mardi 31 décembre 2013

Le doute républicain

Ce texte a été publié par le site de La Faute à Rousseau, la veille de Noël. Il fait suite à un signalement du Lien légitimiste, grand fureteur internautique devant l'Éternel. Il entre en archives Royal-Artillerie, avec la photo de notre interlocuteur, pour nous servir de billet de la Saint-Sylvestre.

Sur le site de Riposte laïque, un des responsables de l'association Résistance républicaine¹, du nom très offensif de Philarcheïn, poursuivi par le MRAP pour hétérodoxie, commence à allumer la lampe du doute. Républicain sincère - il faut l'être pour cotiser - il se croyait en 1789 et se réveille en 1793. Ce n'est plus le même tabac à priser, on l'a coupé de piment rouge. Le jacobinisme fait rage et l'ennemi n'est plus à la frontière mais carrément dans les caves du régime ! Si la terreur ne saigne pas le corps de ses contempteurs elle en saigne les comptes, et à coup d'assignations avance inexorablement comme le désert chanté jadis par France Gall. Il y a de quoi s'insurger, vous savez "celle qui vient" comme ils disent à Tarnac.

M. Philarcheïn se tâte :« A choisir entre une République immonde, comme celle d’aujourd’hui, où la terreur exercée contre le peuple est cogérée par la racaille et par l’État, et une monarchie absolue où la police ferait enfin son boulot, où la justice ne servirait qu’à coffrer de vrais méchants, je serais prêt à faire mes bagages pour rejoindre cette monarchie absolue ! »
Et je lève le doigt. Ne partez pas, monsieur Philarcheïn - il envisage l'Espagne - faisons-la donc ensemble ici. Vous cherchez la liberté en monarchie, vous ne pouviez pas mieux tomber. C'est fait pour !

La liberté ne foisonne que dans un écosystème bien réglé où le bien commun prime pulsions et caprices et bride le malin, et d'expérience, le meilleur système social n'est-il pas celui où les cadres fondamentaux sont préservés de la dispute partisane, des ligues et des clans ? Arrachons la police et la justice au jeu des dépouilles post-électorales et stabilisons-les en les mettant hors de portée des vibrations de l'alternance politique ; comme on a su le faire mais pas complètement de notre diplomatie et de notre défense. Quand nous serons redevenus sérieux, peut-être même reprendrons-nous la main d'une façon ou d'une autre sur notre monnaie. Police, justice, diplomatie, guerre et monnaie sont les pouvoirs "régaliens".

Et puis il y a tout le reste. Les rapports sociaux, la défense des intérêts catégoriels, les contraintes des métiers, les espérances des créateurs, la paresse des rentiers, la vie des familles, les problèmes de conscience de chacun, la foi, la douce anarchie des libre-penseurs, la dure besogne aussi, que l'on convoque au jour-dit pour décider ensemble du cadre spécifique à un projet, un défi, une nécessité, une prévision : c'est la démocratie. Plus bas est l'étage de débat, meilleur est le procédé. Il en fut ainsi pendant tout l'Ancien régime où l'on votait bien plus souvent qu'on ne vous l'a dit.

Pourquoi, dans cette sphère publique, qui n'est pas du tout subordonnée à la sphère régalienne mais sa soeur équipotentielle, ne serait-il possible d'essayer la démocratie directe à la suisse. Ce n'est pas notre tempérament, disent nos représentants aux Chambres haute et basse, mais on peut essayer de faire un peu de pédagogie pour former le caractère des jeunes générations à l'intelligence d'une certaine autonomie. En général, ça plaît.

Alors, ce que je vous propose, monsieur Philarcheïn, c'est de marcher de conserve vers un régime nouveau où nous laisserons une famille royale préparée à sa charge passer des nuits blanches en ses conseils pour nous garantir la paix civile essentielle, tandis que nous débattrons, nous, de tavernes en tavernes sur les mesures absolument indispensables que réclament le travail, l'industrie, nos exportations, l'investissement, les routes et canaux, le trottoir des péripatéticiennes et dix mille choses passionnantes que nous porterons ensuite au choix de nos concitoyens dans notre sphère d'intérêts communs par la "votation".
Chiche ?

(1) Signalé par M. de Villèle dans le Lien légitimiste n°54


dimanche 10 novembre 2013

Le 75 Mle 1897 comme promis


Je romps le silence et rouvre le blogue pour une contribution de Royal-Artillerie à la commémoration de l'Armistice, ce que nous fîmes chaque année¹. Il n'est pas sûr que le blogue soit encore en ligne dans cinq ans pour le centenaire. Les contributions s'amassent partout dans le mouvement d'accaparement lancé par le pouvoir actuel pour masquer son incurie crasse dans les domaines économique et social. Nous avions promis l'an dernier le canon de 75 qui, dans la collection, fait le pendant du char Renault. Le voici donc sur Royal-Artillerie (normal !)



Le propre d'une arme de guerre étant de la finir, le canon de 75 Mle 1897, comme le char Renault FT1917, a conquis ses lauriers sur sa résilience aux pires conditions de combat avec maintien de ses capacités de suprématie. L'un et l'autre mettent en valeur le haut niveau technologique de l'industrie française de la Belle Epoque, un souvenir. Des armes légères ont elles-aussi convaincu leurs utilisateurs dont le fusil à répétition français MAS36 et le fusil automatique Kalashnikov AK47 russe. Nous verrons dans ce billet, successivement l'avantage technique apporté par ce canon et l'avantage tactique.

La technique du 75

On comprend bien que, le canon d'artillerie étant une arme de destruction à longue portée, le rapport capacité de choc/manoeuvrabilité est le paramètre primordial d'un canon dit de campagne, donc mobile. La contrainte de taille et de poids est donc forte ; il faut investir beaucoup d'intelligence pour y donner aussi la puissance. La destruction visée devant être opérée dans un carré précis, il importe que la mise à feu et la détonation de la cartouche n'altère pas les données de pointage, ou le moins possible, car il en va du réglage du coup suivant et in fine de la cadence de tir, et donc de la masse destructrice expédiée à destination dans le délai imparti.

Cette conservation des éléments de pointage est apportée par l'amortisseur de recul (et un peu par le frein de bouche mais c'est une autre histoire, le 75 d'origine n'en eut pas). Plus la loi de recul est longue, meilleur est l'amortissement. Ce recul long était le vrai défi. Deux ingénieurs français de l'armement, Deport et Sainte-Claire Deville, le relevèrent avec succès aux Ateliers de Puteaux en 1895.
Il s'agit d'actionner par le recul du fût un cylindre-piston hydraulique parallèle disposé en dessous, qui comprimant l'air d'un tube esclave fait frein progressif et renvoie l'énergie comprimée au fût qui reprend sa place. Ce principe est très répandu aujourd'hui dans les amortisseurs automobiles. Rosalie Lebel qui a tous les croquis, nous offre une description synthétique du principe :
« Un piston, lié au canon, coulisse dans un réservoir cylindrique rempli d'huile oléonaphte. Ce réservoir communique avec un autre réservoir cylindrique dans lequel de l'huile et de l'air sous pression sont séparés par un piston libre. Au départ du coup le canon recule entraînant le piston, l'huile est refoulée au travers d'un petit orifice, ce qui freine l'ensemble. Dans le cylindre inférieur l'huile comprime aussi l'air, dont la détente à la fin du coup va repousser le canon à sa position initiale, et qui participe aussi au freinage ». Et elle nous offre aussi le schéma :


On comprend donc que plus le cylindre est long, moins brutal est l'encaissement du choc de départ du coup par l'affût immobilisé au sol. Les canons de l'empire reculaient sur leurs roues déréglant le pointage, le canon Deport à recul élastique permet de tirer sur un affût soudé au sol par des freins de roues à abattage et une bêche de timon. Le rechargement en culasse par cartouche prête à l'emploi permet de tirer 12 coups par minutes (20 cpm théoriques), ce qui est considérable pour l'époque. On arrive à la tactique, mais signalons avant cela que notre qualité de fabrication de l'époque permettait de tirer 15000 coups avant de réformer le tube !

Courtoisie L&F Funcken Ed.Casterman


La tactique du 75

Outre son "immobilité" d'axe, le canon Deport dispose d'un dispositif de pointage en site et hausse très précis qui dispense d'une visée à vue directe, celle-ci restant possible. Le tir peut donc être réglé par un observateur déporté ou avancé qui, lui, voit l'impact et communique ses corrections. A la limite, le canon peut tirer de n'importe où pourvu qu'il y accède avec son caisson à munitions.



La batterie de 75, hippomobile au départ, est formée de deux voitures.
Une voiture-canon (avec 24 coups - photo ci-dessus) et une voiture-caisson de 96 coups, dont les trains-avant reprennent le vieux principe de dissociation des trains de Gribeauval ; ils sont détachables pour la mise en batterie mais le train-avant reste attelé pour sortir de batterie sans retard. Ils mobilisent douze chevaux (2x6) pour s'affranchir des mauvais chemins, mais peuvent se déplacer avec huit seulement sur route carrossable. Pendant la guerre, on les tractera derrière des camions ou dans des bennes.

On voit donc qu'une batterie réglementaire à quatre pièces de 75 Mle 1897 dispose d'une puissance de 480 coups livrables à 8 kilomètres à la cadence de 50 coups/minute, ce qui justifie amplement la définition de canon à "tir rapide". La mise en batterie prend une minute, le pointage autant. Le canon rapide de 75 Mle 1897 est aussi une batterie rapide.
Le premier engagement de ce canon fut réalisé par le corps expéditionnaire français en Chine lors de la révolte des Boxers. On en vendra à tout le monde, sauf à la Prusse (?!) mais le III° Reich en prendra beaucoup en 1940 qu'il redéploiera en Russie et sur le mur de l'Atlantique.

Courtoisie Rosalie Lebel


Les liens utiles sont en bas de page. Nous ne pouvons terminer sans rendre un hommage appuyé aux millions de soldats tués, cassés, gazés, mutilés et aussi rescapés de la Grande Boucherie. D'aucun bord qu'ils furent, ils y allèrent de "bon cœur" au début du moins, prouvant en cela un attachement sincère à leurs valeurs, coutumes et terroirs ; et pour certains venus des antipodes, une indéfectible fidélité à leur serment. Puis vint vite le terrible éclaircissement des rangs et l'enthousiasme mécanique le céda à la peur au ventre, les bourdonnements d'oreille, le cœur au bord des lèvres ; mais toujours vaillants, ils sortirent de la tranchée, à l'assaut d'une tranchée d'en face pareille à la leur, jour après jour, dans la boue et la pourriture, la glace ou la sueur, au milieu des cris, des pleurs, des vociférations, sous le fusant de l'obus coup parti.
Profond respect.

Il y eut aussi l'arrière qui tint bon. Honneur aux femmes de France.

L'an prochain, si nous faisons un billet le 4 août 2014, nous chercherons à comprendre le ralliement de Charles Maurras à l'Union sacrée, et nous briserons là.



(1) Billets du 11-novembre antérieurs :
2012 - Le char Renault FT1917
2011 - Onze au cube
2010 - Nous nous souvenons
2009 - Onze novembre 2009
2008 - Onze novembre 2008
2007 - Onze novembre
RA n'avait pas fait d'articles sur le 11-novembre dans les années antérieures à 2007


Aquarelle de Pierre Comba


Sources :
http://canonde75.free.fr/intro.htm
http://basart.artillerie.asso.fr/article.php3?id_article=345
http://rosalielebel75.franceserv.com/canon-campagne-75.html
http://www.materielsterrestres39-45.fr/fr/index.php/artillerie-legere-de-campagne/15-france-artillerie-campagne/393-canon-de-75-modele-1897
http://canonde75.free.fr/canonsmodifies.htm
affut de bord 1 : http://jemepromaisne.free.fr/75/75-1.jpg
affut de bord 2 : http://jemepromaisne.free.fr/75/75-2.jpg
DCA : http://aldfs.bb-fr.com/t44-canon-de-75-mle-1897-sur-plateforme-puteaux-mle-1915



dimanche 15 septembre 2013

40 ans sous la couronne SKF

Ce billet est paru il y a dix jours dans l'Action française 2000 du 5 septembre 2013 (n°2869) sous le titre Quarante ans de règne pour annoncer le jubilé du roi de Suède Charles XVI. Il entre en archives Royal-Artillerie dans sa version originale.

Charles XVI Bernadotte de Suède
On astique les grands landaus noirs au palais royal de Stockholm et la Garde recoud ses boutons de vareuse. La fête du jubilé dans dix jours s'annonce populaire puisque les comptes publics du pays sont à l'équilibre. C'est d'ailleurs une routine chez les royaumes du Nord que d'avoir cette sérénité budgétaire. Les pays scandinaves sont "socialistes" en diable, redistribuent beaucoup, chôment peu et partagent un handicap terrible : leurs habitants sont rares sur de vastes territoires inhospitaliers que le soleil boude la moitié du temps. Hormis les bords de mer, l'Etat y gère un désert mais dégage de l'excédent budgétaire ; cherchez l'erreur. La théorie des climats nous dirait après Montesquieu que l'Arctique forge des caractères sérieux alors que les pays de cocagne latins induisent l'indolence et la procrastination, mais pour ce qui concerne le royaume de Suède, on peut parler aussi de maturité citoyenne ancienne et de perspicacité d'une classe politique honnête, non engoncée dans des principes à déclamer comme nous en assène ici la logorrhée républicaine.
Deux observations étayent cette qualité mature du modèle froid : de vieille tradition parlementaire – leurs Etats généraux remontent au Moyen-Âge - le pays a reconverti son système représentatif en parlement monocaméral économique, la Diète royale où les députés entrent à la proportionnelle. On ne truque donc pas les scrutins.
Deuxième observation, le droit social ne subit pas l'effet de cliquet qui interdit chez nous de mordre sur les "avantages acquis". Quand l'ombre de la banqueroute du fameux modèle suédois s'est dessinée dans les années 90, la société fut réformée complètement, et on peut discuter aujourd'hui d'un projet de départ à la retraite à 75 ans sans que les interlocuteurs ne se sautent à la gorge.
Les Suédois sont pragmatiques et ennuyeux, à l'image du "mobilier national" (IKEA), mais au moins ont-ils un projet de pays à leur taille, bordé, réalisable. Neutre depuis la Grande Guerre du Nord au XVIII° siècle, ce qui fut jadis une grande nation militaire se replia sur ses intérêts essentiels et traversa deux guerres mondiales à l'abri. Mais le royaume n'était pas coupé du monde et les opportunités saisies à l'occasion. Le Marché commun s'offrait-il en zone de libre échange bien plus vaste et riche qu'un hypothétique marché anglo-scandinave, que la Suède, après avoir changé son volant de côté¹, le rejoignit sans états d'âme. L'intégration monétaire risquait-elle de miner l'autonomie des politiques budgétaires et brider sa compétitivité internationale, qu'elle fut en revanche refusée.
Les aléas d'une collaboration euro-américaine sont amortis par la coopération inter-baltique sous la forme du Conseil nordique². Celui-ci reprend des couleurs depuis la crise des budgets latins et la germanisation de l'Eurogroupe ; à tel point que « L’État fédéral du Norden », dernier bouquin de l'historien Wetterberg qui remet en situation une vieille tentation scandinave, est un bestseller ! Si l'Allemagne réussit l'anschluss économique et financier de ses "clients" on reparlera sérieusement du Norden.

la famille en charge

Mais le royaume de Suède n'est pas qu'un pays de luthériens affairés. On y entend des rumeurs sur la Cour, on brûle des voitures à Husby et l'Etat peut montrer les dents comme dans l'affaire de Pirate Bay³. Le communautarisme y fait les beaux jours du parti xénophobe (20 députés) et on a essayé de tuer Lars Vilks pour ses caricatures du Prophète ; le chômage en banlieue est de 8,8% contre 3,6% en ville ! Entre-temps les Chinois ont racheté Volvo et Saab est mort. A travers ces vicissitudes, la Suède néanmoins ne se désunit pas. Sa croissance est positive (0,8% en 2012), le commerce extérieur rapporte des couronnes (6% du pib), ils vendent des roulements à billes (skf) et de l'air comprimé (Atlas copco) à tout le monde, et des avions de chasse aux Suisses. Que demande le peuple ?
Un roi, mais pas celui des grenouilles. Un roi accessible qui les aime et les représente bien. Une famille qui incarne la pérennité de la Nation, la continuation du Projet, une présence immuable qui permet de traverser l'obscurité de l'hiver, un phare dans la brume. Carl XVI Gustaf est roi de Suède depuis quarante ans (15/9/1973). Sa fille Victoria lui succédera, et sa fille ensuite, depuis le retrait de la primogéniture mâle de la loi de dévolution de la couronne. Le jubilé des 40 ans fêtera le 68ème roi de Suède et la pertinence d'une saga nordique inaugurée sur ce même territoire par Fjölnir, fils de Njörd, dieu de la Mer, du Vent et du Feu, au tout début de l'Histoire.



(1) La circulation passa de gauche à droite au matin du 3 septembre 1967
(2) Islande, Danemark (et Groenland), Féroe, Norvège, Suède, Finlande, Îles Åland, Estonie, Lettonie, Lituanie.
(3) Pirate Bay est un gros site multiplexé de téléchargement mondial dont les acteurs ont été traduits en justice en 2010.

mardi 3 septembre 2013

Sandrine Pico en clôture de l'UDT AR

Un texte qui mérite d'être lu et relu, et que Royal-Artillerie archive aujourd'hui pour s'y référer plus tard. C'était en clôture de l'université d'été du parti royaliste qui s'est tenue à Paris les 31 août et 1er septembre 2013. Sandrine Pico–Deprez, déléguée régional de l’Alliance Royale pour l’Alsace est aussi Déléguée général du parti pour toute la France.


Nous voilà arrivés au bout de cette Université d’été. Ce moment est un point d’orgue de notre mouvement et il est en tout cas le fruit de beaucoup d’investissement de la part de nos cadres et de nos membres : qu’ils en soient ici remerciés très sincèrement.

J’espère que cette rencontre a été un moment formateur pour les participants. Nous avons essayé d’apporter les idées, les moyens et la motivation pour proposer des éléments de discours constructifs. En effet, il s’agit non seulement d’analyser la société, de la décrypter pour mieux la comprendre, mais aussi et surtout d’apprendre des moyens simples et concrets pour mettre en application un projet politique qui est à terme de changer la France, de créer une contre-culture.

Pour mettre en œuvre une ligne politique il faut, au préalable, poser un diagnostic.
Nous constatons d’abord l’épuisement progressif d’un élément mobilisateur et dynamisant qui faisait l’Histoire – celui de la Gauche. Qu’on le veuille ou non c’était bien le discours de la gauche qui depuis 1789 était un moteur historique. Or, nous observons en ce moment des éléments de rupture qui tournent le dos à deux cents ans d’idéal républicain.

Les idées des Lumières avaient représenté, pendant plus de deux siècles, le grand principe dynamique de l’histoire occidentale. Aujourd’hui l’Histoire est en train de se faire contre ce qui, par facilité, porte encore le nom de « Gauche » et qui n’est en fait qu’une facilité de langage puisque la gauche n’est que situationnelle par sa position sur l’échiquier politique. Le véritable clivage, qui fera à terme éclater tous les partis républicains est celui de la dignité de l’homme et de sa place dans la Création.

Tout le spectre politique français est de gauche car c’est elle qui a créé les règles du jeu. La droite n’est que la locataire, la gauche est la propriétaire.
On est frappé de l’accélération de l’histoire en train de se faire. Il n’y a jamais de progression linéaire mais des phases de pallier et d’accélération : il ne vous a pas échappé que nous sommes dans cette phase de grande accélération, pied au plancher !

« Et depuis, toutes les catégories politiques usuelles sautent, tout paraît usé, creux et nul. Quelque chose de neuf émerge et aspire à se matérialiser. Mais quoi donc ? Le peuple le vit et le sent, mais il manque de mots pour dire ce qu’il vit, ce qu’il attend, ce qu’il espère.. Mais il y faudra bien du temps et tout ne sera clair que quand tout aura été accompli. En tout cas, un immense mouvement anime le peuple, doté d’une universalité supérieure, rendant un avenir à l’humanisme, traversant tous les partis. Et le pouvoir n’y voit rien, n’y comprend rien. C’est pourquoi il est condamné. Il rentre à reculons dans le néant.

C’est par rapport à ce mouvement que tous seront forcés de prendre position, et de se redéfinir. C’est pour cela que certaines questions n’ont plus de sens comme celles de savoir : « Comment le mouvement social doit-il se situer par rapport à tel ou tel parti? » ou : « Comment doit-il se rapporter à la fraction de la Gauche qui se rapproche de lui ? » Car dès lors qu’existe un vrai dynamisme historique, doté d’un vrai principe spirituel, enraciné dans la Raison, la seule question est de savoir si on est dedans, ou dehors. Ainsi donc, à terme, le PS éclatera en deux. L’UMP éclatera en deux. Le FN éclatera en deux. Etc.

Et l’Histoire ira de l’avant.
En outre, il ne faut pas oublier que le mouvement pour le mariage et la famille ne représente qu’un des trois pôles de ce mouvement social nouveau où un nouvel esprit est en train de se faire jour.

Le parti socialiste français, dont nous parlons sans aucun esprit partisan, tout comme de la Gauche dans son ensemble, se trouve au pouvoir en 2013, et il y offre un exemple accompli de ce qu’est une structure morte et mortifère, dont l’esprit et la vie se sont retirés. Leurs dirigeants ne sont objectivement qu’une des factions d’une bourgeoisie libertaire et antisociale, qui alterne avec une autre, grâce au détournement des mécanismes de la représentation, permettant de faire valider indéfiniment par un peuple découragé la politique de l’oligarchie libertaire au moyen de procédures formellement démocratiques. On ne saurait mieux dire que la démocratie est à recréer, parce que la ruse a remplacé la vérité, et que tous les êtres vivants et de bonne foi ont leur place et leur vie dans le mouvement qui nous conduit vers la nouvelle République.

Une République nouvelle en France ne se définira pas par un nouveau numéro : 6, ou 7, ou par une réanimation d’idéologies tombées dans le coma.

En fait, les dirigeants du PS ne sont pas socialistes, mais individualistes. Non pas ouvriers mais bourgeois. Faisant une politique ultra-libérale au niveau global, et pratiquant en même temps un socialisme régional ou municipal difficile à différencier d’un simple clientélisme. Non pas libérateurs mais dogmatiquement libertaires et très intolérants. Non plus moraux mais sans éthique, et plus moralisateurs que jamais. Non pas rationalistes, mais ayant renoncé à toute philosophie sérieuse au profit du nihilisme transgressif (où se cristallise en concepts le simple arbitraire individualiste). Là est le point important, celui auquel va s’appliquer le travail de remise en cause, celui dont la négation fait surgir la nouveauté imprévue.

Le nihilisme transgressif est devenu la doctrine officielle de ce Gouvernement, et d’une grande partie de la classe politique. Or, non seulement le Gouvernement de la France, aujourd’hui, a adopté cette philosophie nihiliste et transgressive, mais il a entrepris de l’imposer de force à toute la jeunesse de la nation.
Nous devons donc nous attaquer à ce nihilisme et mettre en place une contre-culture.

La Gauche nihiliste et transgressive n’a pourtant pas oublié les lois de la politique pure. Elle sait que garder l’initiative est la condition pour conserver le pouvoir. Ayant perdu tout critère et tout dynamisme ascensionnel, , elle se livre à la fois à l’instinct de plaisir et à l’instinct de mort, et choisit d’appeler « nouvelle civilisation » la descente en vrille dans cette barbarie. Elle fuit en avant pour tenter de garder le pouvoir dans un monde qui lui échappe. Elle choisit une voie de démesure, mêlant prosélytisme et dictature. Mais, cette fuite en avant est ce qui à la fois la condamne à n'être plus que du passé, et ce qui fait surgir sa négation sublime. » H. Hude tiré de son article la "république des veilleurs".

Ce nihilisme transgressif devient le noyau d’une culture officielle qui prétend installer une République nihiliste et une République de la transgression, et uniformiser le pays entier sous son contrôle, avec une agressivité et une intolérance qu’on n’avait plus connue à ce degré depuis 1793.

Par habitude, la République entretient une fausse conscience et un discours creux, comme si on était encore aux temps héroïques du jacobinisme, ou aux temps du Front populaire. Mais sa rhétorique, vidée de tout son sens moral et traditionnel, couvre désormais exactement le contraire de ce qu’elle exaltait autrefois – tout comme les discours d’Hitler reprenant la philosophie de la SDN et invoquant le droit des nations à disposer d’elles-mêmes couvraient en réalité son contraire, un impérialisme bestial.

La situation politique en France comporte ainsi quelque chose de totalement inédit. La seule contestation du Système ne suffirait pas à produire un mouvement de la nature de celui que nous observons. Un principe surnaturel est ici à l’œuvre . C’est en cela que nous sommes en pleine révolution copernicienne qui doit accoucher d’un Nouveau Monde. C’est une mutation soudaine qui s’est produite, et ce qu’on en voit n’est qu’un début. Nous ne sommes plus en présence d’un affrontement droite/gauche traditionnel en France, avec d’un côté les « conservateurs », ou la « réaction », et de l’autre un « front progressiste ». Nous avançons au contraire à fronts renversés, dans un renouvellement complet des règles du jeu. Et l’oligarchie libertaire n’a rien à opposer à ça si ce n’est la répression !

En un mot, une lame de fond est en train d’émerger . La France est en train de faire sa mue et se dégage péniblement de sa vieille peau. Elle est susceptible d’unir à terme toutes ses traditions et de la refonder, à la fois structurée, noble, libre, conforme à son caractère historique.

« La prise de conscience des familles n’est que le début d’une prise de conscience nationale demain unanime. Celle-ci va se produire lorsque convergeront :
- D’une part : l’indignation des couches populaires économiquement opprimées par l’ordre libertaire, et la ferme détermination des familles culturellement opprimées, par ce même ordre libertaire.
- D’autre part : la résistance des patrons et des entrepreneurs écrasés par l’ordre fiscal et administratif, qui constitue un véritable système de privilèges au bénéfice de l’oligarchie libertaire.
Quand ces deux grands courants sociaux convergeront, quand l’ennemi commun aura été identifié, l’oligarchie ne pourra plus régner en divisant et il se produira un renouvellement profond à la fois de la démocratie et de la doctrine républicaine aujourd’hui corrompue. La France refera son unité, elle retrouvera un dynamisme et son Histoire, dans une nouvelle résistance mettant à bas un despotisme » H. Hude (ibid)

Conclusion : Nous sommes les prédicateurs de l’espérance

Nous sommes en face d’une logique de la transgression qui a commencé en 1789. La nécessité empirique d’un changement de régime apparaît aujourd’hui dans toute son évidence. La résistance populaire qui se dessine est un refus politique plus général d’un système de domination oligarchique. Il doit déboucher sur une action politique qui est un changement de régime ; car il ne sert à rien de changer les hommes, il faut changer d’institutions. Notre vision politique est institutionnelle et défend la légitimité du pouvoir, la justice et la souveraineté. Contester la légitimité du régime républicain est la vocation de l’Alliance royale qui est par essence de nature dissidente.

Tant qu’ils ne seront pas relayés par une structure politique, les actes de dissidence n’atteindront pas leur but. Seule l’Alliance royale propose un véritable changement institutionnel, à la différence de la contestation des autres partis, tous républicains, qui ne va pas au fond des choses et ne remet pas en cause le système et son idéologie. Ce changement institutionnel est indispensable pour soutenir la résistance des hommes.

Le peuple est la seule réalité qui dure. En tant que parti royaliste, le propre de l’Alliance royale est d’orienter sur le long terme ces forces dans le sens d’une réforme institutionnelle radicale et non d’une insurrection qui changerait les hommes mais pas les ressorts idéologiques.

Ainsi, par-delà la colère légitime, gardons l’espérance : tout n’est pas écrit une fois pour toute, comme si l’action des hommes ne comptait pour rien. La question n’est pas ce qui va arriver mais ce que nous allons faire. Et ce qui arrivera dépendra de ce que nous aurons fait… ou pas.

La France nouvelle se prépare dans la nuit. Le chemin qui mène à Reims, vers la lumière, vers l’aube royale commence donc maintenant. Voulez-vous faire ce bout de chemin avec nous, voulez-vous être nos compagnons de route ?. Nous sommes l’avant-garde, nous venons peut-être trop tôt mais nous montrons le chemin pour construire cette France régénérée : accompagnez-nous, êtes-vous prêts ?


Merci de votre attention, vive le Roi.

Sandrine Pico-Deprez



vendredi 23 août 2013

De la supériorité de la monarchie constitutionnelle

Cité par le Lien légitimiste dans sa dernière livraison (n°52), le père Daniel-Ange de Maupeou d’Ableiges proclame la supériorité de la monarchie à l'occasion du couronnement du roi Philippe Ier de Belgique. Son titre : L’actuelle Pertinence d’une monarchie constitutionnelle annonce un "débat" en dix points duquel le vainqueur est sans surprise le modèle westminstérien. Il n'est pas habituel de lire ce type de synthèse claire et documentée qui ne recoure pas aux poncifs d'usage et n'engage pas dans sa démonstration les lois fondamentales du royaume. Il faut dire que le modèle belge est tout neuf. Daniel-Ange de Maupeou (appelez-le Daniel-Ange) dirige l'Ecole catholique internationale de prière et d'évangélisation Jeunesse-Lumière à Pratlong dans le diocèse d'Albi. On ne l'attendait pas sur ce terrain. Le voici donc (son article complet est sur son blogue :

I.- Le prince héritier est préparé dès l’enfance à son métier, recevant une éducation, une formation ad hoc sur le long terme, y étant au long des ans initié par son père (ou, pour Philippe, par son oncle). Et assumant pendant des années déjà nombre de missions diplomatiques et de prestations publiques, de réceptions officielles. Assisté qu’il est par différents conseillers politiques. Donc, toujours parfaitement au courant de l’actualité nationale et internationale.

II.- Le peuple le connaît dès sa naissance, a suivi toute sa croissance, sa lente maturation. Ce n’est pas un individu débarquant d'on ne sait où...

III.- Le roi est au-dessus de toutes les querelles, mesquineries, magouilles, guéguerres des partis politiques. Il en est totalement indemne. Il peut vraiment être le représentant, mieux : comme la personnification de son peuple, étant ainsi tout à tous. Un roi partisan est impensable. Il est sans-parti. Hors parti.

IV.- Un roi est reçu, accueilli, car donné. Normalement, sans contestation. Il n’est pas le résultat mathématique d’une implacable, féroce, meurtrière bataille électorale, coûtant des sommes exorbitantes, où les candidats se gargarisant de promesses fallacieuses (dont on sait bien qu’ils ne pourront les tenir), mitraillent leurs adversaires, les salissant à coups de médisances ou de calomnies, tous les coups bas étant permis. Faisant honte à leur pays. Où la victoire n’est emportée au plus juste qu’à quelques centaines de mille voix près, et souvent grâce aux nombreuses abstentions. Victoire au prix de la moitié du peuple vaincu, humilié, amer, si ce n’est révolté. Comment un tel vainqueur peut-il oser ensuite se prétendre le représentant de la nation, le président de tous ? C’est inhumain. Contre-nature.

V.- Les présidents se succèdent à cadence rapide. Les régimes s’effondrent les uns après les autres. Les gouvernements sont sans cesse remaniés, les ministres valsent, les chambres sont régulièrement dissoutes. Les programmes sociaux et économiques, les politiques scolaires et diplomatiques ne cessent de changer au gré des caprices d’un ministre. En République, rien n’est stable. Personne n’assure la continuité ni la stabilité, ne veille sur la fidélité au patrimoine national, à l’héritage des siècles, à l’histoire de la nation. Parfois même on s’en f... À peine a-t-on reconnu la valeur d’un bon président, que son mandat est achevé. Et s’il est mauvais, bonjour les dégâts dans l’attente impatiente des élections. Bref, présidents et gouvernements passent. Le roi demeure. Comme la nation.

VI.- Les présidents ont besoin de beaucoup de temps pour trouver leurs marques, découvrir le pays, autant dans son histoire que dans son actualité. À peine le travail fait : dehors ! Et de devoir recommencer à zéro avec un nouveau. À échelle plus réduite, il en va de même pour ministres, préfets, ambassadeurs. Comment est-ce possible de les muter tous les deux ans maximum ? À peine commence-t-on à connaître à fond son domaine, son département, sa région, le pays auquel on est accrédité : au suivant !

VII.- Une monarchie "moderne", dite constitutionnelle, met à l’abri de toute dérive arbitraire, de toute tentative dictatoriale, le souverain ne pouvant s’arroger aucune prérogative non précisée par la Constitution, dont il n’est que l’interprète et le garant. Alors qu’un système républicain électoral ne met aucunement un président à l’abri d’un totalitarisme idéologique dictatorial ou virant à la dictature, comme nous en faisons l’amère expérience en cette France, se gargarisant pourtant des droits de l’homme. (Hitler a été démocratiquement élu).
Pour revenir à l’actualité belge : le roi y a beaucoup moins de pouvoirs effectifs que les présidents des États-Unis ou de France, mais bien davantage que les monarques de Grande-Bretagne ou des pays scandinaves. Car le discernement et le choix des Premiers ministres qui lui reviennent s’avèrent stratégiquement décisifs.

VIII.- Un roi ne gouverne pas : il règne. Mais joue tout de même un rôle décisif et magistral en politique, par sa seule autorité morale, par l’ascendant que lui donne sa longue expérience, lui conférant une sagesse et un discernement des personnes et des situations unanimement reconnus par la classe politique. Ce fut flagrant pour le roi Baudouin. C’est dire que le côté spirituel, moral l’emporte sur la fonction. Le pouvoir d’un roi tient davantage de sa stature, que des statuts juridiques de son pays. Et son influence personnelle sur les partis et les politiciens est renforcée par sa popularité : le peuple est derrière lui. Cela même est une exigence pour lui. Impérative. S’il veut avoir une vraie influence politique, il lui faut être à la hauteur de la charge, être parfaitement digne de sa fonction — bref, le plus irréprochable possible. S’ajoutant à sa légitimité, son intégrité personnelle est garante de son autorité.
Mais, par ailleurs, sa légitimité n’est pas dépendante de sa popularité. Il n’est pas comme un président, livré, pieds et poings liés aux sondages, aux applaudimat. Il en est royalement (évidence) libre. Politiquement correct. Il n’est pas esclave de petits lobbies, ou des gros magnats des media fabriquant la soi-disant opinion publique. Il est Souverain. Son autorité découle de son intériorité.

IX.- Le roi n’est pas un individu isolé. Il est une famille. Inséparable non seulement de son épouse, mais de ses enfants, frères, sœurs, cousins. C’est toute sa famille que l’on connaît depuis toujours. Cela donne à la vie d’un peuple une dimension familiale très forte. Exigence là aussi, pour le souverain, d’avoir une vie de famille la plus irréprochable possible, vraie école de sainteté pour lui. C’est tout autre chose qu’un président imposant sa concubine comme première dame.

X.- Enfin, un roi ou une reine, on l’aime. On aime sa famille. Cet élément affectif humanise tellement la vie d’un peuple. On peut admirer un bon président. Mais difficilement l’aimer : il ne fait que passer la durée d’un ou deux mandats. Donc, mieux vaut ne pas trop s’y attacher. Baudouin et Fabiola, Paola et Albert ont été profondément aimés. Philippe et Mathilde le seront certainement. Qui a vu lors de l’encièlement du roi Baudouin, tout un peuple, unanime, en larmes, des grands-parents aux petits-enfants, sait de quoi je parle.




Les amateurs auront noté les "entorses" à l'orthodoxie légitimiste ; malgré tout, ce texte parle à la multitude sans interprète obligé. C'est du direct. Merci à Gérard de Villèle d'avoir piqué ce panégyrique au bon endroit.

Le Lien légitimiste
2, Le Petit-Prix
37240 La Chapelle-Blanche-Saint-Martin
(Edition électronique 10 euros les 6 numéros)


 


dimanche 14 juillet 2013

De la Révolution et de Monsieur France

Marcel Le Goff a recensé dans le bimestriel Le Lien légitimiste¹ des réflexions d'Anatole France de 1914 à 1924, sur la Révolution. Nous en remisons quelques traits saillants en soute pour servir de munitions plus tard. L'extrait ci-dessous provient du quatrième volet du cycle publié dans le numéro 51.

En guise de prologue :
— Il faut qu’un peuple soit bien riche pour s’offrir le luxe d’un gouvernement démocratique.
— La faillite de la France n’est pas à envisager pour le moment. Un pays si riche et si beau ne peut mourir que lentement.
— La République s’éteint, personne n’y croit plus que ceux qui en vivent. Il est vrai qu’ils sont nombreux, ça la prolongera.
— La Révolution française a déclaré la paix au monde. Depuis ce jour, la guerre n’a pas cessé.

Après ce qu’il venait de dire de notre régime, je l’interrogeai à nouveau sur la Révolution : fut-elle un évènement heureux et utile. Faut-il s’en réjouir ou le déplorer ?
— N’en doutez pas, il faut la maudire.
Elle a tout bouleversé, nous n’y avons rien gagné. Nous lui devons les nations armées, les casernes, les guerres innombrables. Les hommes y ont perdu des libertés essentielles, tangibles et profitables, pour une liberté toute théorique, celle de se prononcer sur des problèmes qu’ils ignorent. Je crois vraiment que l’existence était plus heureuse avant la Révolution. Les historiens ont démesurément grandi et magnifié un évènement en soi inutile et malfaisant.

Mais, lui dis-je, par votre livre Les Dieux ont soif, vous nous avez aidé à rectifier l’Histoire, car c’est bien l’ouvrage le plus réactionnaire et le plus sévère pour la Révolution qui ait été écrit depuis Joseph de Maistre.
— J’ai dit, dans Les Dieux ont soif, ce que je pensais. Je ne suis pas parti pour écrire, d’un cœur déterminé, une œuvre de glorification ou un pamphlet, j’ai dit ce que je trouvais vrai, ce qui était le résultat simple de mes études et de mes méditations. Vous voulez savoir le fonds de ma pensée : les révolutionnaires, les grands ancêtres, quand ils ne sont pas puérils, sont odieux. Leurs idées ? Quelle misère ! Leurs espoirs ? Quelle pitié ! Leur société ? Quel bagne ! Leur grandiloquence ? Quel mensonge ! Leurs promesses ? Quelle duperie !

De la Gironde et de la Montagne

La Gironde a déchaîné la guerre pour faire tomber le trône. Je déteste les Girondins, bourgeois gourmés, égoïstes et durs. Ils ont poursuivi le trône avec l’étroite rancune des petits bourgeois contre la Cour et l’aristocratie. Ils se vengeaient des dédains dont ils avaient été les victimes. Lorsque le trône par eux ébranlé fut sur le point de tomber, ils manquèrent de courage et essayèrent une volte-face, ajoutant ainsi à une mauvaise action, une lâcheté et une hypocrisie.
Les Montagnards ? C’étaient des gens tarés.
Danton est un vénal, Robespierre est un monstre, les autres des êtres suant la peur et que la peur rendait cruels.
Seul Marat me paraît faire exception, je le trouve sympathique et bon (!). Il préférait que la Révolution fit des journées, actes de violence passagers, que de se lancer dans la cruauté légale, systématique de Robespierre. Par là et, à côté de Robespierre, il était pitoyable. Ce ne sont pas toujours ceux qui réclament le plus de têtes qui en font le plus tomber. Je ne pardonne pas à la Révolution le tribunal révolutionnaire. Cela est épouvantable, on ne peut pas l’excuser. Si j’ai imaginé et dépeint Gamelin, juré du tribunal révolutionnaire, c’est que j’avais bien le sentiment que j’étais là au cœur même de la Révolution. Par ce côté, la Révolution est odieuse, là elle se montre sous son vrai jour de fausse grandeur, de faux héroïsme, de mensonge, de lâcheté, de peur et de cruauté. Je le répète, parce que je crois que c’est infiniment vrai, la Révolution est l’œuvre de gens tarés.

Si vos amis vous entendaient là, ils ne comprendraient pas.
— C’est vrai, mais ils n’ont pas compris Les Dieux ont soif. M’a-t-on assez fait de reproches d’avoir porté une main irrespectueuse sur l’arche sainte ! C’est ça qui m’est égal. J’aime mieux faire figure d’iconoclaste que de dupe.
Et puis, voyez-vous, la Révolution française, au fond, est une œuvre bourgeoise, capitaliste, elle n’a rien de social ni d’humain.
Derrière ses mots pompeux, il n’y a que des intérêts, derrière ses attitudes que des ambitions, derrière ses déclarations généreuses que des guerres et des conquêtes. Pour un socialiste², elle n’offre rien d’intéressant ni d’utile.
Elle a consolidé, affermi, propagé la propriété individuelle et par là multiplié toutes les iniquités qui en découlent. Elle a ouvert l’ère du capitalisme et de l’industrialisme.
Son individualisme a laissé l’homme face à face avec un État qui est devenu un monstre.
Démesurément accru, il est devenu tyrannique, impérieux, excessif. Il a décoré ses exigences du beau nom de patriotisme. Pour un citoyen, la vie était plus dure sous Napoléon que sous Louis XVI.

La Révolution portait en elle tous les maux dont nous souffrons, dont nous mourrons peut-être. Peut-être sa malfaisance nous réserve-t-elle encore des surprises ! Elle ne nous a donné aucun bien.
L’égalité devant la loi n’est qu’une duperie, puisque ne tenant pas compte des conditions naturelles, elle n’aboutit en fait qu’à l’iniquité. Elle a érigé la volonté nationale en règle absolue, mais elle n’a pas trouvé le moyen de la dégager des caprices individuels, ce qui au reste est impossible. Elle a ainsi ouvert le règne des malins et des habiles qui prétendent interpréter, représenter la volonté collective qu’ils n’ont captée qu’en la trompant ! Elle a ouvert la porte toute grande aux manieurs d’argent.
Sa démocratie n’est que le règne des ploutocrates. Avouez que ce n’est pas réjouissant.
On peut encore attendrir le cœur d’un roi.
Qui donc attendrira le cœur d’un riche ?
— Je ne suis pas républicain, il ne faut pas me prendre pour un idiot.
(fin de l'extrait)


Bientôt cent ans qu'elles n'en finissent plus de se dissoudre ces sociétés démocratiques qui ont vaincu le Hun, mais comme le dit ce cher Monsieur France «un pays si riche et si beau ne peut mourir que lentement». A suivre le Tour de France chaque après-midi à la télévision, on mesure combien ce pays est réellement beau, unique au monde, et ça serre le cœur de le savoir pillé, mis à l'encan par la Bêtise et la Médiocrité issues de cette triste Révolution!


(1) Le Lien Légitimiste
2 Le Petit-Prix
37240 La Chapelle Blanche Saint-Martin
(abonnement électronique à 10 euros pour 6 numéros)

(2) Socialiste au sens premier, celui qui privilégie les intérêts du peuple

vendredi 21 juin 2013

Retour à Rancho Mirage

Un billet paru dans l'Action française 2000 du 20 juin 2013 (n°2865) sous le titre Méfiance cordiale et archivé sur Royal-Artillerie sous le mot-clé AF2000 (37 entrées).


Le G2 californien qui a réuni près de Palm Springs les présidents Barack Obama et Xi Jingpin n'a pas accru sensiblement la température ambiante de leur diplomatie, sauf les 40°C à l'ombre. C'était pourtant le but, malgré le nom équivoque de l'endroit, Rancho Mirage. Les sujets techniques mis au programme ont été débattus certes librement, mais les stratégies se sont avérées irréconciliables, repoussant aux calendes ce qu'un diplomate présent appelait l'étincelle de confiance. En attendant l'étincelle, les départements concurrents de chacun des pays se contenteront d'honnêteté dans l'interprétation des faits, au seuil du vœu pieux.

Deux conceptions se heurtent à découvert, le légalisme international des Etats-Unis¹ qui, en matière de droit maritime, droit de la propriété, droits de l'homme, affronte l'imperium imprescriptible et quadrimillénaire de la Chine ; à découvert, depuis que le nouveau président l'a formellement revendiqué en promouvant son fameux China Dream : l'Empire du Milieu revient sur ses marches géographiques et culturelles historiques et rien ne lui résistera. La polémique ne cesse d'étonner quand on sait le concert de louanges qui précéda l'avènement du nouvel homme fort de la Chine, que l'on disait "dégrossi à l'étranger", accommodant et simple d'allure. C'est oublier qu'il est Fils d'Immortel², nourri au lait de la revanche et missionné pour effacer les humiliations occidentales et japonaises du passé, le tout dans la plus parfaite bonhomie. C'est bien pour cela que le Standing Committee du Politburo l'a choisi, après l'apparatchik amidonné Hu Jintao qui n'a fait que défendre.




Corée
Malgré cette béance entre deux conceptions du monde, la diplomatie américaine est allée au plus loin possible et a marqué un point inattendu. Elle a su enrôler le président chinois dans sa vision du risque coréen au cœur même de sa zone de responsabilité. Pour mesurer l'enjeu il faut se souvenir que la Corée est le seul pays de la région à avoir pour mère-patrie la Chine éternelle. Cet attachement culturel existe de part et d'autre de la ligne de démarcation et il est impensable de voir se dresser aucune Corée contre la Chine, jusqu'à sans doute s'en faire l'avocat bénévole en cas d'extrême tension. Cette allégeance pourrait être comparée à celle d'un dominion britannique vis à vis de la couronne anglaise. Or, c'est le protégé officiel de Pékin, Kim Jong-un, qui vient lui-même de contrevenir au serment de suzeraineté en dilapidant l'aide structurelle chinoise dans la production d'armes nucléaires, par définition inutile sous le parapluie nucléaire chinois. L'injure est double, foi et hommage sont parjurés. Il était dès lors facile d'amener la délégation chinoise à collaborer, ce qui fut fait en finesse.

Hacking
L'autre point pratique débattu au soleil torride de Californie fut la guerre cybernétique. Match nul ! Si les attaques chinoises sont prouvées malgré les dénégations gouvernementales, les attaques américains le sont aussi, et qui pis est, instruites sur la base de la XXè Directive présidentielle du mois d'octobre 2012 qui organise l'offensive informatique tous azimuts (OCEO - Offensive Cyber Effects Operations). Difficile aux diplomates les plus talentueux de se dépêtrer de ce dossier surtout quand un service au contact avoue avoir fait dérailler les centrifugeuses d'un centre d'enrichissement d'uranium en Iran, par exemple (Stuxnet). Comme en Mer de Chine méridionale, la confiance n'étant pas encore acquise, on s'en tiendra à l'honnêteté des rapports et à la lisibilité des signaux optiques de bord à bord.

Extradition
Une mesure collatérale est passée inaperçue. Les services de l'Institut chinois d'enquête et surveillance disciplinaires (China Discipline Inspection and Supervision Institute) viennent d'ouvrir des discussions avec l'Immigration américaine pour le rapatriement de fonctionnaires corrompus cherchant asile aux Etats-Unis. La seule contrainte dans le dossier est de prouver de manière irréfutable les faits de corruption.


Le G2 de Rancho Mirage n'a pas amoindri le risque de guerre future dans le Pacifique Nord, les Etats-Unis ayant poliment refusé de se retirer derrière le méridien de Pearl Harbor - mais il l'a raisonnablement retardé, au grand soulagement du Japon qui craignait la naissance d'une certaine familiarité entre deux conceptions du monde qui le prennent en étau. Pendant les travaux diplomatiques, la vente continue, et Monsieur Hollande est venu prendre des cours.

- navires nippons -



(1): Ce légalisme est patent par le simple refus de Washington de signer certaines conventions internationales car elles engageraient leur application, alors que Pékin signe tout et n'applique pas.
(2): Les huit Immortels sont tous morts comme nous en assure la Wikipedia.


lundi 11 mars 2013

Retour à l'araire !


Quand mon prince s'éveillera,
je planterai là la charrue.



J'ai deux grands bœufs dans mon étable,
Deux grands bœufs blancs marqués de roux ;
La charrue est en bois d'érable,
L'aiguillon en branche de houx.
C'est par leur soin qu'on voit la plaine
Verte l'hiver, jaune l'été ;
Ils gagnent dans une semaine
Plus d'argent qu'ils n'en ont coûté.

S'il me fallait les vendre,
J'aimerais mieux me pendre ;
J'aime Jeanne ma femme, eh bien ! j'aimerais mieux
La voir mourir, que voir mourir mes bœufs.

Les voyez-vous, les belles bêtes,
Creuser profond et tracer droit,
Bravant la pluie et les tempêtes
Qu'il fasse chaud, qu'il fasse froid.
Lorsque je fais halte pour boire,
Un brouillard sort de leurs naseaux,
Et je vois sur leur corne noire
Se poser les petits oiseaux.

S'il me fallait les vendre,
J'aimerais mieux me pendre ;
J'aime Jeanne ma femme, eh bien ! j'aimerais mieux
La voir mourir, que voir mourir mes bœufs.

Ils sont forts comme un pressoir d'huile,
Ils sont doux comme des moutons ;
Tous les ans, on vient de la ville
Les marchander dans nos cantons,
Pour les mener aux Tuileries,
Au mardi gras devant le roi,
Et puis les vendre aux boucheries ;
Je ne veux pas, ils sont à moi.

S'il me fallait les vendre,
J'aimerais mieux me pendre ;
J'aime Jeanne ma femme, eh bien ! j'aimerais mieux
La voir mourir, que voir mourir mes bœufs.

Quand notre fille sera grande,
Si le fils de notre régent
En mariage la demande,
Je lui promets tout mon argent ;
Mais si pour dot il veut qu'on donne
Les grands bœufs blancs marqués de roux ;
Ma fille, laissons la couronne
Et ramenons les bœufs chez nous.

S'il me fallait les vendre,
J'aimerais mieux me pendre ;
J'aime Jeanne ma femme, eh bien ! j'aimerais mieux
La voir mourir, que voir mourir mes bœufs.

(Pierre Dupont 1821-1870)




Royal-Artillerie s'arrête si tout a une fin,
et le piéton retourne à son sillon.

In memoriam Bastien-Thiry

Lt-Col Bastien-Thiry
« Nous savons qu'il existe un cinquième commandement qui nous interdit l'emploi de la force, sauf dans des cas précis qui ont été étudiés et définis par l'Église ; de même qu'il existe un deuxième et un huitième commandement qui interdisent à tous, singulièrement aux Chefs d'État, les faux serments, les mensonges destinés à abuser de la bonne foi de leurs concitoyens. Mais nous savons aussi qu'il existe un premier commandement, qui est le plus grand de tous, et qui nous commande la charité et la compassion envers nos frères dans le malheur. C'est pourquoi il a été de tout temps admis dans la chrétienté que, dans certaines conditions, un acte de force pouvait être un acte d'amour ; et c'est pourquoi selon l'enseignement traditionnel, peuvent être licites des actions de force dirigées contre ceux qui ont perdu le sens moral et le sens humain, et qui précipitent dans la désolation ceux qu'ils ont la charge de protéger et de défendre. Si l'action que nous avons menée, en accord avec les représentants de toutes les élites de la nation, avait réussi, l'une des premières conséquences escomptées eût été l'arrêt du génocide en Algérie. L'actuel Chef de l'État aurait pu arrêter ce génocide en donnant un seul ordre, qu'il n'a pas donné, et, à notre avis, il en portera à tout jamais la responsabilité. »
(Extrait de la "Déclaration" du 2 février 1963 - opuscule de 54 pages publié aux Editions du Fuseau)





Bastien-Thiry eut droit à un procès. D'autres non, qui disparurent malencontreusement et furent rayés d'une croix rouge dans les carnets de police. Vengeance en catimini d'un régime activant la pègre pour se défendre tant il était peu sûr de son droit et de l'Etat qu'il voulait capter. Le journaliste Pierre Châtelain-Tailhade (dit Jérôme Gauthier), anti-OAS notoire, décrit cette "honte rasante" dans le Canard Enchaîné de cette semaine-là :
« Bastien-Thiry a été fusillé le 11 mars, à l'aube, dans un tel luxe de clandestinité, que cela a ressemblé à de l'obstination : le brouillard de flics sur le parcours de Fresnes au Fort d'Ivry; les routes interdites, dans la nuit, à tout ce qui n'était pas le convoi funèbre ; les cordons de police autour du fort ; et le rappel fait ensuite à la presse, par le ministère des armées, de l'article 15 du code pénal, qui interdit toute autre publication que celle du procès-verbal officiel relativement aux exécutions capitales. Pourquoi tant de précautions ? La vraie pudeur est fière. C'est la honte qui rase les murs. Une certaine justice aussi, semble-t-il... De plus audacieux que moi croiront peut-être pouvoir en conclure qu'une justice qui tend un rideau de gendarmes entre le regard des consciences et ce qu'elle est en train de faire au pied du mur, y fait quelque chose de pas propre... Le lieutenant-colonel Bastien Thiry est mort, je ne dis pas pleuré, mais plaint par un très grand nombre de Français, même parmi ceux les plus farouchement hostiles à sa cause ».




[billet surgelé le 26 février 2013]

jeudi 7 mars 2013

Vaut le voyage

Il se tiendra à l'Université Laval de Québec les 7 et 8 mai prochain (semaine de l'armistice de 1945 et de l'Ascension = 2 jours fériées et 1 pont), un colloque dédié aux pamphlets de Céline. Le truc est organisé par les universités de Moncton et de Queen's au sein du 81ème congrès de l'Association francophone pour le savoir (ACFAS) qui se tiendra la semaine du 6 au 10. C'est du lourd ; nous vous en passons les motifs (de ce qui suit tout provient des organisateurs du colloque 311), le programme administratif est en bas d'article :



Avis du Petit Célinien n°38
Préambule
Louis-Ferdinand Céline, l'un des plus grands romanciers du vingtième siècle, a également été, dans les trois pamphlets d’une rare violence verbale qu'il a publiés et réédités entre 1937 et 1943, mais aussi dans un nombre important de lettres envoyées aux journaux de l'époque, un apôtre zélé de l'antisémitisme. Il serait certes tentant de résoudre ce paradoxe en décrétant que l’odieux pamphlétaire antisémite a été, au mieux, une curiosité littéraire, au pire, un romancier médiocre. Ou encore que les pamphlets du romancier génial ne furent qu'une marotte littéraire, qu'une «bagatelle» sans conséquence. Les textes sont cependant là, et tous ceux qui ont voulu «relativiser» l'importance des romans ou l'horreur des pamphlets ont échoué. Bien que, depuis les années 70, la critique célinienne (avec les travaux de P. Muray et J. Kristeva) a repensé l'étanchéité de la frontière entre les corpus romanesques et pamphlétaires et que, grâce à la publication de l'étude importante de R. Tettamanzi dans les années 90 (Esthétique de l'outrance), les pamphlets ont pu finalement être considérés comme des «objets d'étude scientifiques », c'est la levée de l'interdit éditorial qui seule pourra permettre une véritable relance de la recherche universitaire sur l'œuvre bipolaire de cet écrivain. Mettant fin à la longue éclipse de l'espace public des pamphlets, leur récente publication aux Éditions 8, dans une édition critique de R. Tettamanzi, constitue ainsi un jalon important dans la réception de l'œuvre de Céline. Notre colloque cherche à réunir des chercheuses et des chercheurs afin de s'interroger sur cette publication. Quels en sont les bénéfices et les risques? De façon plus large, le colloque se voudrait l'occasion de faire un bilan des connaissances acquises par la critique sur les pamphlets et de proposer des réflexions nouvelles sur ceux-ci et sur la place qu'ils occupent dans l'œuvre de Céline.



La culture dans les pamphlets de Céline

Céline est de ces écrivains, qui, on le sait, ont effacé de leur œuvre romanesque la plupart des traces de leur culture. Cela n’a pas été sans malentendus, en particulier lors de la réception des premiers romans : cet auteur qui « écrit comme on parle » est-il cultivé comme on doit l’être ? N’est-il pas au fond aussi inculte et grossier que ses personnages ? Il existe cependant deux « lieux » de l’œuvre de Céline au sein desquels cette culture est au contraire exhibée, souvent de façon très voyante, parfois même avec agressivité : la correspondance, bien sûr, et les pamphlets. La mise au point de l’édition critique de ces textes fait apparaître sans l’ombre d’un doute à quel point ce geste a été pensé, voulu par Céline. Il importe, par conséquent, de se poser plusieurs questions complémentaires : quels sont tout d’abord les contours de cette culture, qui comme on peut le voir, est très diversifiée ? Quelles en sont les fonctions dans le texte ? Quels sont les rapports – forcément troubles − qu’elle entretient avec l’idéologie et le racisme céliniens ?
Régis TETTAMANZI - Université de Nantes


Cette cosmique permanente apocalypse : Popol et les Juifs

Beaucoup de choses ont été écrites sur les pamphlets de Céline. J’ai moi-même montré dans un chapitre de mon livre Poétiques du Messie. L’origine juive en souffrance, consacré à Céline et intitulé « Bagatelles pour une autre fois. L’antisémite et le chroniqueur », que la poétique antijuive de Céline se poursuit et se transpose dans les romans d’après-guerre. Je repasserai rapidement par cette démonstration pour montrer qu’en matière d’antisémitisme célinien la rivalité avec le Juif en est une de style (jouissance) et bien sûr de reconnaissance littéraire. « Après la Bible, Racine ou pas, Sophocle ou non, tout est guimauve » (Rigodon). Je montrerai de là, dans un rapprochement entre Féerie pour une autre fois, Bagatelles et L’École des cadavres, comment, d’une part, Céline se représente après coup explicitement en faux prophète condamnant par dépit le jouisseur « cabbalique » Popol, maître du ciel et de la terre; et, d’autre part, comment cette posture prophétique n’est légitimée que par un passage par « l’outre-là », effet revendiqué par Céline de la persécution tenace que lui font subir les jaloux et plagiaires dont il se fait le Juif. Cette traversée du miroir est à mon sens ce qui caractérise l’antisémitisme célinien et en fait la version la plus pédagogique et la plus révélatrice du délire raciste, version de laquelle les antisémites de bon aloi ne sauraient trop s’approcher au risque de voir leurs rationalisations voler en éclats.
Anne-Élaine CLICHE - Université du Québec à Montréal


Figures obsessionnelles : préfiguration de la figure du Juif dans Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit

La parole pamphlétaire, l'étude de M. Angenot sur le pamphlet, dissèque un genre qui ravale les argumentations les plus diverses à des formes simplistes. Son essai se présente d'ailleurs comme une anthologie des différentes façons de s'abuser soi-même et de tromper les autres. Dans ce genre maudit, les pamphlets de Céline se distinguent par leur violence et par leur caractère obsessionnel. L’imaginaire de l’auteur se cristallise en effet autour d’une figure unique, fantasmatique, obsédante qu’il construit durant trois longs pamphlets : la figure du Juif. Considérer «le Juif» des pamphlets comme une figure n'enlève rien à la responsabilité de Céline. La propagande nazie, Hannah Arendt l'a montré, n'avait d'autre rôle que de transformer une « fiction centrale », simpliste et régressive, en «réalité agissante ». Avoir hypostasié une figure, avoir abstrait des êtres humains, voilà précisément le crime de Céline. De nombreux auteurs ont montré les profondes racines de l’antisémitisme dans les premiers romans, notamment au niveau idéologique. J’aimerais quant à moi esquisser une sorte d’archéologie de la forme antisémite ayant cours dans les pamphlets en analysant deux figures qui mettent en scène l’obsession dans ses premiers romans : le Stand des Nations dont la vue provoque la folie de Bardamu et la cloche à plongée qui entraîne la destruction du Génitron. Ces figures, j’essaierai de le montrer, « préfigurent » par bien des aspects, notamment formels, la figure du Juif des pamphlets.
David DÉCARIE - Université de Moncton


À l’agité du bocal : fiel pamphlétaire ou manifeste littéraire ?

Publié en 1948, «À l’agité du bocal» est le plus court pamphlet de Céline, mais sans aucun doute le plus virulent. La hargne de l’écrivain y est dirigée contre l’une des figures majeures de l’intelligentsia de l’époque, Jean-Paul Sartre. La cible est personnalisée, donc, et non pas générique ou collective, comme elle l’est la plupart du temps dans les autres pamphlets. On peut y lire l’expression d’une haine viscérale (la métaphore coprologique y est d’ailleurs abondamment exploitée) à l’endroit de Sartre, auteur de quelques lignes qui pourraient conduire Céline à la potence. Notre communication cherchera à démontrer que derrière l’éructation ouvertement pamphlétaire se dessinent les motifs d’un agôn strictement littéraire. Dans ce texte, le prétexte initial passe rapidement au second plan pour laisser place à une autre préoccupation, celle d’asseoir la supériorité littéraire de Céline sur son rival et persécuteur. Il renoue ainsi avec un geste pratiqué par des écrivains pamphlétaires qui l’ont précédé, notamment Ronsard et Zola.
Dominique GARAND - Université du Québec à Montréal


Du "Portrait de l’antisémite" à "L’agité du bocal" : à propos de l’appropriation stylistique de Louis-Ferdinand Céline

Dans La Parole pamphlétaire (1982) de Marc Angenot, un chapitre intitulé « Remarques sur l’essai littéraire » propose de théoriser l’essai selon deux catégories distinctes, soit l’essai cognitif et l’essai méditatif. N’appartenant à aucune des deux catégories, « À l’agité du bocal » de Louis-Ferdinand Céline en conserve néanmoins quelques aspects, détournés sous une forme hyperbolique au profit d’une esthétique de l’outrance (Tettamanzi). En observant l’essai « Portrait de l’antisémite » se transformer en véritable caricature sous la plume de Céline, nous pourrions donc simplement conclure que le pamphlet serait une forme exagérée de l’essai qui cherche à rejeter l’autre en le ridiculisant.
Bien qu’une comparaison entre l’essai – en occurrence celui de Jean-Paul Sartre intitulé « Portrait de l’antisémite » (1945) – et le pamphlet nous aidera à mieux définir la forme pamphlétaire en général, nous proposons cependant d’illustrer comment la nature littéraire du pamphlet « À l’agité du bocal » se distingue par la mise en œuvre d’un subtil jeu stylistique de rejet-appropriation. Le rejet (l’excrétion) de l’autre qui apparaît au début de « L’agité du bocal » se transforme progressivement en ingestion « stylistique ». Ayant le privilège de subir le baptême de la prose célinienne, le « satané » Jean-Paul Sartre devient en quelque sorte un monstre « sacré ». Évitant un débat d’idées perdu d’avance, Céline cherche plutôt à triompher devant Sartre par le style.
Diego-Alejandro AGUILAR BEAUREGARD - Université de Toronto


D’une féerie l’autre furie : le « poème rentré » de Bagatelles pour un massacre

Le titre de Bagatelles pour un massacre forme un syntagme oxymorique. Chose frivole, une « bagatelle » désigne dans le domaine des arts une pièce courte et légère, laquelle se prête difficilement à l’évocation du massacre que le titre prophétise. Ces bagatelles, ce sont les trois arguments de ballet intégrés au pamphlet et dont l’importance est cruciale puisque leur refus par les théâtres, aux mains des Juifs, est présenté comme l’unique raison du basculement dans l’antisémitisme. Dans la fiction inaugurale du pamphlet, celui-ci se donne ainsi à lire comme la vengeance d’un artiste au talent dénié qui retourne son art de la danse et de la poésie contre les Juifs, coupables d’empêcher l’avènement de la féerie en ce monde.
La coprésence, à l’intérieur du même livre, d’une diatribe pamphlétaire violemment antisémite et d’arguments de ballet mêlant des genres désuets comme la féerie et la pastorale est problématique. Elle suppose d’interroger les rapports idéologiques et esthétiques qu’entretiennent ces écrits pamphlétaires avec toute une série d’éléments qui relèvent d'un paradigme du passé que l'écriture de Céline déconstruit et reconfigure. L’analyse de la réécriture de la féerie dans Bagatelles reviendra plus précisément sur les trois arguments de ballet du texte mais aussi sur des épisodes comme le voyage à Pétrograd qui mettent en scène les difficultés de l’auteur à faire jouer ces ballets.
Bernabé WESLEY - Université de Montréal


Le leitmotif antialcoolique dans Bagatelles pour un massacre

Le discours hygiéniste tient une place très importante dans les pamphlets céliniens. Un discours bien plus radical que celui qui imprègne les textes écrits pour la SDN entre 1924 et 1932. Le rapport à l’alcool et à l’alcoolisme, très important dans la société française, traverse l’œuvre tant littéraire que médicale de Céline. Dans l’entre-deux-guerres, nombreux sont les médecins et hommes politiques qui constatent ce phénomène accablant. Et au centre de cette décadence, la France des apéritifs : « le roi bistrot (…) qui souille, endort, assassine, putréfie »[1].Le discours célinien dans Bagatelles en rejoint un autre qui a longtemps imprégné le milieu médical français: celui de la dégénérescence sociale. Apparu au cours du XIXe siècle, il est encore très répandu chez les médecins du début du XXe siècle. L'alcoolisme fait partie des nombreux fléaux à abattre pour qui cherche à régénérer un pays peinant à se relever des déconvenues de 1870 et qui se remet à peine de la guerre 1914-1918. Dans les pamphlets céliniens, et dans Bagatelles en particulier, l’alcoolisme est une des principales causes de la dégénérescence sociale, raciale et morale qui gangrène la France. C'est en hygiéniste que Céline, dans Bagatelles, veut répondre à cet état de décadence. L'homme est « foutu ». Constat terrible dont l'alcoolisme n'est qu'une manifestation certes mais peut-être plus répugnante, plus basse que les autres…
[1]L.F Céline, Bagatelles pour un massacre, Paris, Denoël 1937, p.93.
David LABREURE - Université de Nantes


L’héritage de l’infâme : Sollers, Muray et la transgression célinienne

Au contraire du rebelle contemporain qui transgresserait, selon Philippe Muray, pour le pur plaisir de transgresser, l’univers pamphlétaire célinien investit un moment de l’histoire où l’on ne piétine pas les tabous avec autant d’impunité. Des forces oppressives imposent alors aux transgresseurs une forme d’insurrection radicale, d’où la rareté de la transgression et son intensité fulgurante. Les cadres socio-culturels qui légitiment un ordre et un certain nombre de croyances s’étendent ainsi à plusieurs domaines : paternalisme omnipuissant, catholicisme obtus, répression des mœurs, éducation archaïsante, gérontocratie monopolisant le crachoir public, hiérarchisation stricte de groupes homogènes, pouvoir de l’académisme, etc., etc., toutes ces formes de domination contre lesquelles Céline souhaite se libérer dans ses romans, mais encore de façon beaucoup plus brutale dans ses pamphlets. Cette communication partira de ce constat pour analyser la manière dont l’esthétique célinienne de la transgression a été analysée à la fois par Philippe Sollers et Philippe Muray. Ce faisant, je chercherai à montrer les similitudes dans leurs analyses et à expliquer en quoi consistent leurs différends. Je terminerai en insistant sur l’idée que les analyses que font Sollers et Muray participent à une sorte de réhabilitation du pamphlétaire infréquentable tout en étant aussi une tentative de se distancer à jamais d’une époque qui n’est alors absolument plus la leur.
François-Emmanuël BOUCHER - Collège militaire royal du Canada


Style indirect libre et lopophagie : les figures énonciatives de la persécution des romans aux pamphlets céliniens

Cette communication sera pour moi l’occasion de reprendre une question laissée en suspens dans mon livre L’inter-dit célinien (Balzac, 2000), soit les avatars du style indirect libre dans les pamphlets. Par cette figure ou cette posture énonciative qui parcourt tous les romans, les accusations ou les invectives adressées au persécuteur (en troisième personne) risque de se retourner contre le locuteur (la première personne). Ainsi, en s’insinuant au cœur du discours adverse, en usant des mêmes mots ou en reprenant ses accents, la première personne prend à son compte la parole du persécuteur, en mime la violence, jusqu’à en perdre sa propre parole et à s’auto-accuser. Or, dans les pamphlets, la situation de communication privilégiée étant plutôt celle qui tient à distance l’invectivé (le retranchant dans cette zone de la troisième personne qui lui refuse la parole ou le droit de réplique), on peut se demander ce qu’il advient du style indirect libre, que j’ai quant à moi désigné comme « style de la persécution ». Alors que j’avais suggéré que le procédé de la « logophagie » (que l’on peut voir selon R. Tettamanzi quand la parole du pamphlétaire est dévorée par celle de l’adversaire) n’était pas à distinguer du style indirect libre, j’aimerais maintenant profiter de la réédition des pamphlets pour faire une étude plus systématique de ces figures énonciatives, en rouvrant ainsi la question des structures de la violence verbale, dans ses rapports avec l’imaginaire de la persécution.
Johanne BÉNARD - Université Queen's


De l’héroïsme mangouste à la révolte des indigènes

La question des liens et des différences entre les pamphlets et les romans de Céline n’a cessé d’agiter la critique. L’analyse du rapport au temps et de l’intentionnalité qui sous-tend ces textes est de nature à éclairer leurs spécificités. L’émergence d’une parole centrée sur le présent, saturée par l’actualité et animée par le désir d’agir sur le réel impose en effet une transformation radicale de la posture d’énonciation et de la relation au lecteur dans les pamphlets.
Le discours pamphlétaire requiert une image du discours et de son énonciateur de nature à en assurer la performativité et à en justifier la violence. Chaque pamphlet dispose ainsi d’un dispositif qui met en scène l’origine de l’engagement paroxystique de Céline et qui en rejette la responsabilité sur l’agression de l’autre. En outre, le pamphlet semble exiger la réintroduction d’une posture d’héroïsation, celle de la petite mangouste qui se bat contre le serpent judéo-bolchévique.
La réponse de Céline, face à ce qu’il présente comme un danger de mort imminent, est articulée sur une double volonté : couper et réunir. De cette intentionnalité découle un dédoublement de l’allocutaire. D’une part, le pamphlétaire s’adresse au « vous » des ennemis : son but n’est pas de les convaincre, mais, par l’outrance de ses attaques, de les obliger à se démasquer. D’autre part, le « je » du pamphlétaire est en quête d’un « nous » qu’il désire réunir par sa plume.
François-Xavier LAVENNE - Université catholique de Louvain


La représentation de la foule dans Voyage au bout de la nuit, Mort à crédit et Bagatelles pour un massacre de Louis-Ferdinand Céline

Louis-Ferdinand Céline place la thématique de la foule au centre de tous ses projets d’écriture offrant ainsi des mises en scène de masse véritablement remarquables qui scandent le récit sous la forme d’épisodes majeurs. La figure de la foule n’est effectivement pas présente que dans ses romans ; elle occupe aussi une position centrale dans ses pamphlets antisémites, la part sombre de l’écriture célinienne, particulièrement dans les trois ballets de Bagatelles pour un massacre : « La naissance d’une fée », « Voyou Paul. Brave Virginie » et « Van Bagaden ». Il est très intéressant de constater que Céline fait de ses ballets un genre littéraire totalement voué à la représentation de la foule, instants clés des pamphlets. Dès lors, j’aimerais esquisser un parallèle entre le traitement des foules dans ces deux genres littéraires. Les deux premiers romans de Céline, Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit, ainsi que les trois ballets offrent des ressemblances dans leur traitement hyperbolique de la foule devenant des symboles d’une violence spectaculaire. Néanmoins, on constate des différences indéniables. Alors que le roman offre une représentation de la foule très ouverte, polysémique, les ballets utilisent la masse au service même de l’idéologie des pamphlets. Je tenterais donc d’esquisser une réflexion sur l’évolution de la représentation de la foule, thématique chère à Louis-Ferdinand Céline.
Marie-Lise AUVRAY DOITTEAU - Université de Moncton


Misogynie ou matrice: la création littéraire et la synthèse du féminin célinien dans les pamphlets

Le sujet de Céline et les femmes a toujours fait couler beaucoup d’encre, souvent pour élaborer la misogynie de l’écrivain, soit par ses petites phrases assassines tirées de la correspondance, soit par sa très franche admiration de la danseuse, dans la vie et dans l’œuvre. Or, une analyse de la mise en texte du féminin élargit le champ pour tenir compte des personnages féminins, ainsi que de la féminisation des personnages masculins. Une lecture avisée permet d’identifier une présence féminine corporelle comme le fil conducteur qui fait avancer le texte et le style céliniens. Ceci attribue au féminin, et aux expériences uniquement féminines, un rôle beaucoup plus valorisé dans la création littéraire célinienne, ainsi qu’une attitude plus équivoque à leur égard de la part du héros-narrateur.
Cette étude fournira des pistes de lecture importantes qui permettront une vraie définition et une appréciation du féminin célinien exprimé dans les pamphlets, montrant ainsi la place que ces derniers tiennent dans l’œuvre de Céline, qui, elle, ne pourrait exister sans personnage féminin, puisque le but en est de créer une synthèse de la femme, la féerie, le chant, et l’écriture. Prenant en témoin le lecteur, les pamphlets de Céline continuent de mettre en scène le processus créateur synthétique qui lie ces quatre éléments.
Tonia TINSLEY - Missouri State University


Les pamphlets en Italie : traductions, polémiques et bilan des réflexions critiques (1980-2013)

La traduction intégrale en italien de Bagatelles pour un massacre en 1981 et sa saisie presque immédiate sur le territoire national voulu par Lucette Almansor déclenche une période faite de bruits, intérêt et scandales parmi les critiques italiens, gauche et droite confondues.
Aujourd’hui, il est impossible de comprendre la transformation de L.-F.Céline des premières œuvres aux romans de la maturité si nous excluons la grande nouveauté stylistique introduite par les invectives « excitées » auxquelles Céline se livra dans ces pages infâmes ainsi que dans la rédaction de ses réponses/lettres à la presse collaborationniste française.
Que représentaient les pamphlets pour Céline? Juger l’écrivain sans appel revient paradoxalement à le mythifier et tenir sous clés ses livres maudits empêche le débat sur des questions qui s’avèrent décisives. A travers les études des intellectuels et chercheurs italiens contemporains et la récente traduction inédite des missives aux journaux français entre 1940 et 1944 - parmi lesquelles, la lettre où Céline proposait de couper la France en deux (dont la partie septentrionale serait bosseuse et raciste et la partie méridionale « suralgérique ») et qui fut censurée par le comité de rédaction du Je suis partout - nous tenterons de tracer une piste de réflexion qui interrompt le court-circuit intellectuel sur la production littéraire d’un des « Grands Reprouvés » du XXe siècle.
Valeria FERRETTI - Université de Florence


Les écarts politiques de Céline et de Cioran

2011 fut une année de référence tant pour Emil Cioran que pour Louis Ferdinand Céline. Nous avons célébré le centenaire du philosophe roumain exilé à Paris, mais aussi le cinquantenaire de Céline. En fait, nous avons assisté à la controverse en France liées à la question : fallait-il inscrire le cinquantenaire de la mort de Céline parmi les commémorations officielles de l’année 2011 ? Si Cioran a été pardonné d’avoir soutenu l’extrême droite roumaine, certains français ne pardonnent pas à Céline sa collaboration allemande pendant la deuxième guerre mondiale.
Cioran, comme Céline ont renoncé à défendre leurs idées politiques après la défaite de l’Allemagne. Une fois arrivé en France, Cioran commença à s’excuser devant l’Occident pour ses « fautes » de jeunesse. Nous soupçonnons les deux écrivains d’une sorte de terribilisme littéraire plutôt que de vraie croyance.
Cette communication insistera sur les similarités entre les deux écrivains, présentant tout d’abord le contexte historique et idéologique qui les a hébergé dans les années 1930 tant en Roumanie qu’en France, leur formation intellectuelle, leur parcours similaire et ensuite les motivations de leurs engagements politiques extrémistes.
La communication s’appuiera après sur la nature et le message des écrits politiques de Cioran et de Céline, sur leur penchant pour Hitler et l’antisémitisme des deux.
Mara Magda MAFTEI - Académie des sciences économiques de Bucarest


PROGRAMME ADMINISTRATIF
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Mardi 7 mai 2013

9 h 00
Ouverture du colloque

9 h 30
Régis Tettamanzi (Université de Nantes)
La culture dans les pamphlets de Céline.

10 h 00
Café

11 h 00
Anne Élaine Cliche (Université du Québec à Montréal)
Cette cosmique permanente apocalypse : Popol et les Juifs

11 h 30
David Décarie (Université de Moncton)
Figures obsessionnelles : préfiguration de la figure du Juif dans Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit.

12 h 00
Dîner (le déjeuner français)

13 h 30
Dominique Garand (Université du Québec à Montréal)
À l’agité du bocal : fiel pamphlétaire ou manifeste littéraire ?

14 h 00
Diego-Alejandro Aguilar Beauregard (Université de Toronto)
Du "Portrait de l’antisémite" à "L’agité du bocal" : à propos de l’appropriation stylistique de Louis-Ferdinand Céline.

14 h 30
Thé

15 h 00
Bernabé Wesley (Université de Montréal)
D’une féerie l’autre furie : le « poème rentré » de Bagatelles pour un massacre.

15 h 30
David Labreure (Université de Nantes)
Le leitmotif antialcoolique dans Bagatelles pour un massacre.

16 h 00
François-Emmanuël Boucher (Collège militaire royal du Canada)
L’héritage de l’infâme : Sollers, Muray et la transgression célinienne.

Mercredi 8 Mai 2013

9 h 30
Johanne Bénard (Université Queen's)
Style indirect libre et lopophagie : les figures énonciatives de la persécution des romans aux pamphlets céliniens.

10 h 00
François-Xavier Lavenne (Université catholique de Louvain)
De l’héroïsme mangouste à la révolte des indigènes.

10 h 30
Café

11 h 00
Marie-Lise Auvray Doitteau (Université de Moncton)
La représentation de la foule dans Voyage au bout de la nuit, Mort à crédit et Bagatelles pour un massacre de Louis-Ferdinand Céline.

11 h 30
Tonia Tinsley (Missouri State University)
Misogynie ou matrice: la création littéraire et la synthèse du féminin célinien dans les pamphlets.

12 h 00
Dîner

13 h 30
Valeria Ferretti (Université de Florence, Italie)
Les pamphlets en Italie : traductions, polémiques et bilan des réflexions critiques (1980-2013).

14 h 00
Mara Magda Maftei (Academia de Studii Economice din Bucuresti)
Les écarts politiques de Céline et de Cioran.

15 h 00
Café

15 h 00 - 16 h 30
Les enjeux d'une réédition
Table ronde/atelier sous la présidence de Johanne Bénard.
Participants : Paul Bleton - TÉLUQ, François-Emmanuël Boucher - Collège militaire royal du Canada, Anne élaine Cliche UQAM - Université du Québec à Montréal, Rémi Ferland Université Laval, Dominique Garand - UQAM - Université du Québec à Montréal, Michel Lacroix UQAM - Université du Québec à Montréal, Régis Tettamanzi - Université de Nantes.

CLIC PLAN DU CAMPUS

Pour l'inscription et un hébergement négocié veuillez approcher l'ACFAS à Québec (cliquez et naviguez sur leur site, c'est prévu).
Pour un billet de groupe, veuillez approcher Le Petit Célinien à Paris (cliquez et idem)


[billet surgelé le 24 février 2013]

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