vendredi 27 juin 2014

Bouvines 14

Ce billet a paru dans la rubrique "La Patte à Catoneo" sur le site LaFauteaRousseau le 18 février 2014. Les griffes du chat sortent un peu, mais pour la bonne cause. Il entre en archives Royal-Artillerie à la veille de la commémoration de cette bataille qui vit précipiter la nation française en un composé chimique qui jamais ne se liquéfia. Depuis cette date (18.2.14) des préparatifs ont eu lieu chez les royalistes pour faire mentir ce billet. Voir l'annonce en pied d'article.

Où serons-nous le 27 juillet ? Peut-être au village de Bouvines dans le Nord, dont l'équipe municipale a fait des pieds et des mains pour commémorer dignement la bataille qui (c'est notre avis) fonda la nation française. Avec seulement 750 habitants et une quête inlassable de soutiens, ils ont réussi à monter une kyrielle d'événements du 16 mars au 27 juillet 2014.

Un site très accueillant vous dit tout : www.bouvines2014.fr duquel j'extrais le premier argument :
"L’association BOUVINES 2014 a été créée pour commémorer le 800ème anniversaire de la bataille (1214-2014). Nous souhaitons faire de cet anniversaire un événement majeur sur le plan régional, national et européen. Ces événements recouvreront trois thèmes forts : la paix, la jeunesse et l’Europe."
Mais ce n'est pas pour "lancer" le cycle Bouvines 2014 que je me suis levé ce matin. Nul n'a besoin de moi.

Qu'ont préparé les royalistes pour cette commémoration ? Deux articles en double page centrale du journal ? Une conférence discrète à la Maison des Mines ? Une messe à Saint-Denis ? Huit siècles de nation méritent quand même mieux et ils sont l'occasion de promouvoir une cause française qui commence à recueillir de l'écho dans la population, à ce que rapportent les tests d'opinions : la nation, pas si bête finalement ! Mais pourquoi s'arrêter là ?

A reprendre l'Ouvrage où la raison l'a laissé la dernière fois, on retrouve une devise révolutionnaire qui fit entrer le royaume de force dans la modernité, avant que tout ne se gâte. Cette devise était frappée sur les pièces de monnaie:

Le Roi en saint Michel
La Nation, La Loi, Le Roi

Sur le premier pilier nous avons beaucoup à dire, c'est notre spécialité, ne nous en privons pas, les milices bourgeoises rejoignirent l'Ost royal pour la première fois depuis... Bouvines justement ;
sur le deuxième pilier en pleine débâcle morale encore plus, sur une justice étique, on peut faire cent pages avec un seul verre d'eau ;
et nous saurons bien expliquer ensuite pourquoi le troisième est le meilleur serre-file.
De vous à moi, ça a plus de gueule que le triptyque actuel qui ne lie que des contradictions aux frontons du régime.

J'ai noté qu'aucun prince n'avait mis Bouvines au programme. Peut-être attendent-ils une invitation gratuite du maire de cette modeste commune si courageuse. Il s'appelle Alain Bernard, quelqu'un de bien. 1214 est aussi l'année de naissance de Louis IX (25 avril), petit-fils du vainqueur de Bouvines et saint de surcroît. Conjonction utile à la propagande ou hasard du calendrier.

Alors, une grande fête champêtre royaliste ? Avec baraques à frites et super-sono ? Tonneaux en perce. Des gosses qui courent partout. Fanions et bannières en plein vent. Un concours de tee-shirts mouillés sur Harley Davidson. Quelque sorte de Biennale Blanche aérée ! Au mois de juillet n'importe quel dimanche, il fait bon dans le Nord.

Reste à trouver un champ à rave-party dans le canton de Cysoing et un peu de logistique pour ramasser les ordures.

Entre-temps voici une petite vidéo présentant l'église du village et ses vitraux. Sans prétention, mais bien faite.

Et un opuscule très illustré du monsieur qui cause dans la caméra :
Bouvines 1214 - Une bataille aux portes de Lille de Jean-Louis Pelon, chez la Voix du Nord 2014 (diffusion Decitre 6,90€)

Billet lié : La Belle histoire du chevalier Tristan


Bonus RA

Extrait du récit à la veillée que faisait Philippe-Auguste à son petit-fils, futur Louis IX (recensé par Philippe de Villiers dans Le Roman de saint Louis) :

Ils sont plus de quatre-vingt mille combattants. Nous ne sommes que vingt-cinq mille. Regarde, Louis, en face, l'Occident tout entier s'est réuni : Jean, le roi d'Angleterre ; Othon, l'empereur ; Ferrand, le comte de Flandre. Au bivouac, ils se sont tous déjà partagé le royaume. Chacun en a pris un morceau Le choc de Bouvines fut terrible et longtemps indécis. Jusqu'au moment où se joignirent à nous les communes qui portaient l'oriflamme de Saint-Denis. Mais toute cette gent de boutiquiers et de laboureurs faisait pitié à voir, effrayée par les figures terrifiantes des animaux légendaires qui décoraient les boucliers et les cimiers des nobles Saxons. Et puis, quand le soleil se leva, je les semonçai comme le renfort qui me manquait. La force était allemande. L'astuce était française. Mes hommes, une massue à la main, m'observaient avec inquiétude, ils regardaient mon bliaud blanc et ma tunique bleue déchiquetée par une chute de cheval, mon haubert d'acier éventré. J'attendis que le soleil vînt rejoindre nos troupes et se placer derrière nous, à pic de notre arrière-garde. Alors commença l'assaut des communes qui avaient le soleil derrière elles, tandis que, dans les rangs ennemis, ils l'avaient dans les yeux. Les Impériaux éblouis, aveuglés par le jeu de reflets et d'étincelles sur les casques, cottes de maille, épées et boucliers, ne pouvaient plus avancer. Nos étendards écarlates progressaient sans cesse. Un peu plus tard, j'aperçus l'empereur, au loin, de dos, en fuite. Le retour fut triomphal. Paris chantait. Sur le parcours, à Douai, Bapaume, les moissonneurs se livraient à des transports de joie, levant leurs faux et faisant tournoyer leurs faucilles ; les jouvencelles nous jetaient des brassées de boutons d'or, etc, etc (récrit sur LLL56).

La France est née à Bouvines. Jusqu'ici avions-nous le roi et cent duchés, le roi et ses barons. Au soir de l'attaque des milices communales le pays était devenu une Nation. Rien ne serait pareil ensuite.




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