lundi 20 juillet 2015

IV.- Patrie et humanité

Nous terminons aujourd'hui notre cycle "Patrie" commencé le 8 juin, destiné aux jeunes militants et à ceux qui iront au CMRDS 2015*, à partir des cours de philo d'André Bridoux (1893-1982). Voici la quatrième et dernière lecture.

I.- Terroirs et frontières
II.- Race, langage
III.- Coutumes et communauté
IV.- Patrie et humanité

Royal-Artillerie de 1745


Préambule

L'année 1709 où le royaume de France est très menacé par la coalition des Anglais, Autrichiens et Hollandais dans la Guerre de Succession d'Espagne, Louis XIV appelle au sursaut la nation en ces termes : « Quoique ma tendresse pour les peuples ne soit pas moins vive que celle que j'ai pour mes propres enfants, quoique je partage tous les maux que la guerre fait souffrir à des sujets aussi fidèles, que j'aie fait voir à toute l'Europe que je désirais sincèrement les faire jouir de la paix, je suis persuadé qu'ils s'opposeraient eux-mêmes à la recevoir à des conditions également contraires à la justice et à l'honneur du nom français ». (texte intégral de l'appel du 12 juin 1709 lu dans les 39000 paroisses de France). En 1711, ce sera Denain ! Mais la force de cohésion et de riposte de la vieille nation gauloise doit être canalisée. A défaut, elle peut être dévastatrice comme l'ont montré les guerres européennes de la Révolution et de l'Empire. Voici ce qu'en dit Bridoux en 1944 :

41.- Nécessité de son éducation : Patrie et Humanité

Comme les sentiments familiaux, l'amour de la patrie doit être soumis à une éducation morale. Lorsqu'il est abandonné à lui-même, à plus forte raison lorsqu'il est soumis à des excitations imprudentes, il s'exaspère aisément ; il peut alors aveugler l'homme et l'entraîner à l'impérialisme, à la haine de l'étranger, au mépris des sentiments humains. Nous trouvons un excès de cet ordre dans le fameux vers de Corneille : «Albe vous a nommé, je ne vous connais plus.» Lorsqu'il est indiscipliné au contraire, loin de compromettre en nous les sentiments pacifiques et humains, il en facilité l'éclosion.

D'abord, on doit y puiser le ferme propos de ne jamais offenser la patrie des autres. Surtout, la patrie peut et doit être l'école de l'humanité ; c'est dans son atmosphère que nous faisons l'apprentissage de sentiments et des vertus qui pourront ensuite être étendus au-delà des frontières. Comment aimer les hommes si on ne les aime pas d'abord dans ses compatriotes ? Qu'on le veuille ou non, l'homme n'est pas un idéal abstrait ; il appartient à une patrie, comme à une famille ; on ne le trouve que là. Dans les relations humaines, il faut nécessairement compter avec les patries.

Le sentiment d'appartenir à une patrie indépendante et prospère est dans l'âme d'un homme la pièce principale, la clef de voûte. Quand cette pièce vient à manquer, c'est-à-dire dans la ruine de la patrie, tout s'effondre. Le salut de la patrie maintient tout.
Il y a peu de choses qui soient au-dessus de l'amour de la patrie et des devoirs qui lui correspondent. Clemenceau disait : «J'ai connu le monde, eh bien, pour moi ce qui compte, c'est l'amour de la France.» Peut-être n'y a-t-il rien de plus émouvant dans notre histoire que la visite qu'il fit en juillet 1918, dans les lignes de Champagne, aux troupes sacrifiées qui devaient faire face à la dernière offensive. Dans un des postes les plus menacés, les soldats lui offrirent un petit bouquet de fleurs des champs : «Mes enfants, leur dit-il, ces fleurs iront dans mon cercueil.» On sait qu'il a tenu parole.

42.- La nation est une âme, un principe spirituel

Avec le temps, les enfants d'une même patrie sentent de plus en plus la force du lien qui les unit. Ils acquièrent une sensibilité commune, ils sont rapprochés par les mêmes souvenirs et les mêmes espérances, ils sont animés d'un vouloir-vivre commun. A la longue ils prennent conscience de n'avoir qu'une seule âme, d'être une seule personne, de former une nation. La nation est un être collectif, qui possède néanmoins l'unité sprituelle, comme la personne, et qui en prend conscience. Nul ne l'a mieux dit que Renan, dans une page justement célèbre... Ndlr : que tous les royalistes connaissent par coeur (le fameux texte de 1882 est ici).

(*) Camp Maxime Real del Sarte organisé chaque été par l'Action française depuis 1953. Il se tiendra cette année au château d'Ailly, à Parigny (Loire) près de Roanne, du 17 au 23 août 2015.



43.- Conclusion du cycle

- Maréchal Blaise de Monluc -
grand dépêcheur devant l'Éternel
S'achève ici le cycle de quatre lectures préparatoires au CMRDS 2015. On peut aussi s'en passer et y aller quand même. Plutôt que de vous soumettre un résumé de synthèse dans le procédé académique, le Piéton du roi vous fait part en conclusion d'une réflexion métaphysique qui laisse aujourd'hui douter de l'élan du sacrifice patriotique.
Dans les siècles passés, l'espérance de vie des gens en nos contrées était la moitié de celle d'aujourd'hui. On pouvait donc attendre la force de l'âge et disparaître par après, naturellement. La force de l'âge était aussi celle de combattre à la guerre et, même si l'envie de vivre aussi longtemps que possible existait bien sûr, le risque d'abréger une vie pas si longue finalement laissait accepter le risque de la perdre. On prête aux Sioux de Little Big Horn un orgueil raisonné dans la fameuse phrase «C'est un beau jour pour mourir!» mais on ne se disputera pas pour savoir si elle ne fut pas prononcée aussi sur bien des champs de bataille d'Europe s'il faisait beau et quand on se tuait à la main. L'expression courante utilisée pour tuer son adversaire était d'ailleurs de le "dépêcher".

La société moderne a sacralisé la vie en voulant faire oublier par maints artifices à tous ses consommateurs leur fin inéluctable. L'instinct de survie de l'espèce est un renfort appréciable du mercantilisme, et pour tromper son monde jusqu'au bout on en vient même à embaumer les cons. Dans cet environnement qui pousse à vieillir le plus longtemps possible (certains disent "vivre vieux" mais la vérité c'est "vieillir" pour finir dans des branchements de tuyaux) il me semble hasardeux d'appeler au sacrifice la nation comme Louis XIV avait su le faire avant la bataille de Malplaquet.

Les témoins de la mobilisation de 1939 me l'avaient confié : dans les trains de mobilisés, c'était bien plus la résignation que l'enthousiasme de 14, état d'esprit défaitiste que les observateurs mettront sur le compte des pertes de la Grande Guerre qui avaient touché toutes les familles, toutes les villes et villages : cette nation était déjà trop morte pour remettre ça ! Sans préjuger donc de la prochaine mobilisation, je crains que le ciment de la patrie ne s'effrite bientôt, non tant par les coups de boutoir des étrangers qui sont bien réels, que par la résignation des nationaux. Les patries meurent aussi, dit André Bridoux. Ceux qui accourent à nos frontières ont pour beaucoup perdu la leur.

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