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Brexit or Not To Be !

Au lendemain de la victoire des Tories aux Communes, j'ai été très surpris de l'agressivité à l'antenne d'un économiste officiel, d'ordinaire si bonhomme, qui vouait la Grande Bretagne aux gémonies et annulait d'un trait les prétendus succès de la coalition sortante. Alors j'ai compris que l'économiste officiel grassement payé au mois - c'est Elie Cohen - se sentait insulté par la prétention britannique à mettre en débat sérieusement la voie de la longue marche vers la fédération des Etats-Unis d'Europe.
Incapable de projeter aucune alternative heureuse puisqu'il lui est impossible de s'arracher au sillon européiste, le génie des amphithéâtres s'obstinait à développer les fondamentaux britanniques existants dans tous leurs travers, si tant est qu'il les prît tous. J'ai alors ressenti de la pitié pour un con ! Normalement sur scène, la régie lance là le Requiem de Gainsbourg. Je vous le mets quand même ?



La Grande Bretagne a ceci d'original qu'elle déroute toujours ceux qui veulent s'en repaître. On ne donnait pas cher de l'Angleterre quand l'Invincible Armada de Philippe II se mit en lignes de combat en 1588 ; les préparatifs d'invasion lancés à Boulogne en 1805 par Napoléon Ier montraient à tous où se poseraient les lauriers de la fortune ; plus tard, même Göring avait compris que c'en était fini de la morgue anglaise quand la France fut couchée ! Et ben non ! Monsieur Cohen a séché les cours d'histoire. Oublions-le.

Certes le vieux combat de l'archipel britannique contre le continent se s'est jamais éteint complètement. Mais alors qu'il convoquait toujours la France de la vieille monarchie, il se passe aujourd'hui entre le IV° Reich revenu, avatar moderne de la Prusse de Frédéric le Grand, et la thalassocratie de référence qui va encore nous surprendre. Nous, les phraseurs, nous avons disparu. C'est facile à comprendre, déjà, car l'histoire du futur n'est tracée nulle part, elle est faite d'hommes : qui est David Cameron ?

C'est un fils de la gentry anglaise qui n'a pas que des origines aristocratiques. C'est un aristrocrate pur sang, au CV impeccable, éduqué dans l'emploi (source), avec une vision du monde, une spiritualité, de ceux qui ne courent jamais sous la pluie.


David rentre au Ten avec son épouse, pas avec une p...

Qu'avons-nous en face ici ? François Hollande ? Manuel Valls ? Michel Sapin ? Pierre Moscovici ? Ajoutons Nicolas Sarkozy pour faire le poids. Ce n'est pas que nous souffrions d'un déficit d'élite, mais notre système politique sélectionne les médiocres, la plupart issus de la fabrique des robots de Strasbourg, l'ENA. Le dernier chef d'Etat français qui lisait de la littérature est François Mitterrand ! Nos élites sont "ailleurs". Il est inutile d'épiloguer sur ce plan.

Ce n'est pas pour autant que David Cameron aura la partie facile avec l'Allemagne et ses alliés de circonstance, la France et l'Italie. Il veut établir clairement une confédération européenne dont le coeur battant restera le Marché commun, alors que les continentaux veulent marcher à la fédération politique, quitte à diviser le groupe en plusieurs sous-groupes de vitesses différentes. En fait, et sans y faire référence continûment, ils clonent les Etats-Unis d'Amérique avec des spécificités cosmétiques locales. Mais l'anglais règne déjà en maître à Bruxelles, un signe qui ne trompe pas sur le mouvement de fond.

Si les choses tournent mal, au-delà des calculs "avantages et inconvénients" des comptables en lustrines, la Grande Bretagne pourrait ne pas partir seule. Le Danemark, l'Irlande pourraient être intéressés - ils forment déjà le trident rétif*, et les Pays Bas aussi, qui ont voté "non", comme la France à la constitution giscardienne. Ce groupe très maritime peut intéresser la Norvège et l'Islande qui ne sont pas de gros PIB mais de grandes ZEE (zones économiques exclusives maritimes), et revenir immédiatement dans le jeu par derrière en s'intégrant au TAFTA qui reste positionné au coeur du trafic dans le plan mercantile anglo-saxon ; sans avoir à traîner de casseroles de politique étrangère comme la Commission européenne les crée à longueur de temps.

Rien n'est joué et le combat anglo-allemand peut desserrer les mâchoires du piège à cons, à la réserve près d'une stratégie cachée de Berlin telle qu'en prêtent aux Allemands des gens aussi divers que Pierre Hillard, Jean-Luc Mélenchon ou Marc Fiorentino qui pour sa part verrait bien un couplage Brexit-Grexit à l'instigation des Huns. Mais personnellement, j'opterais pour la thèse d'une primauté de la Deutschland AG en toutes choses. Le Brexit ne lui coûte rien, l'inverse non plus.

Puisqu'on a ouvert la boîte à gifles, on va terminer par un Rule Britannia de derrière les fagots :



(*) Le Royaume-Uni, le Danemark et l'Irlande bénéficient d'une clause OPT OUT dans les domaines d'asile et d'immigration, et spécialement la GB dans ceux de la monnaie commune, de la Justice, police et Défense (DK aussi).
Cf. la Wikipedia en six cartes sur les op-outs européens.

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