimeraient poursuivre mais sont fauchées et se contentent de retombées économiques. Reste la France qui se voit une vocation de "chef", mais de qui et à quel prix ? Le boss est toujours celui qui paie et met la masse au pot. En ce qui nous concerne, c'est fini pour trente ans. Next point !
En alliance
Nous avons retrouvé le bon niveau de préparation OTAN. Après quelques mois de réglage pour notre réintégration, nous avons rempli le job afghan à la satisfaction de tous, en remontant même dans l'estime de nos contempteurs. Nous garderons le commandement ACT-OTAN de Norfolk (Allied Command Transformation) où nous serons aux premières loges pour anticiper des évolutions atlantiques futures et les influencer.
Que demande le peuple à la fin ? La paix, à n'importe quel prix. Nous contribuons pour 11,6% au budget militaire OTAN, intégrés ou pas, et c'est relativement bon marché pour faire peur aux autres. Seuls, nous ne faisons plus peur.
Terrorisme et plus
Impossible de passer sous silence la question de l'islam radical qui est un défi typé "défense" désormais en sus de sa cotation "police". Les développements à suivre au Sahara dans lesquels nous nous impliquerons fatalement seront là pour le prouver. Dans notre quartier d'orange nous devons être capables d'intervenir en soutien d'opérations locales d'éradication en apportant logistique et renseignement, voire en excisant le furoncle nous-mêmes. D'où l'importance de capacités de projection autonomes et d'alliances de confiance, ce qui n'est pas encore le cas, mais reconnaissons à M. Fabius la volonté d'y travailler sérieusement. Son récent voyage en Algérie était centré sur la collaboration militaire.
Question finances...
le budget français de la défense est améliorable en efficacité dans ses systèmes d'administration. Hormis la pléthore d'officiers supérieurs et généraux qu'il faudra bien se résoudre à affronter un jour, il n'y a pas de gisement d'économies substantielles² et les mauvais choix budgétaires et techniques³ d'hier ne sont pas réparables à court terme. L'exercice programmatique sera donc difficile pour la commission Guéhenno, d'autant qu'il reste toujours 50 millions de dollars à trouver en France d'ici à la Noël 2013 et aucun ministère n'est volontaire pour suicider ses effectifs ! Le travail du Livre blanc, de la meilleure qualité qu'il soit, risque de finir sous la hache d'un eunuque épilé de Bercy, incapable d'épeler "fusil".
Les enjeux défense ont été cernés. En bref :
"Cohérence à rétablir entre les missions, le format et les équipements des armées, préservant aussi, dans la durée, la disponibilité des matériels et l'entraînement et l'activité des forces. Priorité à accorder aux capacités qui assurent à notre pays une liberté d'appréciation, de décision, et d'action, en particulier dans des domaines-clés tels que le renseignement et les capacités d'action spécialisées. Politique industrielle et de recherche pour assurer le maintien des compétences scientifiques, technologiques indispensables à l'autonomie stratégique et à notre souveraineté, dans le cadre national, mais aussi, autant que possible, européen. Recrutement, formation et gestion des ressources humaines nécessaires à la défense et à la sécurité nationale, comme au respect des droits des personnels". On ne pouvait faire plus vague et consensuel. On cache sous ce verbiage trois questions cruciales : la dissuasion nucléaire, l'intégration OTAN et le prix accepté pour être défendu.
L'opposition qui sort d'un Livre blanc qu'elle n'a pu mener à terme, si tant est qu'elle l'ait réussi - ce dont doute la Cour des Comptes en évaluant le prix de la piste aux étoiles - va se cabrer, c'est presque sûr. La France doit tenir son rang et lustrer son pouvoir de nuisance dans une posture de baudruche grandiose héritée des années de songe-creux de la politique étrangère gaulliste. Or la France impécunieuse d'aujourd'hui n'est pas convoquée par l'histoire ; elle a des intérêts vitaux, c'est tout et beaucoup pour elle. Quels sont-ils en vrai ?
- sûreté de ses approvisionnements énergétiquesElle a des contraintes ou avantages géopolitiques indépassables :
- sûreté du territoire métropolitain
- sûreté/pacification des marches
- défense des possessions ultramarines
- la béance historique des frontières du nord-est
- l'accès direct à quatre mers
- la pression migratoire de populations relevant d'un schéma culturel hostile
- une notoriété mondiale dans l'industrie de l'armement (trop) sophistiqué ;
sans oublier la Légion étrangère !
Zone d'intérêts
Une analyse point par point lasserait. Si l'on tient compte des forces alliées déjà projetées, on voit que la France réunit sept des huit paramètres ci-dessus dans une tranche de longitude de 30 degrés seulement, du 15°W au 15°E. Cette zone inclut le bassin occidental de la Méditerranée, l'Atlantique-est et sud-est, la moitié du continent africain ; et on peut déjà dire qu'en dehors de ce quartier d'orange "nous nous aventurons". Si l'on prend en compte le huitième paramètre, l'outremer, il saute aux yeux que l'intuition "marine" était la bonne et que nous devons mettre le paquet sur la composante royale de nos forces armées, pour revenir peut-être à l'équilibre obtenu par la III° République entre les différentes armes.
Les conflits où fut appelée la France durant ces vingt dernières années sont des conflits sur l'eau, sauf le Tchad et l'Afghanistan qui ne sont pas des pays mouillés. Liban, Bosnie, Côte d'Ivoire, Somaliland, Libye sont des théâtres d'opérations pour l'aéronavale. Retour à la diplomatie de la canonnière puisqu'il le faut bien.
On rappelle que par ses possessions ultramarines la France dispose de la seconde plus grande ZEE (zone économique exclusive) du monde avec 11035000 km², derrière celle des États-Unis (11351000 km²) et devant celle de l'Australie (10648250 km²). Il viendra un jour où nous devrons la défendre, même contre des amis bien intentionnés, je pense à l'Australie (Nlle Calédonie et Loyautés) et au Brésil (Guyane), sans parler de nos terres australes trop poissonneuses dans un monde en quête de nourriture.
En résumé, le piéton du roi mettrait le paquet sur l'escadre
Sûreté de la métropole
Elle est servie aujourd'hui par une force de réaction atomique et par la guerre en coalition intégrée. On peut longtemps philosopher sur la souveraineté gagée sur l'une et dégagée par l'autre, il n'empêche que ce dispositif est le plus sûr que nous ayons eu de longtemps. La béance du nord-est nous oblige à une force continentale de choc blindé suffisamment résiliente pour tester les mauvaises intentions d'un agresseur qui aurait écrasé l'Allemagne, avant de délivrer le feu d'enfer. Pourquoi chercher une alternative à l'OTAN qui fonctionne bien, dans une défense européenne que personne ne veut sincèrement autour de nous. La Grande-Bretagne n'y tient pas sauf à créer un meilleur marché de l'armement pour ses arsenaux, l'Allemagne dans une posture évangélique ne vise pas autre chose - elle se défend d'ailleurs très bien avec ses Léopard-II exportés mondialement -, aucun pays de l'Est ne veut d'Eurodéfense et n'y croit pas une seconde, les Scandinaves sont mentalement neutres tant que la Baltique reste calme, l'Espagne et l'Italie qui ont bien percé sur le marché aéronautique aimeraient poursuivre mais sont fauchées et se contentent de retombées économiques. Reste la France qui se voit une vocation de "chef", mais de qui et à quel prix ? Le boss est toujours celui qui paie et met la masse au pot. En ce qui nous concerne, c'est fini pour trente ans. Next point !
En alliance
Nous avons retrouvé le bon niveau de préparation OTAN. Après quelques mois de réglage pour notre réintégration, nous avons rempli le job afghan à la satisfaction de tous, en remontant même dans l'estime de nos contempteurs. Nous garderons le commandement ACT-OTAN de Norfolk (Allied Command Transformation) où nous serons aux premières loges pour anticiper des évolutions atlantiques futures et les influencer.
Que demande le peuple à la fin ? La paix, à n'importe quel prix. Nous contribuons pour 11,6% au budget militaire OTAN, intégrés ou pas, et c'est relativement bon marché pour faire peur aux autres. Seuls, nous ne faisons plus peur.
Terrorisme et plus
Impossible de passer sous silence la question de l'islam radical qui est un défi typé "défense" désormais en sus de sa cotation "police". Les développements à suivre au Sahara dans lesquels nous nous impliquerons fatalement seront là pour le prouver. Dans notre quartier d'orange nous devons être capables d'intervenir en soutien d'opérations locales d'éradication en apportant logistique et renseignement, voire en excisant le furoncle nous-mêmes. D'où l'importance de capacités de projection autonomes et d'alliances de confiance, ce qui n'est pas encore le cas, mais reconnaissons à M. Fabius la volonté d'y travailler sérieusement. Son récent voyage en Algérie était centré sur la collaboration militaire.
Question finances...
le budget français de la défense est améliorable en efficacité dans ses systèmes d'administration. Hormis la pléthore d'officiers supérieurs et généraux qu'il faudra bien se résoudre à affronter un jour, il n'y a pas de gisement d'économies substantielles² et les mauvais choix budgétaires et techniques³ d'hier ne sont pas réparables à court terme. L'exercice programmatique sera donc difficile pour la commission Guéhenno, d'autant qu'il reste toujours 50 millions de dollars à trouver en France d'ici à la Noël 2013 et aucun ministère n'est volontaire pour suicider ses effectifs ! Le travail du Livre blanc, de la meilleure qualité qu'il soit, risque de finir sous la hache d'un eunuque épilé de Bercy, incapable d'épeler "fusil".
(1) M. Jean-Marie Guéhenno est un technocrate stérile et prolixe à la fois, de l'écurie Jobert, garé à l'ONU, à qui l'on ne pourra que demander de présider les débats; la commission comptera 40 membres, dont un allemand et un anglais.
(2) On discutera à l'envi de la pertinence stratégique des bases de Djibouti et d'Abou Dhabi comme de l'accord de secours automatique passé avec les Emirats.
(3) La sophistication de nos armes poussée au maximum par la vanité des ingénieurs de l'armement brime leur commercialisation et leur disponibilté d'emploi. Le Leclerc comme le Rafale semblent invendables sauf à perte, et le CDG est abonné aux quais de Toulon.
(2) On discutera à l'envi de la pertinence stratégique des bases de Djibouti et d'Abou Dhabi comme de l'accord de secours automatique passé avec les Emirats.
(3) La sophistication de nos armes poussée au maximum par la vanité des ingénieurs de l'armement brime leur commercialisation et leur disponibilté d'emploi. Le Leclerc comme le Rafale semblent invendables sauf à perte, et le CDG est abonné aux quais de Toulon.
la commission en voie de constitution ne suffisant déjà pas, Hubert Védrine a été chargé par le chef des armées d'évaluer le retour de la France au commandement intégré OTAN.
RépondreSupprimerLa production de commissions et commissaires tourne à plein tube.