lundi 27 octobre 2014

Allumez les lanternes

Libres propos laissés au Lien légitimiste, qui sont publiés dans sa 59è livraison de septembre-octobre 2014. S'abonner pour six numéros par an à prix cadeau à l'édition électronique en envoyant son chèque de dix euros au Lien Légitimiste - 2, Le Petit-Prix - 37240 La Chapelle-Blanche-Saint-Martin. Edition papier à 24 euros.

Les étés ne se ressemblent pas. L'affluence aux manifestations estivales du mouvement royaliste s'est accrue et le niveau des intervenants a monté. Nous en avons remarqué quatre.
Prenons l'exemple des Journées chouannes de Chiré-en-Montreuil (Poitou), organisées par l'éditeur Diffusion de la Pensée Française pour la 42ème fois ! La manifestation a perdu son caractère de vide-grenier des auteurs rares pour offrir un faisceau de conférences de haute tenue. Qu'on en juge au pupitre où se succédèrent les Argouarc'h, Lugan, Hillard, Pichot-Bravard. Du lourd ! Aller cette année au Camp Maxime Réal Del Sarte du château d'Ailly (CMRDS en Beaujolais), c'était s'immerger dans une analyse particulièrement fouillée du libéralisme contemporain où fut présentée aux auditeurs nombreux la crème du genre. A ce niveau, avec une prime à l'érudition, on trouvait encore l'Université Saint-Louis sous la forme d'un Camp chouan au château de Couloutre (Nivernais) ; la bonne idée est d'en avoir rapidement publié les travaux afin de nourrir la réflexion d'une pensée légitimiste intégrale¹ au risque parfois pris de l'intransigeance, puisqu'à l'UCLF on ne racole pas ! La quatrième manifestation remarquée fut l'Université d'été de l'Alliance Royale à Paris où se succédèrent Me Triomphe, Joël Hautebert, Sandrine Pico Deprez et Yves-Marie Adeline sur le thème du réveil de la France, en continuation des grandes manifestations nationales pour la famille. 2014, un bon cru donc !

Tout cela concerne quelques centaines de personnes. C'est le syndrome du royalisme français, sa confidentialité, la crainte de se compromettre socialement, ce vieux respect humain ! Justement, les universités d'été apportent au royaliste les clefs utiles pour se défendre du scepticisme ambiant lorsque, plein de courage, il aborde en public la pertinence du système monarchique. Dérision, quolibets, querelle dynastique, mœurs princières ? Yves-Marie Adeline avait construit un dossier questions-réponses très utile au début de l'Alliance royale pour armer la réplique. Aujourd'hui, l'Union royaliste Bretagne Vendée militaire cherche à produire un format de propagande abrégé et percutant - exercice difficile - dans une série de minutes qui en font trois. De son côté, le camp « ultra » a délibérément choisi la formation approfondie en cellule locale pour armer les cœurs et diriger les consciences au sein du cénacle, et n'entend pas sortir en ville autrement que pour commémorer une page d'histoire. Ses travaux sont assez pointus et réservés aux cerveaux de la Cause. Recrutant toujours des jeunes gens pleins d'allant, les associations d'Action française en restent à la vente à la criée et aux conférences pugnaces ; on y colle aussi d'abondance.

Toutes ces structures brassent beaucoup de matériau, souvent de qualité, mais à quel effet finalement. Soixante CMRDS - c'est la manifestation la plus ancienne après le pèlerinage à Sainte Anne d'Auray - n'ont abouti à rien de tangible dans l'espace politique. La question qui se pose est très simple : veut-on avoir raison seul dans son coin pour satisfaire un mode de vie plutôt élitiste et une pensée érudite fondée sur ce qui fut le meilleur de la France ; ou bien veut-on changer, voire faire changer le système politique qui est en train de nous anéantir. Car il est vain de vilipender la classe politique en cour, de marcher mécontents par milliers entre Denfert et Champ-de-Mars, quand on n'a aucun but à atteindre après l'extinction des feux de l'actualité ?

Si la voie démocratique ascendante est débinée chez nous - on comprend le dépit des cadres de l'Alliance royale - y arrivera-t-on par en haut ? C'est la tentation des structures désarmées pour convertir en masse. Ce modèle a de grands ancêtres, les Jésuites à la cour impériale de Pékin et moins prestigieux, les Francs Maçons de l'aristocratie d'Ancien régime. En fait, si l'on excepte le jeu de chat et souris entre le président Charles de Gaulle et le défunt comte de Paris, réitéré sous François Mitterrand avec le même succès (?!), la dernière fenêtre d'opportunité d'une restauration par le haut s'ouvrit au moment de la constitution d'un gouvernement français en Afrique du Nord pendant la seconde guerre mondiale. A la veille de Noël 42, L'amiral Darlan est assassiné à Alger. Le 26 décembre à 11 heures, débarque à la villa Montfeld, où réside le général Giraud, le Prétendant qui lui demande de restaurer la monarchie maintenant en le nommant en lieu et place de l'amiral mort... mais tiède, le dit-défunt étant présentement livré aux condoléances populaires dans une chapelle ardente de la ville. L'affaire ne traîne pas et Henri d'Orléans est mis dans l'avion pour le Maroc espagnol au simple motif que le peuple n'est pas mûr pour une restauration qui ajoutera au désordre des circonstances.
Le commandant-en-Chef Henri Giraud était convaincu en son for intérieur² que la monarchie est un système éprouvé et qui donne l'avantage dans bien des domaines, mais au moment, elle était invendable et accessoirement, il ne se sentait pas la vocation d'un Monk ; son truc c'était la guerre !

La guerre est finie depuis sept décennies demain. Le peuple est-il mûr maintenant pour entendre les termes de l'offre politique ? Si la réponse est non, qu'avons-nous fait depuis la guerre ? Bien des choses certes, mais nous n'avons pas ré-acclimaté la monarchie dans l'Opinion. Or accepter les réalités nous indique que l'affaire sera tranchée un jour par cette Opinion méprisée, par ce peuple qui au bout du compte arbitrera le changement de paradigme au sens où l'entendait Louis XV en cas d'extinction dynastique³. La Nation est incontournable.

Pour cela il faut convaincre largement, non tant de plébisciter un roi en devenir que de laisser passer le roi accédant, voire d'y seulement consentir tacitement ou par désintérêt ; ce serait le minimum. C'est un long travail en ambiance hostile qui convoque, outre la patience prônée par les chapelains en attente de résultats, des ressources de tous ordres et financières aussi, auxquelles adosser des moyens d'attaque sur le terrain de la reconquête.

Tout serait plus facile si nous avions le plan. Que celui qui connaît la feuille de route royaliste lève le doigt. La question est posée à tous les maîtres de chapelle puisqu'ils ont saisi la badine de lieutenant général qu'on leur tendait, prenant aussi l'obligation qui va avec, répondre et assumer. Quels sont les objectifs ? Osera-t-on une gestion sanctionnée par des résultats mesurables ? Finalement, où veut-on aller et comment ? Ce serait la moindre des choses que les responsables allument les lanternes avant d'appeler les cotisations, mais surtout avant de mouiller de jeunes militants dans des gardes à vue éprouvantes.

(1) Cahiers Saint Louis 2014
(2) Un seul but, la Victoire, Ed. René Julliard Paris 1949
(3) Déclaration du 26 avril 1723 sur la succession à la couronne donnant la parole à la Nation

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