mardi 26 février 2013

Pouce !




Ce blogue est arrêté quinze jours tant pour les posts d'actualité que pour les commentaires. La production dans cet intervalle est du surgelé.


Retour aux touches le 11 mars, juste à temps pour commémorer le cinquantenaire de l'exécution du lieutenant-colonel Jean Bastien-Thiry, fusillé au fort d'Ivry à 6h40 le rosaire au poignet, le 11 mars 1963.
A bientôt !



lundi 25 février 2013

Les Chinois dans la pierre

SAFE est le nom de l'institution chinoise d'administration des réserves de change de l'Empire du Milieu (3310 milliards de dollars). Royal-Artillerie a présenté ce léviathan financier dans un billet resté fameux, Picsou l'a rêvé, Ts'ai-chen l'a fait, paru aussi dans l'AF2000 le 20 janvier 2011. C'est à Londres qu'on reparle du monstre.

1 Angel Square
La SAFE avait garé 2,5 milliards de dollars en 2008 chez un fonds collectif d'investissement américain, Texas Pacific Group (ce fonds détient 42% de notre TDF) qui avait lui-même misé sur la Washington Mutual Investment Holding Corp. de Seattle (WIMH). Cette banque multi-marchés, un des plus gros acteurs des Etats Unis, a fondu les plombs le 25 septembre 2008 dans l'ouragan de feu des subprimes et SAFE n'a jamais rien dit de la lourde perte encourue. Mais n'en a pensé pas moins. Choisir une grosse institution - too big to fail - était décidément une connerie malgré les cours dispensés à l'université. TPG est le seul échec connu de la politique d'investissement de la SAFE, mais il y en eut probablement d'autres. C'est ce qui a redirigé ses crânes d'oeuf vers le placement de père de famille, un vieux truc chinois finalement. C'est Londres (et l'Angleterre) la première cible, la mauvaise santé de l'économie britannique ne perturbant pas les analystes de Pékin ou Singapour. Ils visent simplement l'immobilier et les infrastructures... comme le ferait le Qatar ! Le Qatar certes, mais tous les fonds souverains d'aujourd'hui, Norvège, Azerbaïdjan, Malaisie, Brunei..., échaudés par la créativité financière que seuls les créateurs arrivent à comprendre.

Le bras investisseur chinois en vue est le fonds singapourien Gingko Tree Investment Ltd immatriculé à Londres (comme par hasard) et détenu à 100% par la SAFE qui a décidé de sauter par dessus la cascade d'acteurs spécialisés, fonds investisseurs classiques et banques, pour mettre ses sous directement sur la cible ultime. Selon Dealogic, il est sorti du bois l'an dernier. En janvier il a racheté à la Barclays pour 550 millions de livres 40% de la United Pulp & Paper Company Ltd. qui travaille dans l'écologie du recyclage et traitement de déchets, l'énergie de récupération. Gingko a placé immédiatement deux administrateurs au conseil. Gingko avait pris en juillet 10% dans le consortium qui a racheté le réseau d'eau Veolia Water Central pour 1236M£. Il a ramassé aussi un immeuble de bureau à Manchester (49% de One Angel Square) en décembre, après avoir payé en mai 438M$ pour l'immeuble de bureaux Drapers Gardens de Londres, selon Real Capital Analytics (NYC). Ce ne sont que des exemples émergés.

Winchester House
Excédés par les faibles taux d'intérêt des bonds du trésor et le yoyo spéculatif des actions en bourse déconnecté des réalités, la SAFE gare les avoirs de l'empire dans la pierre, ce qui est une innovation, mais oblige à désinvestir du papier. Jusque là, le défaut de confiance dans les entreprises qu'elles ne dirigent pas obligeait les autorités chinoises à se garder "liquides" le plus possible, quitte à jouer sur les changes. Mais la montagne de bons amassés les étouffe. Ils auront mis deux décennies au moins à comprendre du haut de leur incommensurable orgueil qu'ils ont acheté de la m... La Washington Mutual leur a ouvert les yeux.
De son côté, la CIC, fonds souverain chinois China Investment Corp. qui gère 410 milliards de dollars d'actifs, a racheté la prestigieuse Winchester House pour 401M$, pour la louer à la Deutsche Bank qui en a fait son siège anglais. La CIC a aussi des parts dans l'aéroport d'Heathrow et dans le réseau d'eau Thames Water. C'est clair !

Sont-ils au courant que nous avons des usines super-productives et que personne n'y met un kopek ! C'est vrai qu'un syndicat communiste dans l'affaire est rédhibitoire pour un Chinois responsable, même si M. Mélenchon est un "ami utile" !


samedi 23 février 2013

L'indispensable Lien

Vive le Roi ! Quand même !
Numéro 49. Nous oublierons la table des matières pour l'instant et nous entrerons dans l'intimité du roi Louis XVIII par le truchement du comte de Corbière dont les Souvenirs de la Restauration sont analysés par Gérard de Villèle depuis deux numéros déjà. Dans cette troisième partie, on découvre le roi intelligent qui manqua à la monarchie en rupture de ban, un prince instruit, très au fait du peuple réel, sachant gérer une équipe ministérielle en débrayant quand nécessaire et parfaitement rompu au jeu d'une monarchie parlementaire comme si la dynastie de Bourbon n'avait fait que ça depuis longtemps, alors qu'il l'avait lui-même créée. La Charte octroyée en 1814 contre le projet constitutionnel du Sénat était évolutive pour gouverner au centre-droit, au grand dam du parti dévot d'aujourd'hui agrippé à la théocratie déléguée comme la moule au bouchot. Dans le Manuscrit inédit de Louis XVIII, cité par Corbière, le roi laisse apparaître un monarchiste convaincu que seules les circonstances tragiques de la Révolution et de l'Empire détourneront de la royauté de droit divin. S'il avait fait des représentations auprès de Miromesnil, garde des Sceaux, sur le danger de rappeler les parlements, il avait su quand vint son tour établir le "gouvernement représentatif" dont il se méfiait, comptant sans doute sur sa finesse de jugement, son autorité et un petit peu sur sa rouerie que Corbière nomme "piperie". Ce régime exigeait de minutieux réglages entre le président du Conseil et la Chambre. Il y parvint, démontrant sa viabilité.
Ayant eu le pouvoir à l'époque des Etats-Généraux, il l'aurait appliqué à seulement deux réformes qui en auraient entraîné bien d'autres : l'égalité devant l'impôt et la révocation de l'ordonnance malheureuse de 1781 qui exigeait des quartiers de noblesse pour les brevets d'officiers de la Maison du Roi. Grâce à la Gallica nous avons le cahier de doléances de Louis XVIII lui-même, qui récrit celui de la Noblesse du Poitou.
En voici le préambule (page 306 de l'édition de 1839):

Aucune époque de la monarchie française n'a offert une circonstance aussi généralement importante que celle où nous nous trouvons. Les états-généraux sont convoqués, et nous touchons à leur ouverture. Travailler à rendre à l'antique et vénérable constitution de la France tout son éclat et toute sa pureté, présenter au roi les voeux de ses sujets pour la réforme des abus en tout genre et l'amélioration de toutes les parties de l'administration, combler un précipice effrayant que la déprédation dans les finances a creusé, et chercher les moyens les plus efficaces pour l'empêcher de se rouvrir, tels sont les grands objets qui doivent occuper cette assemblée. La noblesse du Poitou, pénétrée de respect et d'amour pour la personne sacrée du roi, jalouse de concourir à ses vues salutaires, et voulant surtout prouver à sa majesté sa soumission, n'a point balancé, etc... et Louis XVIII de critiquer le peu de respect de la noblesse poitevine à l'endroit du monarque, refaisant point par point les articles du cahier. Après avoir acté le pouvoir du peuple en ses états de consentir l'impôt, le roi fait la synthèse des premiers quinze ans de règne de son frère aîné qu'il place en tête de sa critique de la désinvolture des rédacteurs :

SM Louis XVIII
On ne remercie pas Louis XVI de n'avoir pas eu, depuis quinze ans qu'il est sur le trône, une pensée qui n'eût le bonheur de ses sujets pour objet; d'avoir toujours consulté l'opinion publique dans le choix de ses ministres; d'avoir aboli cette question préparatoire qui, ne faisant qu'ajouter aux tourmens des criminels une rigueur inutile, avait conduit tant d'innocens aux supplices; d'avoir achevé de détruire la servitude dans ses domaines; d'avoir constamment travaillé par son exemple à épurer les mœurs; d'avoir préféré, par le rétablissement des parlemens, la stricte justice au soutien de son autorité; d'avoir presque vidé les prisons d'état, qui, sous ses prédécesseurs, regorgeaient d'infortunés moins coupables qu'imprudens; d'avoir fait respecter sur toutes les mers le pavillon français, qui depuis si longtemps était avili; d'être économe pour lui-même, juste, humain. Voilà les traits sous lesquels il fallait le peindre ; et qui sait si une adresse de ce genre, bien faite et rappelée à propos, n'aurait pas empêché ce forfait qui coûtera des larmes de sang, non seulement à nous, ses malheureux témoins, mais à notre postérité la plus reculée? Voilà du moins ce qu'il fallait dire en tombant à ses genoux, à ce roi si bon, si aimant, si digne d'être aimé et qui se plaisait tant à l'être.
D'une plume alerte avec des mots précis, il continue la critique du cahier dans de longs développements et nous nous arrêterons à l'article 6 réclamant des Etats-généraux périodiques. La critique pointue dévoile son aversion pour les parlements et décrit le caractère français qui s'en accommode si mal. Le texte du Poitou est celui-ci (p.317 et suite):

Art. 6.- Nous chargeons nos députés de faire prescrire le retour périodique des états-généraux, ainsi que l'époque, forme de convocation, composition et tenue, observant, en général qu'il est avantageux qu'ils ne soient pas trop éloignés, et qu'il semble convenir aux circonstances que la prochaine époque soit très rapprochée.
A quoi le roi répond dans un style très moderne à une situation qui ressemble à la nôtre (nous envoyons in extenso car ce texte est très riche):
Cet article est si important qu'il exige d'être traité avec plus de méthode qu'un autre. J'y distinguerai le fond de la forme; et d'abord, sur le premier point, je regrette qu'on n'ait pas imprimé avec le procès-verbal des séances les opinions qui ont déterminé l'assemblée en faveur du retour périodique des états-généraux; cette connaissance m'aurait fort aidé dans la discussion que j'entreprends. Je tâcherai, néanmoins, de m'en passer.
Les écrits qui avaient paru depuis plus de quarante ans avaient inspiré à presque tout le monde une sorte de vénération pour la constitution d'Angleterre; et la prospérité de ce pays, comparée avec l'état où se trouvait la France, n'avait pu qu'augmenter ce sentiment. Là, disait-on , se trouve la véritable liberté, celle qui est unie avec l'ordre; là, le monarque est vraiment le père de ses sujets, puisqu'il peut tout pour faire le bien et rien pour faire le mal; et c'est à son parlement, à cette admirable combinaison de pouvoirs, qui se balancent sans se croiser, que la Grande-Bretagne est redevable de sa félicité. Il faut donc tâcher de nous rapprocher le plus possible de son heureuse constitution. D'ailleurs, tant que le retour des états-généraux n'aura pas lieu à des époques fixes et invariables, l'autorité qui les craint saura l'éluder, et les abus qui vont être réformés renaîtront; les droits de la nation seront de nouveau méconnus et le peuple foulé; enfin les plaies de l'état se r'ouvriront d'une manière plus dangereuse et plus difficile à guérir. Le seul remède à ses maux est le retour périodique des états-généraux; les ministres, les favoris, les maîtresses, ayant toujours sous les yeux une époque redoutable pour eux, seront plus circonspects; les déprédations seront plus rares, la liberté individuelle plus respectée. Enfin, s'il y a du mal de fait dans l'intervalle d'une tenue d'états-généraux à l'autre, le remède en sera plus facile.

le Poitou en ses châteaux
Voilà sans doute les raisons qui déterminèrent les honnêtes gens à adopter cet article : je ne crois pas les avoir affaiblies. Mais sans vouloir les réfuter, je demanderai si l'on avait bien réfléchi aux dangers de cette mesure. Il existe, on ne peut le nier, des caractères de nation comme des caractères d'individus, et l'expérience de quinze siècles a démontré que, de tous les peuples, le français est le moins propre aux assemblées politiques. J'en appelle aux produits de tous les états-généraux; la raison en est triste à dire, mais elle n'en est pas moins réelle, c'est que le Français est naturellement féroce, toutes les émeutes populaires en font foi. Ce vice est tempéré en lui par sa légèreté naturelle; mais qu'on le force à raisonner, à réfléchir beaucoup, le remède disparaîtra, le mal seul restera. Vouloir des assemblées périodiques, c'est donc vouloir des troubles qui le soient aussi. Le premier effet sera sans doute de passer de la périodicité à la permanence, et alors il s'élèvera une lutte entre le pouvoir du roi et celui de l'assemblée, qui exposera l'état à des secousses continuelles (voilà en moins de quatre ans une révolution faite par le directoire et défaite par les conseils). La source de cette lutte est dans le coeur humain ; celui qui vient d'être revêtu d'un nouveau pouvoir désire toujours de l'augmenter; celui qui a vu diminuer le sien désire le recouvrer, et l'effet en doit être, ou la république ou le despotisme. Mais, dira-t-on, l'Angleterre se trouve bien de son parlement, pourquoi la France ne s'en trouverait-elle pas bien aussi ? Je répondrai d'abord que le caractère sérieux et réfléchi des Anglais leur ôte un danger que l'impétuosité des Français leur ferait courir; ensuite j'observerai que l'Angleterre est une île, que sa défense consiste dans sa marine, et que par conséquent elle peut se passer d'une armée de terre, au lieu que la France, qui a quatre cents lieues de frontières de Dunkerque à Antibes et plus de cent de Bayonne à Perpignan, ne peut s'en passer. Or, il est impossible que l'armée soit neutre dans la lutte dont je viens de parler; si elle se divise, le sang coulera par torrens; si elle passe tout entière d'un côté, il y aura une révolution. L'histoire d'Angleterre m'en fournit l'exemple. L'armée avait fondé la tyrannie de Gromwell, elle rétablit Charles II !
Qu'on observe d'ailleurs que, depuis l'existence de la grande Charte jusqu'à la révolution, il a coulé plus de sang anglais dans les guerres civiles ou sur les échafauds, que dans les combats contre la France, l'Espagne et la Hollande, et que depuis cette dernière époque, on n'a pu faire marcher la constitution qu'en la violant sans cesse. Une inquiétude perpétuelle, des troubles, du sang répandu, un bouleversement général enfin; voilà quels seraient pour la France les fruits du retour périodique des états-généraux. Ces dangers ne doivent-ils pas faire renoncer aux avantages qu'on en peut retirer? Est-ce donc la peine d'innover? Oui, je le répète, quoi qu'en dise M. le chevalier de La Coudraye, ce retour périodique eût été une innovation; car le roi de France a le droit, par la constitution, de convoquer ou de ne pas convoquer, de prolonger ou de dissoudre à son gré l'assemblée des états-généraux; et ce droit si important est le plus beau fleuron de ma couronne; c'est lui qui fait que je suis le souverain de mes sujets, tandis que le roi d'Angleterre, qui peut à la vérité dissoudre son parlement , mais qui est obligé d'en convoquer sur-le-champ un autre, n'est que membre du souverain. J'aurai sujet d'en revenir sur ce point, lorsque j'en serai à l'article 13.
Mais celui-ci [ndlr: le 6è] va bien plus loin encore que le retour périodique, puisqu'il enjoint aux députés de faire prescrire l'époque et forme de convocation, composition et tenue. L'époque rentre dans ce que je viens de dire, ainsi je n'en parlerai pas; je ne m'étendrai pas non plus sur l'observation qui termine l'article; je ferai seulement observer à mon tour que c'est un acheminement bien marqué de la périodicité à la permanence. La forme de convocation est bien connue; le roi adresse des lettres aux grands-baillifs ou grands-sénéchaux. Ceux-ci convoquent les trois ordres de leur bailliage ou sénéchaussée, et, dans cette assemblée, chacun des trois ordres, ou tous les trois ensemble, rédigent leurs cahiers (d'autant plus librement que, suivant la véritable forme, ces cahiers doivent demeurer secrets), et nomment leurs députés. Cette forme est bonne et il n'y a que la dangereuse manie des nouveautés qui puisse en désirer une autre. Quant à la composition des états-généraux, ce sont les députés librement élus des trois ordres et munis par eux de pouvoirs suffisans pour accorder ou refuser, consentir ou dissentir, qui forment l'assemblée. Faire prescrire quelque chose sur un point si bien prescrit, c'est encore vouloir innover. On dira peut-être que ces mots sont là pour obvier à l'avenir, à la double représentation du tiers-état, mais je ne le crois pas; outre que ce serait un pléonasme de parler en ce cas, et de la forme de la représentation, et de la composition, ce point est traité fort au long dans l'article 8. Enfin, si le mot tenue signifie la police intérieure de l'assemblée, c'est une minutie, et le plus sage eût été de laisser ce soin à chaque assemblée; mais s'il signifie la durée de la session, c'est un nouvel attentat à l'autorité royale.

Voilà pour le fond ; j'ajouterai, relativement à la forme, que l'expression, faire prescrire, me semble tout-à-fait irrespectueuse. De trois choses l'une : ou le roi est le souverain, ou il l'est conjointement avec les états-généraux, ou enfin ce sont ces derniers qui le sont. Dans le premier cas, le retour périodique des états-généraux eût été une pure concession du roi, et il fallait l'obtenir; dans le second, le consentement du roi était nécessaire, c'était une affaire à traiter à l'amiable, et il fallait la faire régler. Dans le troisième, l'expression impérative, faire prescrire, pouvait être employée.
Qu'on ne dise pas que je m'attache à des mots; les mots sont faits pour rendre les idées. Je n'y mettrais aucune importance dans une discussion privée; je ne les relèverais même pas dans une discussion publique, parce que l'orateur, emporté par la chaleur du discours, peut dire un mot pour l'autre; je dirai même plus, si je retrouvais ces mêmes cahiers, imprimés en 1789, j'y ferais peu d'attention. Mais quand je les vois reproduits au bout de dix ans, et présentés aux Français comme point de ralliement, et aux étrangers comme flambeau pour les éclairer sur nos malheurs, je scrute toutes les expressions, parce qu'il n'en est aucune qui ne soit importante; parce qu'un étranger qui ne sait que médiocrement notre langue s'attache au sens propre et ne soupçonne même pas le figuré; parce que la plupart des Français en agissent de même, et qu'ainsi les uns et les autres peuvent par des mots être entraînés, à l'égard de notre antique constitution, dans des erreurs d'autant plus dangereuses qu'ils accorderaient plus de confiance à l'ouvrage qui les y entraînerait.

Voila ! Certains de nos jeunes lecteurs découvriront dans cet extrait Louis XVIII que l'histoire officielle réduisit à son obésité et à la berline de Gand. Il eut fallu à son successeur plus de politique et moins de bel allant pour continuer l'œuvre d'intelligence. La fonction exige beaucoup plus qu'autrefois dans nos temps raisonneurs. Les mémoires de Corbière font en passant un sort au tempérament d'intriguant du duc de Chartres s'ouvrant à quiconque de ses supputations et calculs personnels pour un avenir meilleur. Et le ministre de l'intérieur, lucide, de commenter : Il n'y a pas loin de pareilles espérances à des manoeuvres pour les réaliser. Orléans, l'ennemi intérieur de toujours (?!).


L'autre morceau de bravoure du lien légitimiste n°49 est la seconde partie du Jeanne d'Arc d'Yves-marie Adeline. C'est un texte puissant qui s'interroge et répond quant à la double mission de la Pucelle, sacrer le roi à Reims puis s'offrir en holocauste. Il est idiot de résumer la progression de l'auteur dans son raisonnement, ses intuitions, et avec la permission du Lien, je vous passe le cœur de sa conclusion :
Jeanne est à l’entrée des Temps modernes ! Elle s’y enflamme comme cette colonne de feu¹ de l’Écriture, qui brûle devant le passage de la mer Rouge. Elle est la lumière à l’entrée de la nuit, pour qu’au plus profond de nos tribulations, nous nous rappelions qu’elle était là, à l’entrée ; qu’elle avait vécu une histoire sans exemple. Elle semble nous dire : « Ne perdez jamais l’espérance, ne vous laissez jamais troubler, pas même par la crise de la foi qui ébranle aujourd’hui notre Sainte Mère l’Église ! Souvenez-vous de moi, je n’étais rien, qu’une pauvre bergère analphabète. C’est pour cela que le Ciel m’avait choisie, pour montrer Sa puissance ; souvenez-vous par moi de la puissance infinie du Ciel ! ». Elle est là dans son épopée miraculeuse, et sa place apparemment insolite dans le déroulement de notre Histoire, n’a pas d’autre sens que celui de nous faire comprendre qu’à ce miracle immense, à l’entrée des Temps modernes, répondra un miracle de même ampleur… à la sortie. Quelque chose, ou quelqu’un, je ne sais, mais un évènement aussi extraordinaire qui nous attend. Et c’était là le secret de Jeanne : elle ne s’adressait pas à d’autres siècles, mais seulement à notre époque. Autrefois, on pouvait penser que Jeanne restait incompréhensible. Mais aujourd’hui ? tandis que les ténèbres s’épaississent, et s’épaissiront encore ? Tandis que, dans quelque temps, la solitude et le désespoir seront nos derniers sentiments ? [...] Jeanne est cette colonne de feu dont la voix traverse les siècles, pour hanter notre mémoire de son épopée encore unique ; mais dont la lumière nous suit, nous accompagne dans l’espérance, jusqu’à une aube qui, un jour, se lèvera.
Acceptons-en l'augure.


Le numéro 49 du Lien légitimiste vous offre les article suivants (20 pages):
  • Toujours la réalité... l'édito de Gérard de Villèle sur l'implication du prince Louis dans le débat social
  • La réalité contre la théorie (la Restauration par Corbière et GDV)
  • Le journal en bleu de Luc Boisnard, un vieux réac comme on les aime
  • Anatole France à La Béchellerie (1914-1924) par Marcel Le Goff et son aversion pour la République
  • Sur Jeanne... (Yves-Marie Adeline)
  • De la dénaturation du mariage à l'ultime transgression (Gérard de Villèle)
  • Sainte colère... de Nicolas Ferrial sur la propagande du gender
  • D'une réunion de la PSB lyonnaise au veto de la Reine en passant par le putsch d'Alger...


LE LIEN LEGITIMISTE
Petit-Prix
37240 La Chapelle Blanche Saint Martin


Abonnement à six numéros papier à 24€, électroniques à 10€ (dix euros!).





Note (1): nos lecteurs du Maghreb feront l'analogie avec le Lotus ardent, le Sidrat al-Muntahā à l'entrée du 7ème Ciel, sauf que YMA parle ici d'un long purgatoire.

vendredi 22 février 2013

Nouvelles des jours

J'ai tenu dix minutes aux Paroles & des Actes de madame Le Pen. C'est beaucoup et peu, mais ses interlocuteurs étaient archi-convenus, inintéressants, et elle parlait d'économie, recyclant des slogans d'experts qu'elle n'a jamais passés au banc d'essai de la production. J'ai zappé vers Terminator III ! Mais l'inconfort des nouvelles du jour reste bien sûr la capture d'une famille imprudente montée au parc camerounais de Waza à la frontière des provinces nigérianes infestées par la secte Boko Haram. Riche idée ! N'accablons pas l'ingénieur du gaz, un peu immature, il paie comptant ! Pourquoi accabler le sous-ministre aux Anciens combattants, Kader Arif, d'avoir sauté de joie au Palais Bourbon à l'annonce d'une dépêche AFP libérant les otages sur son iPad ? C'est l'agence de presse qui doit être blâmée, pas la réaction somme toute humaine..

Entretemps, monsieur Montebourg dans son registre "freluquet de sous-préfecture" allume Mister Grizz au seuil de l'insulte. On comprend maintenant que son ministère avait publié la lettre de Titan pour que le titulaire entre publiquement en érection par une réponse également publiée. "Regardez tous, je me redresse". Et le Grizz de lui répondre aussi sec qu'il est un charlot. Tout ceci pour dire que la journée s'est passée en foutaises.
Un lecteur me dirait tout à l'heure qu'il y a eu la percussion fatale d'une voiture de la BAC sur le périphérique-nord de Paris. C'est un concours d'absurdités mais notre pays en est submergé. Absurdité de la politique pénale qui relâche un sale con six fois, comme Mme Taubira le demande officiellement depuis hier en généralisant le procédé ; à quelle cheville mettre le bracelet électronique pour ne pas gêner la conduite ? Absurdité de la procédure consistant pour la police à freiner le trafic sur une trois-voies par des voitures balais non équipées¹, afin de "coincer" un chauffard fou ; on vient d'en voir l'issue. Il pense, monsieur Valls ?
Ah oui, j'oublie dans le paquet le jour de carence de Mme Lebranchu ! Emoi de la Fédération des hôpitaux et des politiciens versés dans les affaires sociales : 60 millions d'euros, c'est rien, a-t-elle dit. En ajoutant les deux autres fonctions publiques (territoriale et hospitalière) ça fait 200 millions. On n'est pas à deux cent millions près quand on est en faillite. Et la lettre de cadrage de M. Ayrault, "vous savez ce que j'en fait", semble-t-elle dire ? Les salariés du secteur privé ont trois jours de carence.

Au palais vide, la boule
Dans les nouvelles discrètes - conspiration du silence ? - il y a le refus du président Delevoye de valider les 700000 pétitions contre le mariage gay remises au Conseil économique & social, au motif qu'une loi est inattaquable par son institution. Le CESE est un beau fromage républicain farci aux nominations de battus provenant des institutions marraines staffées elles de gagnants : 233 sièges de consolation pour dix ans. Monsieur Delevoye, battu jadis pour la présidence de l'UMP par Michèle Alliot-Marie, a démontré s'il en était besoin encore que le Palais d'Iéna ne sert à rien du tout. A transformer en ménagerie d'hiver pour y mettre le chameau de Tombouctou ; au bord des jardins du Trocadéro ce sera rentable.
Mais que d'énergie dépensée par les organisateurs de la Manif-pour-Tous rien qu'à faire les 175 cartons, pour aboutir à si peu. Un peu de réflexion aurait anticipé le blocage. Joue-t-on à se faire mousser chez les Barjot² ? Dans les nouvelles racoleuses, on me signale que monsieur Strauss-Kahn est un porc aimable ; quoi de neuf, vraiment ? Si, si, on frise là l'antisémitisme, le cochon n'est pas casher, le CRIF va se réveiller à moins que la LDJ ne lui brûle la politesse.

La nouvelle triste est de ce matin : une histoire sortie par La Repubblica de Rome qui a levé l'existence d'une maison de plaisir au Vatican pour prélats gays, sur la base d'un rapport confidentiel établi par trois cardinaux chargés de mission après le scandale du Vatileaks ! Le pape peut-il supporter la pression du scandale désormais public pendant les sept jours qu'il lui reste à accomplir ? Ni Benoît XVI, ni Jean-Paul II n'étaient de taille à laver pareil affront de leurs propres cadres, même si la porte peut s'entrouvrir un jour sur l'orientation sexuelle de chastes clercs. C'est un Jules II qu'il faudra, et distribuer des lacets d'étranglement au capitaine des gardes. Dieu reconnaîtra les siens.


(1) Quand on voit l'épaisseur ridicule de la tole des carosseries actuelles, avec des zones de déformation contrôlée à l'avant comme à l'arrière, il est criminel d'engager des voitures de grande série sur un circuit d'auto-tamponeuses.
(2) La question de la pertinence de certaines provocations utiles à la communication s'est déjà posée. La voie institutionnelle ne réussira pas plus que la voie démocratique en voirie. L'invocation aux mânes de Mitterrand-le-sage est risible, si l'on croit Hollande obéissant à son souvenir. Il n'en a pris ni le chapeau ni l'écharpe.

jeudi 21 février 2013

Ô mon Bateau oh oh !

Il est à moi. Je lâche la planche à voile, lance le grappin, grimpe et cours à la passerelle déserte. Les deux mains sur la barre, je plisse les yeux vers l'horizon infini, ajuste la casquette chamarrée sur mon œil droit et change la pipe de bord. Je suis le vrai capitaine Haddock. Lyubov Orlova, quel joli nom, celui d'une célèbre actrice soviétique disparue en 1975 après deux prix Staline. Y a-t-il ses cassettes vidéo dans la cabine du commandant, parce que je risque de trouver le temps long à arpenter mon nouveau navire.
Pour en faire quoi ?

L'idée m'est venue d'une radio anarchiste internationale émettant depuis le pot au noir - à vot'bon cœur, il me faudrait un peu de soutes pour y descendre - à destination des continents cousins que sont l'Afrique occidentale et l'Amérique du Sud. On y passerait du reggae et des informations sur la Lutte. On y tiendrait de sanglants débats politiques et culturels ou cultuels, le vaudou contre les évangéliques. Enfin on s'occuperait...

L'autre idée est un hébergeur web géant pour hackers sympas ou pour Kim Dotcom. Il y a toute la place en cale pour des batteries de serveurs. Il faudrait peut-être se piquer sur un câble transatlantique. Des idées ? Un tuba ?

A défaut de tout ça, un lupanar, à condition de le poster sur une route maritime fréquentée. Comme font les citernes sur la Seine qui s'amarrent au bateau-client pour l'approvisionner en route, le navire rose, rebaptisé d'un nom français coquin pour qu'il n'y ait pas de confusion - c'est un bordel en fait - accompagnerait le porte-conteneurs géant le temps d'éponger tout l'équipage.



J'ai oublié de vous dire que le navire à la dérive est abandonné à 2400 kilomètres de l'Irlande dont il s'approche, vide, proie de pirate et fortune de mer. Beau de loin ! Le Lyubov Orlova est sous pavillon des Îles Cook. Pas cher, fils !


mercredi 20 février 2013

Qui croit se payer l'Ours ?

Maurice Mory Taylor Jr.
L'affaire GoodYear reprend des tours avec la lettre ironique du patron de Titan Int'l Inc. à M. Montebourg, que personne ne lit dans le texte. Si ce courrier dénonce l'extravagance des positions de la CGT d'Amiens Nord, débinée maintenant par la CFDT, il se paie carrément la tête du ministre français - et ça nul ne le souligne - en faisant exploser la contradiction d'un libre-échange sans frein opposé à la légitime conservation de l'emploi industriel. Il y dit avoir claqué des millions en lobbying pour faire passer des lois anti-dumping aux Etats-Unis contre les fabricants de pneus chinois et se rit de proclamer qu'ayant réussi, c'est l'Etat américain qui en retour encaisse les droits de douane.
Quand il se dit prêt à acheter une usine indienne ou chinoise où les ouvriers sont payés un dollar de l'heure, c'est une boutade qui passe inaperçue pour les abrutis. Il veut souligner d'abord que la politique de l'OMC conduite par les occidentaux mène à ce genre de stupidité qui finira par crever les propres usines nationales du premier manufacturier mondial, Michelin. M. Montebourg est donc invité à faire des représentations auprès de la Commission européenne pour que soient dressées sans retard des barrières tarifaires à l'invasion de pneus chinois subventionnés, avant de songer à "discuter" avec un repreneur qui sera submergé par les produits asiatiques.

Nul doute que sa lettre a circulé dans les milieux d'affaires. C'est envoyé. Par une grande gueule certes ; mais pas si faux ! TITAN c'est aussi 1.486.998.000 dollars de ventes 2011 en pneus agricoles, miniers et tout-terrain, et un résultat d'exploitation de 132.173.000 dollars pour la même année (cf. comptes annuels). Nous aimerions avoir quelques grandes gueules dans son genre par chez nous. Voici la lettre originale selon le fac-simile des Echos.





February 8, 2013


Mr Arnaud Montebourg
Ministere du Redressement Productif
139 rue de Bercy
Teledoc 136
75572 Paris Cedes 12


Dear Mr. Montebourg:

I have just returned to the United States from Australia where I have been on the past few weeks on business; therefore, my apologies for not answering your letter dated 31st January 2013.

I appreciate your thinking that your Ministry is protecting industrial activities and jobs in France. I and Titan have a 40-year history in buying closed factories and companies, losing millions of dollars and turning them around to create a good business, paying good wages. Goodyear tried for over four years to save part of the Amiens jobs that are some of the highest paid, but the French unions and French government did nothing but talk.

I have visited the factory a couple of times. The French workforce gets paid high wages but works only three hours. They get one hour for breaks and lunch, talk for three, and work for three. I told this to the French union workers to their faces. They told me that's the French way!

You are a politician so you don't want to rock the boat. The Chinese are shipping tires into France - really all over Europe - and yet you do nothing. the Chinese government subsidized all the tire companies. In five years, Michelin won't be able to produce tires in France. France will lose its industrial business because its government is more government.

Sir, your letter states you want Titan to start a discussion. How stupid do you think we are? Titan is the one with money and talent to produce tires. What does the crazy union have ? It has the French government. The French farmer wants cheap tire. He does not care if the tires are from China or India and governments are subsidizing them. Your government doesn't care either. "We're French !"

The U.S. government is not much better than the French. Titan had to pay millions to Washington lawyers to sue the Chinese tire companies because of their subsidizing. Titan won. The government collects the duties. We don't get the duties, the government does.

Titan is going to buy a Chinese tire company or an Indian one, pay less than one Euro per hour and ship all the tires France needs. You can keep the so-called workers. Titan has no interest in the Amien North factory.

Best regards,

(signé)
Maurice M. Taylor, Jr.
Chairman and CEO

MMT/jb

TITAN INTERNATIONAL INCORPORATED
2701 SPRUCE STREET * QUINCY, ILLINOIS 62301
(217) 228-6011 * FAX (217) 228-3166


Pour mémoire, Titan annonçait en 2009 l'ouverture de négociations avec Goodyear pour le rachat du site d'Amiens, après avoir racheté l'usine GY de Freeport (Ill.) en 2005 :

September 23, 2009 11:21 AM Eastern Time
Titan International Inc. Signs Letter of Intent with Goodyear Tire & Rubber Co.
QUINCY, Ill.--(BUSINESS WIRE)--Titan International Inc. announces today that it has signed a letter of intent with The Goodyear Tire & Rubber Company to purchase certain farm tire assets, including the Goodyear Dunlop Tires France (GDTF) Amiens North factory. This agreement is non-binding and will be subject to GDTF’s satisfactory completion of a social plan related to consumer tire activity at the Amiens North facility, along with completion of due diligence, a definitive acquisition agreement and other standard acquisition approval requirements.

“Titan maintains its focus and specialty in the farm and off-the-road wheel and tire business,” said Titan Chairman and CEO Maurice M. Taylor Jr. “We hope GDTF can come to an expedient arrangement with the Central Works Council in France. If this can be done, the process will move forward.”

Titan fabrique déjà pour la marque Goodyear aux Etats Unis. La CGT Amiens (Michael Wamen) veut attaquer en justice au niveau mondial les accords passés entre ces deux manufacturiers. Qui va payer les avocats ?
Fermez le ban.

Crâne alibi

Il n'est pas de site royaliste sauf un - vous y êtes - qui n'ait fait ses choux gras de la tête momifiée d'Henri IV. On (oui c'est anonyme, laisse comprendre Royauté-News) vient de créer ex-nihilo un Conseil pour les Funérailles du Chef d'Henri IV. Osons croire que la messe mortuaire sera célébrée à Notre-Dame de Paris où le roi mort passa une première fois et que les cours européennes délégueront ! Jusqu'à présent l'authentification de la pièce par comparaison des ADN aux frais de l'aîné des Capétiens n'a abouti qu'à la remettre au coffre dans une chambre forte dont je tairai le nom. J'ai lu incidemment que Mgr Henri était fort rigolard de cette affaire qui n'a servi qu'à faire mousser son contempteur à nul autre effet que d'avoir une demi-colonne dans le journal, lui même ayant obtenu la sienne en réplique. Plutôt que ce duel archi-rejoué - scène 3 Utrecht 153ème Clac ! - on aurait attendu de nos messeigneurs qu'ils enfonçassent la porte de notre insondable Connerie, sans tourner clef ni poignée, mais d'un grand coup de latte à la Monluc. Car il y a urgence.
Je ne sais si les chiffres vous lassent comme le prétendent les fabricants d'opinion qui nous prennent pour des cafres, mais ils se gâtent en continu, et augurent de lendemains qui chantent en grec. D'ailleurs François Normal est allé à Athènes pour s'en faire une idée et au passage, s'essayer à l'insulte tragique, un registre peu travaillé en diplomatie, puisqu'il va proposer à l'Etat noyé jusqu'aux yeux dans la Dette et dont le peuple bouffe des rats, la vente en leasing de deux frégates de génération FREMM. C'est vrai qu'il a fait HEC.

une Fremm à 640M€/pièce, lisse
La cambrure avantageuse du chef français était au comble du ridicule à vouloir faire le grand frère attentionné si l'on sait que toute l'affaire est entre les mains de la chancellerie de Berlin et que les chiffres du premier émetteur de dette de l'Eurogroup (nous) sont catastrophiques : déficits publics tous accrus, dette souveraine et sociale en gonflement régulier, récession économique établie, déficit commercial honteux. L'Italie dont nous nous moquons avec condescendance finit 2012 avec un excédent commercial de 11 milliards d'euros !
Qu'en disent nos princes ? Que dalles ! Gueux ! Mgr Henri, qui devrait choisir un autre sujet, a reçu Le Figaro dans ses appartements parisiens pour manifester son effroi de l'apocalypse qu'ouvre le mariage gay ; son fils, Vendôme, a bravé la froidure de la Porte Maillot pour participer à la Manif pour Tous contre cette avancée sociétale ; le cousin d'Amérique a signé une belle lettre confirmant son émoi, même si l'Espagne a depuis longtemps franchi la ligne rouge. Merci à tous déjà, mais on est loin du compte. Il ne faut pas retourner à son bénéfice le leurre qu'utilise le pouvoir à masquer son impéritie, pour éviter de se compromettre sur les grands sujets décisifs toujours prégnants derrière ce fumigène socialiste. Il faut parler régime politique, calibre de l'Etat, modèle économique, modèle social, place du pays dans l'Europe institutionnelle, rang diplomatique assumé, etc... sans se priver peut-être d'élaborer un vrai Projet pour la France, ou ce qu'il en restera !

Alors gentils princes messeigneurs, veuillez remettre le crâne du Vert Galant au conservateur du Château de Pau, et ouvrir en vos différents instituts des séances de travail sur les questions qui saignent, ressortissant au domaine régalien, dit en passant, et nous épargner "ma vie, mon oeuvre", le segment historique étant jusqu'ici peu rempli. M'est avis que si Henri de Navarre retournait parmi nous, il botterait le cul de la grande fratrie bourbonnienne en leur demandant qu'est-ce qu'ils glandent foutrrrebleu ! Et si nous étions sérieux, ensemble ?


Le Roi au siège de Paris

lundi 18 février 2013

Une idée qu'elle est bonne !

«Les nouvelles sont mauvaises d'où qu'elles viennent», chantait Stephan Eicher. Croissance zéro, déficit agravé, taxes en hausse, peu d'emplois créés, beaucoup d'emplois détruits. Au milieu du marasme, Jean-Philippe Chauvin, qu'il est inutile de présenter [en photo], a lancé une idée de ruralisation pour combattre le chômage. Il est rare en pays cartésien que l'on s'attaque intelligemment aux symptômes sans vouloir régler d'abord la ou les causes du mal, ce qui aboutit le plus souvent à n'aboutir à rien car l'entreprise est colossale. L'idée pleine de bon sens est développée dans un billet du 8 janvier intitulé Une Piste contre le chômage. Prolongeons sa piste, nous en ferons un chemin. Lisez-le, ce n'est pas long, sachant qu'il n'est pas nécessaire non plus d'attendre l'établissement d'une monarchie fédérative.
Rénover l'habitat rural n'est pas une idée folle si elle ne convoque pas de gros crédits budgétaires, parce que les territoires vont être essorés par l'Etat central à compter de demain matin, c'est dans le brouillon du projet de loi de finances 2014. Sans justifier une par une les composantes du projet ci-dessous par un chapitre critique complet, en voici l'épure :

§.1- But à atteindre : rénover l'habitat ancien en groupant les interventions sur une, deux communes non encore mortes pour commencer, afin d'apporter une masse critique de population supplémentaire en termes de services publics de proximité et de chalandise.

§.2- Cadre géographique : le département. S'il n'est pas sollicité de concours financiers importants du Conseil général, il apportera sa pierre à l'édifice en termes d'autorisations et règlements divers, urbanisme, adductions, voirie... Le conseiller général peut en tirer gloire, ce qui n'est jamais négligé.

§.3- Population visée : familles nombreuses mal-logées dont un adulte travaille, afin d'atteindre plus facilement des chiffres dans un premier temps, de transférer des secours publics tant qu'il y en aura, parfois un savoir-faire ou un talent utilisable à destination, et pour parier sur l'avenir par les enfants.

§.4- Biens visés : biens abandonnés, successions vacantes, biens délaissés pour cause de rénovation lourde. Le soutien d'agences immobilières locales peut être déterminant pour sélectionner les biens transformables et ceux qui sont des loups.

§.5- Moyens d'acquisition : les hoiries vacantes pourraient être préemptées par le département qui les céderait à la structure d'aménagement privé du paragraphe 7. Les biens abandonnés devraient être déclarés tels et cédés par la même procédure. Les biens à céder contre numéraire pourraient être achetés par des SCI associant la structure du paragraphe 7 et la famille intéressée (les valeurs sont généralement faibles, voir plus bas des prix bretons affichés avant transaction).

§.6- Moyens de rénovation : c'est peut-être en ce "détail" que gît le diable. Le bénévolat n'est pas la solution ; trop d'aléas, connotation "restos du coeur". Il n'y a pas d'autre voie que de passer par un SEL¹ ou un groupe Castor². Les Impôts locaux risquent fort d'entraver l'exécution des programmes de rénovation car ils ne captent rien sur un SEL bien mené. A creuser sans retard !
(1) Système d'Echanges Locaux. L'esprit du SEL est par ici
(2) Coopératives d'autoconstructeurs ayant des accès matériaux et conseils

§.7- Structure d'accueil : une association loi de 1901 dédiée à la rénovation rurale, appelant à cotisations le plus largement possible et organisant des souscriptions village par village ou SEL par SEL.

§.8- Travail : le programme de rénovation donne déjà des heures de travail rémunérées d'une façon ou d'une autre. Sans atteindre l'autarcie, potager et basse-cour contribuent à l'ordinaire de manière sûre. Mais tout emploi extérieur au système ou à sa plus proche périphérie soulage le projet, d'où l'intérêt d'une qualification marchande des candidats. Pour mémoire, un salarié au SMIC 2013 coûte 21330 euros par an TTC.

Cet épure n'a que le mérite, s'il existe, de créer huit points de discussion et réflexion. Ce peut peut être le squelette d'un dossier qui développerait les huit points en huit chapitres constitués chacun d'une présentation, une critique franche, de tableaux et références qui vont bien (EHESS, CNRS...) ; à la réunion desquels on obtiendrait un modèle solide servant à la promotion du projet par divers canaux (recherche d'associés, soutiens départementaux, presse, réseau immobilier...). Après la confection du Plan de développement, il faudrait commencer par un canton dans un seul département. Peut-être à lancer après les cantonales mais à préparer dès maintenant pour le faire mousser pendant la campagne électorale de 2015.
A vous les studios !

90m2 sur 400m² à 22000€ à déb. au Morbihan

130m² à cloisonner dans les Côtes d'Armor, 18000€ à déb.

4 murs droits de pierres, charpente et volige sur place, 15000€ à déb. avec 400m² en Îlle & Vilaine







vendredi 15 février 2013

Démocratie obligatoire...

VOTE OU CREVE !
... où l'agonie d'un système véreux. Dommage que l'astéroïde 12DA14 nous évite ! Avec un poil de chance il serait tombé sur le Palais Bourbon. La classe politique, informée de l'aversion qu'éprouvent de plus en plus de gens à son endroit, voit dans le vote obligatoire une garantie de survie. Car s'il est des pays où les mœurs politiques acceptent qu'un adulte sur trois se déplace le jour d'une élection, l'abstention est en France un inquiétude pour le pouvoir, convaincu depuis la Révolution de la profonde inclination insurrectionnelle de l'électorat. Ne pas voter y est ressenti comme le signal d'une désapprobation latente plus qu'un désintérêt. Hélas, ces messieurs toujours en course n'ont cessé de débecter le bon peuple, non tant par leur conduite publique et personnelle qui est parfois répréhensible, que par la reconstruction à leur profit du mode d'expression d'un choix canalisé.
Truquer le mode de scrutin pour dégager des majorités relatives en rebrassant les résultats électoraux entre les deux tours, présélectionner par diverses contraintes les écuries partisanes autorisées à concourir, instrumentaliser l'administration locale au bénéfice du sortant, tout est fait pour qu'une opinion "formée" par l'école et les médias exprime un choix prédigéré, comme au sweepstake sur une ligne de chevaux préparés ; et qu'à la fin soit conduit dans les caisses des partis le flux le plus fort possible de subsides publics, outre le pouvoir acquis.

Sans faire un cours sur l'abstention, on peut rappeler qu'au-dessus d'un socle incompressible dû à l'actualité des listes ou à la présence des inscrits, s'ajoute une strate de ronchons impénitents, mais au-delà, on trouve une population dégoûtée que leur avis ne soit pas pris en compte (question des référendums) et que l'élection de représentants ne soit qu'une mise au grattage ou au tirage, les élus restant libres ensuite de faire n'importe quoi, sinon d'obéir à un caporal-chef de groupe parlementaire que l'électeur de base ne connaît pas.
A ce sujet, le processus d'élaboration et approbation du mariage gay réunit tous les vices de consentement public. Projet en poupée russe, pas d'avis éthique reçu, scrutin disciplinaire, autisme "en démocratie" à l'endroit de la foule, clivage recherché de l'opinion, affaissement de l'argumentaire au ras du caniveau. Trois pour cent des Français (3% selon la Gauche populaire¹) ont jugé la mesure prioritaire, quatre-vingt-dix pour cent exprimant la primauté du social sur le sociétal. Qu'à cela ne tienne, on va lancer le vote des étrangers dans le jeu de quilles !

La proposition de loi électorale déposée par la Droite de l'UMP (ça doit faire un petit centre) invoque les mânes des sacrifiés de l'histoire pour que vive la démocratie française, sans se douter que beaucoup de ces courageux marchaient au rythme du devoir de leur charge plus qu'à espérer sauver un régime politique précis, encore moins le présent système qu'ils auraient eu bien du mal à imaginer, tellement il est à dessein compliqué. Il se sont battus sous les ordres de leurs officiers pour bouter l'envahisseur hors du territoire et protéger leur familles, leurs copains, leur mode de vie, leurs coutumes et la liberté mesurée que leur laissaient leurs moyens de subsistance. Le mot "démocratie" est entré très tard dans le vocabulaire courant des familles, et malgré quelques échantillons éphémères en 48 et en 70, il n'a pas convaincu. Alors l'amalgame démocratie-liberté est de rigueur dans la doxa républicaine car il est plus facile de vendre le système auréolé d'une aspiration naturelle de chaque individu, la liberté, plutôt qu'un concept sec dont la définition insulte immédiatement la réalité.

La liberté sera donc balisée dans son expression et pour sa défense, sous astreinte de 15€ l'absence, portée à 45€ en cas de récidive. C'est incroyablement belge. Votez ! je le veux ! On atteint là au comble de l'infantilisation, et il m'étonnerait que le Français moyen forme les faisceaux de cannes à pêche parce qu'on le veut contraindre. De quel mandat se prévalent ces semi-députés² pour forcer les autres à entrer dans le cirque ? Celui de leur incommensurable orgueil. Vive la Confédération helvétique, NDD !




(1) courant minoritaire du PS opposé frontalement à la gauche-caviar parisienne (clic)
(2) les majorités absolue des inscrits sont très rares, sauf à offrir une piscine à chaque électeur.

jeudi 14 février 2013

Le lion édenté dans un pays à zéro


« Il y a de l'argent pour financer le maintien de l'emploi à Aulnay-sous-Bois et à Rennes. La CGT ne serait pas opposée à une entrée de l'État dans le capital du constructeur, mais à condition qu'il n'y ait aucune suppression d'emploi, aucun licenciement, ni aucune fermeture d'usine.» (Monsieur Mercier, délégué CGT PSA Aulnay-sous-Bois, le 13 février).  Si la fermeture de l'usine d'Aulnay-sous-Bois répond aussi à l'extinction d'un bastion syndical stalinien usant de violence sans vergogne à l'intérieur du site, il n'en demeure pas moins que Peugeot perd cinq milliards sur l'exercice clos. Dénoncer le jeu d'écritures comptables sur la dépréciation d'actifs industriels dans un pays où l'industrie reflue est assez scabreux mais de bonne guerre. Exiger le maintien de l'emploi à Aulnay ne dit pas pour y faire quoi. Faut-il réserver des crédits pour des tables et tapis de belote, car jusqu'à plus ample informé, les voitures françaises, formatées au marché européen, ne se vendent plus autant qu'avant. La faute à la crise de liquidités qui frappent les pays latins... et nous bientôt. Les modèles fabriqués sont moins en cause puisque ces gammes moyenne et basse continuent à se vendre dès qu'elles sont badgées made in Germany. Il est difficile aussi de faire des reproches de qualité puisque les dernières enquêtes de fiabilité ont élu Renault. Alors quoi ? L'image ? les réseaux ? Difficile à comprendre, mais à chaque heure passée à réfléchir la situation empire. Le marché français au seuil de la saturation avec 32 millions de plaques d'immatriculation s'est retourné. On immatricule moins de voitures et on fait tourner le stock d'occasion, sachant en plus que le choix de marques étrangères est retenu une fois sur deux ! Pour la première fois de l'histoire, le commerce extérieur automobiles français est devenu négatif en 2008. Primes à la casse, écotaxe et rabais constructeurs sont une drogue perverse, ils désorganisent le marché et profitent à tous les acteurs d'où qu'ils produisent, même en Corée.

Le marché à zéro !
Les lois normales d'un marché libéré des attentions gouvernementales dictent la fermeture d'unités de production surnuméraires en Europe, étant exclus de servir des marchés extérieurs plus brillants à partir des réseaux de production européens trop chers. Toyota Valenciennes qui exportent chez Toyota USA est l'exception qui confirme la règle. Des capacités inutilisées trop importantes nuisent au retour sur investissement et désintéressent les investisseurs s'il s'en trouve. Nous n'avons pas de "marques mondiales" à forte image valorisante, comme en ont encore les Anglais que l'on moque tant : Bentley, Jaguar, Land Rover, Rolls Royce, qui que soient leurs propriétaires, sont connues favorablement de toute la planète et se permettent une politique de tarif qui encaisse du prestige. Nos marques mondiales sont mortes avec nos armées en 40¹. Qui aujourd'hui rachèterait une usine automobile généraliste en France ? Même pas le Qatar. C'est pourquoi l'alliance d'Opel et Peugeot reste une énigme. Qu'a voulu faire la General Motors en prenant des actions PSA ? Stériliser une transaction préparée ailleurs chez un concurrent ? Les deux gammes sont concurrentes et Opel est limitée par GM au marché européen, sur lequel il pousse avec succès des Chevrolet sud-coréennes concurrentes directes des modèles Opel ! Sachant le marché européen congestionné pour un moment... ma langue au chat !

(1) Les grandes marques françaises ont des clubs d'anciennes dans le monde entier ; dans l'ordre alphabétique : Bugatti (renaissance en supercar chez VW), Delage, Delahaye, Hispano-Suiza, Hotchkiss, Talbot Lago, devant une douzaine d'autres qui n'ont pas démérité, comme Salmson (moteurs DACT), Avions-Voisin, Panhard & Levassor (qui fournissent les Sagaïe-canon au Mali), Chenard & Walker...


Il apparaît plus plausible que Peugeot fasse et limite l'effort sur les pays émergents où il est en retard, en y produisant localement les modèles prisés par les consommateurs du cru. Ayant annoncé qu'il entendait porter sa production expatriée à 50% de son chiffre d'affaires automobile, il indique son axe de développement et signale aux autorités que ses priorités ne rencontrent plus les leurs. L'inertie de cette industrie complexe fait que l'impulsion met en mouvement une désindustrialisation de la métropole sur un marché mondialisé. Restent les emplois !

Le pays à zéro !
Il serait moins grave de perdre des emplois s'il s'en créait à côté. Or le contexte politique hostile à l'entreprenariat dès qu'il réussit, bride l'innovation libre et les créations d'unité de production qu'elle génère. N'est-ce rien demander au régime que de lui dire d'ôter sa patte de l'économie où il n'a jamais vraiment réussi ? Un taux d'imposition personnelle de 75% est carrément grotesque ! L'Etat, dégage ! Surtout dans un pays stoppé sur place.
La Cour des Comptes s'alarme depuis plusieurs années du gaspillage éhonté de l'Etat qu'il contrôle. Au coeur même de l'Etat, elle demande de dégraisser l'Etat ; des milliards d'économies gisent sous la gabegie, la sur-administration, l'empilage des décisionnaires, la complexité des codes. Elle n'en vient pas encore à s'intéresser au régime lui-même, extrêmement coûteux dans ses assemblées redondantes, dans son train de vie de nababs, mais y sera forcée bientôt, c'est trop énorme. L'on doit dégraisser ce régime politique construit sur la multiplication des prébendes et le clientélisme latin, qui a l'illusion de commander à l'Etat. Cela libérerait beaucoup d'argent et de talents vers l'industrie de demain, industrie au sens large d'occupation des humains. Au lieu de quoi, par nos réclamations, nous confortons un Etat pléthorique qui gouverne au plus mince détail et un régime, inqualifiable prédateur de richesses qu'il ne sait pas produire, conduit par des hommes à jeun d'aucune valeur ajoutée offerte au pays par soi-même. Au lieu de quoi, la caste politique, ne s'appliquant aucune austérité sérieuse à elle-même, dirige la hache budgétaire sur la société au-dessous d'elle. Certes les comptes sociaux doivent être ramenés à l'équilibre ; des pays y sont parvenus sans détruire leur tissu social. Mais les réformes de l'Etat-providence du XX°siècle, douloureuses pour les faibles, seraient mieux acceptées si le régime et l'Etat avaient d'abord montré l'exemple ; sans se moquer des gens par des petites réductions de traitements déjà abusifs ou en empruntant le train. Rien n'indique qu'on en prenne le chemin. L'aveu d'impuissance des ministres en charge de la croissance (est-ce vrai qu'elle leur soit confiée ?) ne déclenche aucune réaction structurelle ; conjoncturelle un jour bientôt ? Quand les savants auront fini de comprendre comment ils ont bien pu se tromper.
Est-il encore temps ? Pour l'automobile, les jeux semblent faits.


- grande table à l'Elysée attendant l'appétit des faillis -





mercredi 13 février 2013

Bonne route, Votre Sainteté !

SS Benoît XVI trahie par la guenille corporelle
Le pape se rétracte¹, mais reste élu de l'Esprit Saint jusqu'au bout. S'il peut laisser à d'autres les inconvénients écrasants de la fonction séculière, nul ne peut se démettre d'une dignité in eternam telle que pontifex, celui qui forme pont entre les hommes et Dieu. Du souverain pontife il reste le pontife. Cette situation inédite dans les temps modernes d'un pape, volontairement reclus dans sa dignité spirituelle, priant en silence pour un pape en pleine charge de ses pouvoirs au balcon de la place Saint-Pierre, en étonne plus d'un dans l'Eglise romaine. Une jurisprudence se crée sous nos yeux jusqu'au 1er mars. Les exégètes autorisés livrent d'abondance motifs et circonstances, nous en retiendrons pour notre part la solitude, générée peut-être par la timidité, et l'incompréhension contingente des ouailles qui veulent du "neuf" au supermarché de la Foi et ne renvoyaient pas d'écho. Ce pape d'une grande hauteur de vue et d'une perception théologique insondable est inadapté aux évolutions à la mode qui ne sont pour lui que des sursauts d'orgueil de prélats en attente, de théologiens réformistes, d'agitateurs en conférences, soutenus par des médias largement hostiles à maintenir la maison sur ses fondations. C'est un patriarche qu'il faut lire plus qu'écouter, c'est un secondaire déstabilisé par les questions à brûle-pourpoint. Son projet était de ramasser l'Eglise d'Europe "en petits cercles vivants, où des gens convaincus et croyants agiraient selon leur foi, ainsi se perpétuerait-elle. C’est précisément ainsi qu’elle redeviendrait le sel de la terre". Durcir et non étendre, approfondir soi-même, convertir à l'excellence, tout l'opposé du mouvement du monde qui marche au Nombre.

Après l'homélie du conclave (publiée sur Royal-Artillerie le 19 avril 2005), nous éliminions alors le pronostic d'un pape cool : Que ceux qui réclament l'aggiornamento, croyant quelque part conquérir les âmes en quantités, regardent bien le fond des choses. C'est des âmes qu'il s'agit, pas des ventres ! Si l'écoute et l'humanitaire sont les seules vertus qui vaillent dans ce bas monde, qu'ils décampent et créent alors Evêques-Sans-Frontières où ils pourront à loisir faire le bien en pleine concurrence avec toutes les sectes humanitaires qui mangent sur la misère et quelques structures de purs et de fous de l'Homme avec lesquels vite ils se disputeront. Mais qu'ils laissent l'Eglise à son orthodoxie, sauf à la vouloir périe !

Nous voyons la presse aujourd'hui en faire des tonnes sur les prétendues ratées du pontificat de Benoît XVI et lister des soi-disant bévues comme le discours de Ratisbonne recadrant l'islam historique entre violence et raison, le doute émis à haute voix sur l'efficacité de la promotion du préservatif dans le combat contre le sida en Afrique (doute dont les Africains l'ont remercié de ne pas être pris pour des animaux en rut), l'explosion des affaires de pédophilie alors que cette mise au jour procédait de sa politique de nettoyage de la "pourriture de l'Eglise" qu'il avait dénoncée dans l'homélie du pallium.
Sans parler des insultes récurrentes des organes réputés satiriques et minables, la presse audio-visuelle, pour des raisons banalement anticléricales, a généralement cherché à entraver la politique de Benoît XVI qui n'était pas assez spectaculaire pour elle, jusqu'à user de sa germanité contre lui, en diminuant systématiquement la portée de ses décisions, les rapetissant à des affaires de sexe. Elle n'attendait que le mariage des prêtres ou l'ordination des femmes. La presse écrite fut plus honnête mais moins entendue. Les catholiques qui se répandent dans les micro-trottoir ne comprennent rien, qui veulent un pontife sociétal dirigeant une ONG mondiale vouée à servir la soupe aux miséreux !



Dans les armes pontificales provenant de la goupille de Munich & Freising, Benoît XVI avait choisi la coquille de saint Augustin. Méditant sur le mystère de la Sainte Trinité, la légende dit qu’il vit un enfant sur la plage jouer avec un coquillage, à l’aide duquel il essayait de puiser l’eau de la mer pour emplir un trou de sable : « il est plus difficile à ton intelligence de saisir le mystère de Dieu que de transvaser toute la mer dans ce petit trou ». Entre les scandales de la Curie, l'administration des « lobbies » qui profitent de sa moindre vigueur, le harcèlement de lourdes obligations fonctionnelles, il en a conclu que sa coquille était bien trop petite pour l'oeuvre qui lui restait à accomplir. Nul doute qu'il sortira de cette innovation un beau roman de Jean Raspail, lui qui a commis l'Anneau du Pêcheur autour de "Benoît".

Joseph Ratzinger était un phare dans la tempête du monde. Le monde n'en voulut pas voir l'éclat mais ne s'est inquiété que du battage des vagues à son enrochement.
Ce monde le méritait-il ?


(1) Benoît XVI exerce ses pouvoirs et se rétracte en vertu des canons 331, 332 et 333 du CODEX IURIS CANONICI 1983 qui disposent au Livre II que... :
Canon 331
– L’Évêque de l’Église de Rome, en qui demeure la charge que le Seigneur a donnée d’une manière singulière à Pierre, premier des Apôtres, et qui doit être transmise à ses successeurs, est le chef du Collège des Évêques, Vicaire du Christ et Pasteur de l’Église tout entière sur cette terre ; c’est pourquoi il possède dans l’Église, en vertu de sa charge, le pouvoir ordinaire, suprême, plénier, immédiat et universel qu’il peut toujours exercer librement.
Canon 332
§1.- Le Pontife Romain obtient le pouvoir plénier et suprême dans l’Église par l’élection légitime acceptée par lui, conjointement à la consécration épiscopale. C’est pourquoi, l’élu au pontificat suprême revêtu du caractère épiscopal obtient ce pouvoir dès le moment de son acceptation. Et si l’élu n’a pas le caractère épiscopal, il sera ordonné aussitôt Évêque.
§2.- S’il arrive que le Pontife Romain renonce à sa charge, il est requis pour la validité que la renonciation soit faite librement et qu’elle soit dûment manifestée, mais non pas qu’elle soit acceptée par qui que ce soit.
Canon 333
§1.- En vertu de sa charge, non seulement le Pontife Romain possède le pouvoir sur l’Église tout entière, mais il obtient aussi sur toutes les Églises particulières et leurs regroupements la primauté du pouvoir ordinaire par laquelle est à la fois affermi et garanti le pouvoir propre ordinaire et immédiat que les Évêques possèdent sur les Églises particulières confiées à leur soin.
§2.- Dans l’exercice da sa charge de Pasteur Suprême de l’Église, le Pontife Romain est toujours en lien de communion avec les autres Évêques ainsi qu’avec l’Église tout entière ; il a cependant la droit, selon les besoins de l’Église, de déterminer la façon personnelle ou collégiale d’exercer cette charge.
§3.- Contre une sentence ou un décret du Pontife Romain, il n’y a ni appel ni recours.


Postscriptum du 13.02.13 (soir)
Homélie des Cendres en la basilique Saint Pierre de Rome, dernière messe publique du pape Benoît XVI (source La Croix - original italien):

Frères vénérés,
Chers frères et sœurs,

Aujourd’hui, Mercredi des Cendres, nous entamons un nouveau chemin de Carême, chemin qui se déroule sur quarante jours et nous conduit à la joie de la Pâque du Seigneur, à la victoire de la Vie sur la mort. Selon la très ancienne tradition romaine des “stations” de Carême, nous sommes rassemblés pour la célébration de l’Eucharistie. Cette tradition prévoit que la première “station” ait lieu dans la basilique de Sainte-Sabine, sur la colline de l’Aventin. Les circonstances ont suggéré de se rassembler dans la Basilique Vaticane. Ce soir, nous sommes nombreux autour de la tombe de l’apôtre Pierre afin, aussi, de lui demander son intercession pour le chemin de l’Église en ce moment particulier, renouvelant notre foi dans le pasteur suprême de l’Église, le Christ Seigneur. Pour moi, c’est un moment approprié pour remercier chacun, spécialement les fidèles du diocèse de Rome, alors que j’apprête à conclure mon ministère pétrinien et pour demander un soutien particulier dans la prière.

Les lectures qui ont été proclamées nous offrent des éléments qu’avec la grâce de Dieu, nous sommes appelés à transformer en attitudes et en comportements concrets au cours de ce Carême. L’Église nous propose tout d’abord l’appel très fort que le prophète Joël adresse au peuple d’Israël : « Parole du Seigneur : revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les larmes et le deuil » (2, 12). Il faut souligner l’expression « de tout votre cœur » qui signifie : du centre de nos pensées et de nos sentiments, des racines de nos décisions, de nos choix, de nos actions, dans un geste de liberté totale et radicale. Mais ce retour à Dieu est-il possible ? Oui, parce que c’est une force qui ne vient pas de notre cœur mais qui se libère du cœur même de Dieu. C’est la force de sa miséricorde. Le prophète dit encore : « Revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment » (2, 13). Revenir au seigneur est possible comme “grâce” parce qu’elle est œuvre de Dieu et fruit de la foi que nous confions à sa miséricorde. Mais ce retour à Dieu devient une réalité concrète dans notre vie seulement lorsque la grâce du Seigneur pénètre dans l’intime et le secoue, nous donnant la force de « déchirer nos cœurs ». C’est encore le prophète qui fait résonner ces mots de la part de Dieu : « Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements » (2, 13). De fait, y compris de nos jours, nombreux sont ceux qui sont prêts à « déchirer leurs vêtements » en face de scandales et d’injustices – naturellement commises par d’autres – mais peu nombreux semblent être ceux qui sont prêts à agir sur leur propre cœur, sur leur propre conscience et leurs intentions pour laisser le Seigneur les transformer, les renouveler et les convertir.

Ce « revenez à moi de tout votre cœur » est ensuite un appel qui s’adresse non seulement à l’individu mais à la communauté. Nous avons entendu dans la première lecture : « Sonnez de la trompette dans Jérusalem : prescrivez un jeûne sacré, annoncez une solennité, réunissez le peuple, tenez une assemblée sainte, rassemblez les anciens, réunissez petits enfants et nourrissons ! Que le jeune époux sorte de sa maison, que la jeune mariée quitte sa chambre ! » (2, 15-16). La dimension communautaire est un élément essentiel de la foi et de la vie chrétienne. Le Christ est venu « afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (cf Jn 11, 52). Le « nous » de l’Église est la communauté dans laquelle Jésus nous réunit tous ensemble (cf Jn 12, 32) : la foi est nécessairement ecclésiale. Il est important de s’en souvenir et de le vivre en ce temps de Carême : que chacun d’entre nous sache que le chemin pénitentiel ne doit pas être vécu dans la solitude mais avec tant de frères et sœurs, dans l’Église.

Le prophète, pour finir, s’arrête sur la prière des prêtres, lesquels, les larmes aux yeux, s’adressent à Dieu pour lui dire : : « N’expose pas ceux qui t’appartiennent à l’insulte et aux moqueries des païens ! Faudra-t-il qu’on dise : ‘Où donc est leur Dieu ?’ » (2, 17). Cette prière nous fait réfléchir sur l’importance du témoignage de foi et de vie chrétienne de chacun d’entre nous et de nos communautés pour exprimer le visage de l’Église et comment ce visage peut être parfois défiguré. Je pense en particulier aux fautes contre l’unité, aux divisions dans le corps ecclésial. Vivre le Carême dans une communion ecclésiale plus intense et plus évidente, en surmontant les individualismes et les rivalités, est un signe humble et précieux en direction de ceux qui loin de la foi ou indifférents.

« Voici maintenant le moment favorable, voici maintenant le jour du salut ! » (2 Co 6, 2). Les paroles de l’apôtre Paul aux chrétiens de Corinthe résonnent encore pour nous avec une urgence qui n’admet ni absence ou inertie. Le mot « maintenant » répété plusieurs fois dit qu’on ne peut laisser fuir ce moment, que ce moment nous est offert comme une occasion unique et irremplaçable. Et le regard de l’Apôtre se concentre sur le partage par lequel le Christ a voulu caractériser son existence, assumant l’humanité jusqu’à prendre sur lui le péché des hommes. La phrase de saint Paul est très forte : Dieu « l’a fait péché pour nous ». Jésus, l’innocent, le Saint, « celui qui n’avait pas connu le péché » (2 Co 5, 21), prend sur lui le poids du péché, partageant avec l’humanité le résultat de la mort, et de la mort sur la croix. La réconciliation qui nous est offerte s’est faite au prix le plus fort, celui de la croix dressée sur le Golgotha, sur laquelle a été suspendu le Fils de Dieu fait homme. Dans cette plongée de Dieu au cœur de la souffrance humaine et dans l’abîme du mal se trouve la racine de notre justification. Le « revenez à Dieu de tout votre cœur » de notre chemin de Carême passe par la Croix, à la suite du Christ sur la route qui conduit au Calvaire, au don total de soi. C’est un chemin sur lequel il faut apprendre chaque jour à sortir toujours plus de notre égoïsme et de nos fermetures, pour faire place à Dieu qui ouvre et transforme le cœur. Et saint Paul rappelle comment l’annonce de la Croix résonne pour nous grâce à la prédication de la Parole, dont l’Apôtre lui-même est l’ambassadeur ; c’est un appel qui nous est lancé pour que ce chemin de Carême soit marqué par une écoute plus attentive et assidue de la Parole de Dieu, lumière qui illumine nos pas.

Dans la page de l’Évangile de Matthieu, qui appartient à ce qu’on appelle le Sermon sur la montagne, Jésus se réfère à trois pratiques fondamentales prévues par la Loi de Moïse : l’aumône, la prière et le jeune. ; ce sont encore des indications traditionnelles de la démarche de Carême pour répondre à l’invitation qui nous est faite de « revenir à Dieu de tout son cœur ». Mais Jésus souligne que c’est la qualité et la vérité de la relation à Dieu qui qualifie l’authenticité de tout geste religieux. C’est ainsi qu’il dénonce l’hypocrisie religieuse, le comportement de ceux qui se veulent se montrer en spectacle, les attitudes de ceux qui cherchent les applaudissements et les approbations. Le vrai disciple ne sert ni lui-même, ni le « public », mais son Seigneur, dans la simplicité et la générosité : « Ton Père, qui voit dans le secret, te le revaudra » (Mt 6 4.6.18). Notre témoignage sera d’autant plus incisif que nous chercherons moins notre propre gloire et que nous aurons conscience que la récompense du juste, c’est Dieu lui-même, c’est d’être uni à Lui, ici, sur le chemin de la foi et au terme de la vie, dans la paix et la lumière du face-à-face avec Lui pour toujours (cf. 1 Co 13, 12).

Chers frères et sœurs, commençons l’itinéraire du Carême, confiants et joyeux. Que l’invitation à la conversion, à « retourner à Dieu de tout notre cœur » résonne fortement en nous, dans l’accueil de sa grâce qui fait de nous des hommes nouveaux, l’accueil de cette surprenante nouveauté qui est la participation à la vie même de Jésus. Que personne d’entre nous ne reste sourd à cet appel qui nous est encore adressé à travers l’austère rite des cendres qui vont nous être imposées dans quelques instants. Que la Vierge Marie, Mère de l’Église et modèle de tout disciple authentique du Seigneur, nous accompagne dans cette démarche. Amen !

mardi 12 février 2013

Satan enfanté à Tunis

Une fois n'est pas coutume, nous faisons le billet sur une contribution étrangère au blogue. Malek Triki est un journaliste tunisien de Al Quds Al Arabi qui revient sur l'assassinat de Chokri Belaïd, leader d'un parti d'opposition de gauche à la règle islamique imposée par Ennahda, parti ayant accédé aux affaires démocratiquement. Immergé dans l'actualité tunisienne et bénéficiant des remontées d'information vers son journal, il trie les motifs et les motivés, et prend le risque de dénoncer.

Sauf à avoir organisé les premières élections libres dans l'histoire de ce pays, l'élite politique tunisienne n'a rien accompli du tout durant ces deux dernières années. Ces élections libres causèrent fierté et optimisme, mais ils s'évanouirent aussi vite que que le printemps orphelin fut rincé de tout bienfait conséquent par une atmosphère politique barbare. Cela vira au cauchemar - l'un parmi beaucoup dans la Tunisie nouvelle qui retourna la bénédiction en malédiction.
Ce qui demeura spécial dans ces élections est qu'elles donnèrent une majorité relative en voix (et pas de majorité absolue) à une formation dont les partisans et les jeunes croient en toute sincérité avoir acquis une « légitimité par le scrutin » voire un « mandat », la clef de toute porte, le baume à toute plaie. Dans leurs croyances, ceux qui obtiennent la majorité des voix sont les représentants de la vérité absolue, et cette cette vérité absolue est en eux-mêmes. Ils deviennent infaillibles au moins aussi longtemps que dure le mandat électoral. Selon eux, la Charia (mandatée ou légitimisée) est la pierre d'angle sur laquelle tout l'univers pivote. La légitimité est le Sidrat al-Muntahā, le lotus des confins dont la lumière marque l'accès au septième Ciel. Ce mandat électoral est une vérité indiscutable. Nul ne peut la mettre en doute. Ainsi le peuple a-t-il parlé. Et puisque le peuple a le dernier mot, il n'y a aucune question permise. Ecoutez bien païens, ennemis du parti Ennahda en charge des affaires, vous qui détestez son juste gouvernement : Stop ! Ne vous jetez pas sur les épines de la légitimité, ne vous insinuez pas entre l'ongle et la chair de son mandat légal. Décampez ! Partez ! Trouvez-vous un coin pour pleurer les larmes de votre sordide infortune. « Ô laïcs infidèles, vous les « zéro-pour-cents » qui jouez sur les mots, sur l'éphémérité des élections, prenez avec vous votre notoriété et vos martyrs et quittez notre légitimité¹ ».

Feu Chokri Belaïd
C'est exactement avec cette logique d'un dogme religieux que les partisans d'Ennahda appréhendent toute critique ou tout appel au gouvernement actuel pour remédier aux manquements. Pour cela, ils ont créé des dizaines de comptes Facebook qui appellent ouvertement au meurtre en pleine lumière. Il faut ajouter à cette énigme la masse des extrémistes (non pas des partisans d'Ennadah) qui courent la campagne et pratiquent une violence désormais reconnue contre d'innocents citoyens, des intellectuels, artistes, journalistes, brûlent le saint Coran (!) et incendient les mausolées de saints musulmans. Ces éléments prouvent l'existence d'une alliance entre les militants du parti dirigeant, Ennahda, et des extrémistes dans les rangs desquels on nomme abusivement des « salafistes » (fondamentalistes), une alliance entre les faucons d'Ennahda et les brutes d'une nouvelle secte kharajite. Cette alliance a un ennemi : le civil tunisien qui croit en la liberté et fuit l'idéologie.

Cette hostilité (enracinée de manière frappante dans l'obscurité profonde d'instincts tribaux immoraux) est organisée contre une société tunisienne libre et la conduit au seuil d'une ligne de fracture jamais vue auparavant : l'abîme des assassinats politiques.
Attendre une enquête concluante sur le meurtre ne veut pas dire annuler des évidences : le meurtre du militant de gauche Chokri Belaïd ne provient pas des partis d'opposition aux dirigeants actuels, ou des opposants à l'idéologie dite « Islam politique », ni même aux ennemis du dogme des Kharajites puritains ignorants. Plus vraisemblablement que moins, dans le contexte de haine et de ressentiment tellement omniprésents dans le pays, les tueurs doivent appartenir au camp des « révolutionnaires » protecteurs de l'actuel « mandat électoral », leurs extrémistes et leurs associés tenants de la ligne dure (plusieurs partis y compris le président et le leader du parti républicain avaient averti le martyr que sa vie était en danger). Ces extrémistes sont les coupables les plus vraisemblables dans le meurtre de ce Musulman citoyen dont les deux filles jeunes deviennent orphelines sans pitié. Il n'est pas exagéré d'arguer que celui qui a commis le meurtre, plus vraisemblablement que moins, est parti en espérant que ce crime atroce lui sera compté sur la liste de ses bons points à la droite de Dieu.

C'est la tragédie de la Tunisie d'aujourd'hui. Une bête malfaisante est sortie de la matrice de cette pure et bonne mère, qui dévore maintenant ses enfants. Sauf à se repentir et accepter comme un fait accompli la « légitimité » éternelle des nouveaux dirigeants, elle est condamnée à rester « malheureuse et désespérée² ». En vérité, cette « légitimité » est un mandat éphémère dans une obscurité absolue mais éphémère.

Malek Triki
8 février 2013


(1) le texte évoque trois vers du poète palestinien Mahmoud Darwish
(2) “malheureuse et désespérée” est une citation directe du « Moment d'euphorie de Soumaya », texte publié par Soumaya Ghannoushi, fille du leader d'Ennahda, Rached Ghannoushi, et épouse du présent ministre des affaires étrangères, Rafik Abdelssalem, lui-même mouillé jusqu'au cou dans l'affaire du Sheratongate. Le 23 octobre 2012, elle a posté sur sa page personnelle Facebook un message euphorique qui a créé beaucoup d'effervescence et chaud débat sur la blogosphère tunisienne. Elle y disait : « Puisse chaque cycle électoral être l'occasion pour vous d'être malheureux et désespérés ».


Postsriptum
Merci à Lofti Hermi pour son aide sur ce morceau de bravoure.
Original arabe sur Al Quds Al Arabi.
 Al Quds Al Arabi - La Jérusalem arabe - est un quotidien panarabe édité à Londres, réputé pour sa pugnacité et le large spectre de couverture des événements, un journal de « la rue arabe ». On pourrait le comparer au Parisien libéré.


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