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Ayrault Zéro

Le zéro pensant
Mercredi, questions d'actualités au palais Bourbon. La France d'en-bas (c'est moi) entre à la Chambre par le truchement de la télévision. Question au premier ministre d'une députée de Moselle, Anne Grommerch, sur l'accord Matignon-ArcelorMittal de Florange ; rien d'extraordinaire, les questions que tout le monde se pose. Avant de continuer, précisons que cette procédure est encadrée par un règlement pointilleux ayant survécu à la sanction du ridicule ici : le temps global consacré à chaque question est de 4 minutes. Des chronomètres ont été installés dans l’hémicycle, afin que chacun puisse vérifier que ce temps de présentation de la question de 2 minutes et celui identique de la réponse ministérielle soit respecté (sic). M. Ayrault a longuement remercié monsieur le Président, mesdames et messieurs les députés, madame la députée du nouveau groupe R-UMP qui lui avait communiqué le texte de cette question avant séance par pure courtoisie ce dont il remerciait son président de groupe de lui poser la question de savoir pourquoi elle avait été informé par un grand journal du soir de la teneur des dits-accords pour la simple raison qu'il avait tenu à respecter les parties prenantes et devant recevoir les syndicats aujourd'hui même et les élus régionaux demain matin et chacun comprenait qu'il n'ait pas divulgué auparavant ces informations et caetera.
En vieux routard de l'hémicycle progressant en crabe, il a atteint la cloche des deux minutes, cloche tenue au perchoir par l'inénarrable imbécile heureux Bartolone, sans même commencer à répondre à aucune des questions posées. Questions bénignes à mon sens, j'aurais été plus "franc".
Que fait ce type à Matignon, fut ma réaction. On ne peut demander la lune et le charisme, la compétence, l'intelligence, l'empathie, le courage ou l'élégance oratoire au chef du gouvernement, mais au moins l'une ! Ayrault, à l'aune de cette liste, n'a rien ; c'est un zéro. Ses cours d'allemand devaient être un désastre d'ennui. Maire de Nantes il fut, dit-on. Autoritaire en plus, laissent filtrer ses "amis" de là-bas, c'était déjà franchir le seuil d'incompétence au principe de Peters. La lamentable affaire de ND des Landes dont les comptes ont été déjà trafiqués en est le point d'orgue. Les cadres d'ArcelorMittal qui sont venus négocier à Matignon se sont pincés pour ne pas rire quand ils ont dû s'expliquer sur le trading de quota de CO² ou le marché de la bobine mince... et à la fin tout rapporter au patron : "c'était facile, chef !".

le poker-sidérurgiste
Mittal père et fils ne voulaient pas conserver la filière chaude de Florange pour de bonnes raisons géographiques et conjoncturelles. ArcelorMittal ne dispose pas de cash pour investir dans de nouveaux procédés, et la famille ne semble pas vouloir en remettre en Europe occidentale du moins. Ils font de l'optimisation et jonglent avec les charges d'exploitation entre tous les sites européens, les subventions, quotas, crédits d'impôt, abattements divers ; ils n'ont pas les moyens d'une stratégie, surtout avec une notation "spéculative" des agences qui jugent que c'est un casino. Les Mittal¹ en bons gamblers de table sortent du tunnel politique français inentamés. Les hauts fourneaux seront éteints l'un après l'autre et la filière refroidie cédée plus tard à l'Etat dans un projet fumant de fonte verte abandonné déjà par Bruxelles. D'ici là, ArcelorMittal doit "absorber" 629 ouvriers de la filière condamnée. C'est un job pour une direction des ressources humaines affûtée, et Dieu sait qu'elle l'est. Reste la vraie question, celle de Montebourg malgré tout : l'industrialisation.

Si nous laissons fonctionner la liberté des plus forts, nous sommes en accord avec le dogme libéral défendu par la Commission européenne, mais nous allons continuer à perdre notre industrie, un peu par la mondialisation, beaucoup par la politique imbécile des gouvernements qui se sont succédé depuis 1997 et qui ont négligé le secondaire au profit du tertiaire, proclamé graal du XXI° siècle. Notre tertiaire n'a d'ailleurs pas démérité, nous avons conquis de fortes positions mondiales dans la bancassurance, mais il est aujourd'hui évident que c'est le secondaire qui fournit l'emploi de masse ; à condition bien sûr que les activités roulent librement, les nouvelles remplaçant les anciennes comme les feuilles caduques de l'arbre. C'est là que les gouvernements sont coupables : les créations ont toujours été entravées par des règles absconses et inéconomiques, parfois avec les meilleures intentions du monde, parfois à défaut de capitalistes "souchiens" dont nous avons très peu vraiment. Le MEDEF est en plus présidé par un riche marchand de vent, échappée de SciencesPo, qui n'a rien à faire là !


Alexeï Mordachov
Ce gouvernement d'idéologues dépassés ne peut à la fois réindustrialiser le pays et punir le succès de ceux qui s'y collent. Il faut être très bloqué mentalement pour articuler cette contradiction ; mais ils le sont par moment ! Au-delà de la dialectique socialiste archaïque, on peut quand même accepter que la ré-industrialisation comporte un volet conservatoire de ce qui existe déjà. Elémentaire, mon cher Watson. Les syndicats, conservateurs par nature, sont aussi sur cette ligne de défense. Pourquoi dès lors ne pas avoir tenté le coup d'accordéon de Montebourg qui reprenait de force tout le site de Florange pour le donner le lendemain au consortium CMI-Severstal, prêt à mettre un demi-milliard de cash sur la table pour rénover l'outil et partir à la guerre... à la seule réserve de la réalité constatée d'un pacte entre le belge et le russe (soyons prudent) ? Tant Alexeï Mordachov que Bernard Serin ne sont des miquets à vendre des cravates dans un parapluie devant les Galeries Lafayette comme Bernard Tapie. Ce sont de vrais industriels, de la partie, qui n'ont pas fait l'ENA, capables et... bénéficiaires même en période de crise, donc compétents.

Bernard Serin
A les voir venir - Severstal avait joué le chevalier blanc lors de l'OPA hostile sur Arcelor en 2006 - on comprend bien que les Mittal aient contre-attaqué immédiatement en menaçant l'emploi des autres sites sidérurgiques français pris comme gage dans la dispute ; mais sans être prétentieux (si quand même mais tant pis), on pouvait leur passer sur le ventre dans la phase de basse conjoncture actuelle, avec un mauvais bilan de la holding, et compte-tenu que les aciéries n'entrent pas dans une attaché-case, comme le racontent certains "experts" qui défilent dans les lucarnes. Pour ce faire, il fallait travailler au Projet avant ! Avant ? quand M. Hollande, juché sur le fourgon de l'intersyndicale à Florange, promettait l'embellie. La construction de ce Projet dépasse de beaucoup les capacités techniques du couple Hollande-Ayrault, simples apparatchiks n'ayant jamais bossé en vrai, ni misé leur bon argent dans une aventure industrielle ou commerciale. Des rentiers de la République.
On en revient au syndrome du puceau économique, terrible handicap de la France au milieu d'une crise avant tout économique et financière, deux domaines où ces messieurs qui nous gouvernement sont vraiment de mauvais étudiants.
En pleine dépression, nous avons mis aux affaires le chef-magazinier de la Quincaillerie Duluc à Tulle, excellente maison rue du Docteur Valette pour les connaisseurs.
Nous allons le payer cher.



(1) Lakshmi Mittal (le père) n'est pas un sidérurgiste indien comme le répètent des journalistes sous-informés, dont Yvan Rioufol. MM. Mittal n'ont aucune activité en Inde où les lois sociales et industrielles sont trop contraignantes pour eux. Indiens de naissance, cosmopolites de nature et londoniens par commodité.


Postscriptum de 14h30:
Le sous-préfet hors-cadre de Thionville va donc être le gendarme en charge d'Arcelor-Mittal. Pétaing, je tremble ! A moins d'en avoir une paire à sortir la brouette pour aller chercher le pain, il va se faire bouffer cru. Le cabinet de M. Ayrault aurait dû recruter un ingénieur d'affaires ayant usé sa vie professionnelle à faire des contrats en Inde, avec qui il aurait pu comprendre comment la famille Mittal allait les enkroumer.
Un Marwari du Rajasthan c'est plus subtil qu'un breton. Pour ne pas saisir le bâton merdeux de l'ULCOS ? retirer immédiatement sa soumission à Bruxelles, quasiment acceptée puisque la Commission avait mis le dossier en tête de pile et sécurisé les crédits.
Remonter un projet technologique complexe qui prendra du temps pour la tranche qui sera jugée en 2013, supputant un gel drastique des crédits sous l'impulsion des britanniques et leurs suiveurs. Revenir à la Noël 2013, désolés, mais ravis ! On a fait plus que l'impossible !
Entretemps, toute la panoplie des contretemps va être utilisée par les négociateurs réputés les plus retors au monde, du grand art ! Il va se passer chaque jour quelque chose aux Galeries Mittal ! Pauvre monsieur Ayrault, il ne pouvait pas savoir que ces salopards n'obéissent pas aux 35 heures.


PPS: on consultera avec profit le Rapport officiel de Pascal Faure sur Florange, remis au ministre Montebourg le 27 juillet 2012 (rapport Faure). Il démontrait la viabilité du site sidérurgique intégré et pressait le gouvernement d'agir vite, ce qui était beaucoup lui demander avec le mariage pour tous, le vote étranger, les repentances et vingt urgences de ce calibre.




On dit le fils plus fort que le père !



Commentaires

  1. L'économiste de Charlie-Hebdo et Paris-VIII, Bernard Maris, dit Lippe-Molle, a déclaré chez Lechypre (BFMBusiness) que Florange était condamné car le minerai lorrain était de mauvaise qualité. Cet expert payé au mois ignore que la minette de Lorraine est épuisée depuis longtemps. La dernière mine a fermé en 1997.
    Florange est approvisionné depuis la Mer du nord certes, mais toute aciérie a des coûts de transport soit en amont depuis ses ressources, soit en aval vers ses clients.
    Il y a des claques qui se perdent.

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    1. J'avais vu ça aussi. Il n'y connaît rien et rabâchait un article du Figaro de cet été, qui remontait au PDG d'Arcelor de jadis, Guy Dollé.
      Je ne sais pas pourquoi on invite ce type sur BFMBizness. Parce qu'il ne fait pas d'ombre à Lechypre ?
      Lippe-Molle, bien vu, tout à fait ça.

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  2. Pour moi, Ayrault et Hollande ont eu peur d'aller au clash avec l'équipe de managers d'ArcelorMittal. Ils sont des "guerriers" d'Assemblée nationale, ça s'arrête là. Hors du Palais Bourbon ou des plateaux télé, ils sont moins agressifs. Les syndicalistes ont ce ressenti.
    Terral

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