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Le Raïs sourd

Le président syrien qui a fait dimanche dernier un discours vengeur contre l'invasion étrangère tourne dans un film. Son film ! A six reprises, depuis les émeutes de Deera en septembre 2011, Bachar el-Assad a promis des réformes, de la démocratie, de la liberté, sans bouger d'un pouce ! Certains de ses anciens amis soutiennent qu'il aurait réformé dès les premiers morts que la Révolution syrienne aurait été lancée "derrière lui", meilleur leader possible car le seul acceptable bon gré mal gré par les six communautés¹. Il est vrai que ce "concept" de modernisation douce fut déployé lors de l'avènement du fils cadet d'Hafez el-Assad en l'an 2000 et que lui-même y a sincèrement cru, avant d'être convaincu de n'en rien faire par son entourage, mouillé jusqu'au coup dans les répressions, la basse police, la justice sommaire et les grosses affaires. Evoluer reste impossible, car nul ne sait réformer un système familial de prédation institutionnalisée.

La Tribune de Genève avait fait une description fidèle du Système Assad, qui confirmait l'an dernier l'exsanguination de l'économie syrienne : La politique du clan Assad qui a garanti sa longévité est celle-là même qui aujourd’hui le menace. Les monopoles d’Etat, la captation des ressources par les barons de l’Etat ont ruiné l’économie syrienne. Les infrastructures sont totalement déficientes. Le manque d’eau remet en cause l’autosuffisance alimentaire du pays, et même les ressources en hydrocarbures couvrent à peine les besoins domestiques. Paradoxe suprême, les campagnes, autrefois portées par le régime dès son arrivée au pouvoir, sont aujourd’hui totalement délaissées, favorisant pauvreté et rébellion (on lira cet article avec profit).

Toutes ces dictatures autistes finissent dans la Misère. Le clan Assad, captivé à cent pour cent par son maintien aux manettes les plus juteuses de l'Etat en usant des pires moyens pour en éloigner ses concurrents, a laissé passer loin du pays le vent du progrès et se retrouve pendu aux fils de ses soutiens extérieurs alors qu'il vantait une indépendance arrogante, capable affirmait-il de faire peur à Israël.
Le discours de dimanche à la Maison de la Culture et des Arts de Damas est celui d'un fou, déconnecté complètement des réalités de son propre peuple, lancé sur un projet de pacification musclée qui n'a aucune chance d'aboutir puisqu'il est en grand péril de complète subversion. Accordons-lui - comme une dernière cigarette - que la rébellion est armée de l'étranger et que le chaos est d'avenir, aussi sûrement que Noël est en décembre ; sachant aussi qu'il ne se voit pas impliqué du tout dans cet état de fait !
Bachar en son palais c'est Hitler dans son bunker, Pétain à Sigmaringen, Kim Jong-il dans sa baignoire blindée, un commandement sans épiscopes d'observation. A dessein je n'ai listé que des morts. Quand à parler d'Asma el-Assad comme la Marie-Antoinette du Proche Orient, c'est offrir rétrospectivement toute la pugnacité nécessaire au malheureux Louis XVI qui n'en sut pas l'usage.

Une diplomatie ruinée
L'autisme, s'il n'est pathologique, rend bête. Vivre entre soi, entre quatre murs, à se polir les certitudes, ne développe pas l'esprit critique. La situation diplomatique ne pouvait être meilleure pour la Syrie qu'elle ne l'était il y deux ans. La Turquie islamique cessait la collaboration militaire avec Israël et haussait le ton sur l'affaire de Gaza, elle prenait ses distances avec les Etats-Unis sans rompre l'Alliance, mais en fait n'obéissait plus, elle entendait le point de vue iranien et s'alignait sur la position russe de solution à l'orientale. Les trois parties concernées négociaient les captages des fleuves mésopotamiens. Le Président du Conseil libanais Mikati était un "ami personnel". Tout était favorable à Damas, en plein coeur du jeu diplomatique, surtout depuis qu'Israël, satisfait de la poigne alaouite sur les camps palestiniens, laissait comprendre qu'on finirait bien par s'entendre sur le Golan en usant de formules inédites².
Au lieu de quoi, Israël est en train de fortifier sa frontière en prévisions de grands désordres dans le sud-ouest de la Syrie, la Syrie utile ; la Turquie est devenu l'ennemi numéro un et fait déployer des batteries Patriot par l'OTAN avec laquelle elle s'est rabibochée ; l'Iran voit fondre les stocks d'armes qu'il adresse à Damas et qui risquent bien de ressortir un jour dans son dos en traversant l'arc kurde ; l'Irak chiite voit se lever à Damas un Etat sunnite, collé aux tribus sunnites du désert qui cherchent toujours à le déstabiliser ; et l'allié traditionnel russe est presque tétanisé à l'idée d'une sorte de Massada alaouite dans les nuages de gaz sarin ! Autant dire que le Raïs syrien emmerde aujourd'hui tout le monde. Il est dans la position du clan Kim de Corée du Nord à la réserve près que la population nord-coréenne est génétiquement nationaliste et patriote et soutient son leader jusqu'à la mort, alors que la mosaïque syrienne n'a aucune cohésion, le liant d'hier est celui d'aujourd'hui : c'est la terreur !

« La Syrie ne sortira de sa crise qu’à travers un dialogue national global » disait le président dimanche, avant d'expliquer les conditions drastiques pour entrer dans le "global": [ndlr=] pas de représentants du Conseil national syrien de Paris, pas de djihadistes étrangers, aucun pays arabe engagé. Seuls des représentants résidents des communautés syriennes traditionnelles seront convoquées à célébrer le ferment d'unité qu'il incarne, lui et sa famille, en récompense de quoi le parlement modifiera la répartition des sièges et le gouvernement (civil) sera pluraliste, la maison des Assad retenant les pouvoirs régaliens en ses mains expérimentées. A l'apaisement constaté succèdera une libéralisation des moeurs civiques, on achètera des balles en caoutchouc. Je ne crois pas insulter l'avenir en exprimant ainsi le fond de la pensée de Bachar el-Assad.

Entre lui et la paix, il y a soixante mille morts.


(1) Alaouites, Druzes, Sunnites, Kurdes, Chrétiens de Rome, Orthodoxes (on peut aussi en faire quinze au lieu de six)
(2) Il avait été question de souveraineté partagée sur le plateau, de baux emphytéotiques, de contrat de sources...
Addition du 28/1/13: Selon le Yediot Aharonot, Benyamin Nétanyahou, a proposé à Damas en 2011 un retrait total du Golan syrien. Mais en échange, la Syrie devait garantir un paix avec Israël, avec l’intervention des Etats-Unis. C’est une information venant du diplomate américain Fred Hoff, qui a dressé un compte-rendu :
« Selon ces documents, les négociations entre les deux parties étaient fondées sur un accord pour un retrait total du plateau du Golan et son retour sous souveraineté syrienne, en échange d’un accord de paix complet comportant l’échange d’ambassades », affirme le journal. « Une source haut placée dans l’administration américaine a indiqué il y a quelques jours que ces négociations avaient été sérieuses et profondes et que l’on pouvait considérer que, sans la guerre civile en Syrie, elles se seraient conclues par un accord », ajoute-t-il. Selon la source » Nétanyahou avait choisi de reprendre les pourparlers avec [le président syrien Bachar Al-]Assad afin de justifier l’impasse dans les négociations avec les Palestiniens, et sur la base du postulat que la Syrie était le maillon faible de ‘l’axe du mal’ comprenant l’Iran, le Liban et le Hezbollah »,selon le Yediot. Suite à cette fuite dans les médias, le bureau du premier ministre a qualifié cette initiative d’« ancienne et non pertinente ».« Il s’agit d’une initiative parmi beaucoup d’autres présentées à Israël ces dernières années. Israël n’a jamais accepté cette initiative américaine », selon le bureau. Aujourd’hui, la situation est bien différente, et Israël est officiellement en état de guerre avec la Syrie.
Source : © Alyaexpress-News

Commentaires

  1. ABSOLUMENT PAS D'ACCORD!!! Vous nagez et "kollaborez" à l'intox et désinformation de la pourriture médiatique!! Je ne dis pas que cette famille est exemplaire...RENDEZ-VOUS SI PAR MALHEUR POUTINE LACHE LA SYRIE !!!Je connais particulièrement cette question et ne me laisserai pas contaminer par cette pourriture médiatique entretenue par la gestapo de la pensée unique!

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    1. Vous connaissez particulièrement cette question ?
      Que voulez-vous que ça nous fasse si vous ne développez pas votre science, Anonyme ? L'argument d'autorité est le dernier de ceux qui n'en ont plus.

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    2. Une réponse "argumentée" pourrait ressembler à ça, les citations en moins. Son auteur ne serait sans doute pas d'accord avec ce blogue-ci, mais au moins a-t-il quelque chose à développer qui est d'ailleurs intéressant. Il ouvre une perspective de fin de crise, ce que je n'ai pas osé faire, n'y voyant goutte.

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    3. L'Administration américaine est en plein renouvellement et rien ne dit que les positions antérieures des nouveaux venus soient maintenues au long du second mandat. Il y a aussi des tendances lourdes en diplomatie.

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