lundi 27 juin 2016

Fédération d'Europe occidentale

Nous y voilà ! Non pas au début de la rupture anglo-européenne mais au jour de l'analyse de ce séisme et de ses conséquences. Sombre lundi ! Tout blogue se flattant de faire un peu de politique y est contraint forcé. Royal-Artillerie ne déroge pas à la règle mais prend le parti de ne pas remâcher les causes qu'un milliard d'internautes connaissent depuis ce matin sur le bout des doigts. Tabula Rasa. L'Europe est continentale désormais mais accepte l'Eire, Malte et Chypre quand même. Comment faire marcher ce grand corps malade qui va de l'Ile de Fer (Hierro) jusqu'à Kirkenes, cet empire impuissant, ce patchwork de nations antagonistes depuis la fin de la pax romana ? Et pourquoi d'abord le maintenir, voire le créer ?

L'autonomie des nations gît aujourd'hui dans le rapport de forces. Exit le concept d'indépendance au XXI°siècle, la globalisation en a eu raison, la tectonique des empires mondiaux ne laisse aucune chance aux petits et moyens pays sauf à être aussi insignifiants que la Papouasie-Nouvelle Guinée, et on peut le regretter. La France en fait la douloureuse expérience en maintenant une gabegie éhontée envers et contre tous les signaux de danger : elle ne gouverne plus sur sa zone d'influence - nous sommes les supplétifs du Pentagone - et dans les positions historiquement consenties tels le Conseil de Sécurité, le Fonds monétaire international, nous sommes en mode mineur même si les reliquats sont moins insignifiants que ne le pensent les Français de France, comme l'affirme Hubert Védrine. Mais bon, difficile aussi de résister au passage de la tornade des nains par l'Elysée.

L'exemple de proximité sur la difficile autonomie des petits pays est la Suisse. En dépit des lois internationales protégeant la souveraineté des nations constituées en Etat, l'ingérence du Fisc américain relayé par le Fisc allemand a pulvérisé le secret bancaire qui faisait la fortune de la Confédération, et les chicayas bruxellois incessants sur la circulation des marchandises ont amené le Conseil fédéral de Berne à entrer dans le traité de Schengen dans le cadre d'une européisation progressivement imposée de l'extérieur. L'union fait donc bien la force si elle aboutit à créer une masse spécifique qui impressionne l'adversaire. A cet égard, une union des républiques alpines (Suisse, Autriche, Liechtenstein, Slovénie) n'aurait pas donné grand chose de plus dans la dispute fiscale internationale.
Faire le poids était bien l'intention des fondateurs de la Communauté européenne, mais il ne s'agit pas que d'agréger des peuples et des PIB. Un milliard de bœufs chinois ne pèse pas si lourd contre la coalition de tous les contempteurs de l'hégémonie céleste : ils ont retourné contre eux tous les riverains de la Mer de Chine méridionale qui sont passés à l'ennemi héréditaire américain et le Japon en prime. Il faut que la masse acquise dans l'union soit actionnée, en un sens gouvernée.


Il y aurait plusieurs façons de faire mais un problème existe quand à l'étoffe des chefs de gouvernement. On imagine par moment la chancelière prussienne dans l'emploi d'un Adenauer, mais autour d'elle c'est le désert. N'épiloguons pas, c'est facile, tant ils sont "petit jeu". La meilleure stratégie bute toujours sur les capacités de mise en œuvre. Rangées des voitures, il y a bien des personnalités fortes comme Romano Prodi (Siméon de Bulgarie est trop âgé) mais les médiocres en poste actuellement, se revendiquant de leur élection, barreront le passage. Quoiqu'il en soit des acteurs en scène au moment, le dispositif gagnant pourrait être une fédération de type helvétique des fondateurs, dans le cadre d'une confédération englobant les autres, parfois fédérés entre eux comme pourraient le faire les quatre pays scandinaves (DK, SW, SF, ES) ou les pays danubiens.

A cet égard, nous considérons que l'appartenance à l'eurogroupe est un choix technique financier sans incidence sur la stratégie. Oui, c'est un parti-pris politique...

Les instruments de pouvoir de l'Union rénovée ne peuvent pas être moins qu'une diplomatie intégrée de la confédération avec un siège au Conseil de Sécurité des Nations Unies - celui de la France -, et au moins une armée intégrée de la Fédération occidentale (la CED). Les autres instruments de pouvoir existent déjà, comme la banque centrale européenne (BERD et BIRD en sus), l'Agence spatiale européenne, EUROPOL (FBI), EUROJUST (parquet commun), ITER (énergie nucléaire) parmi les plus importantes. Reste à créer :

- un code commun des impôts de base pour en finir avec la concurrence fiscale
- un code essentiel du travail donnant les limites (terminé les foutaises des emplois détachés au régime social de souche !)
- un corps confédéral de garde-côtes
- un corps confédéral de garde-frontières
- des arsenaux fédéraux pour gagner en volume

Mais vu où nous sommes rendus ce lundi matin, aucun ou presque des bureaucrates européens en poste n'est destiné à y rester plus longtemps que l'hiver qui vient. Il faut partout du sang neuf et des correspondants de haut niveau dans les capitales.


CEE 1957 - De Flensburg à Tamanrasset


Le reproche fait le plus fréquemment à une fédération des pays fondateurs est qu'elle pousse à une subsidiarité qui jusqu'ici a échoué. Outre le fait qu'elle n'a pas échoué partout - l'aménagement des territoires peut en témoigner - il faut cuire un gâteau avant de l'apprécier. On peut donc rétorquer que les graves insuffisances du dispositif actuel viennent d'abord d'avoir maintenu les moteurs européens au point fixe depuis vingt ans sans faire décoller l'avion parce que justement à 28 il était trop lourd, d'une part ; d'autre part, qu'au pantographe de la mondialisation, la proposition souverainiste du repli sur soi nous précipite dans le destin du Portugal (la formule est du général De Gaulle). Mais la position de la France seule n'est pas méprisable si l'on veut bien accepter que ce pays ait fait son temps dans le grand concert du monde. Nous resterons la terre de la gastronomie, du luxe et des recherches inutiles et dispendieuses, et financièrement, la reine des gitans. Après tout, serons-nous si malheureux ?

En fait il n'y a pas le choix. Nous ne nous résignerons pas. Alors, organisons à six un avenir puissant, en dehors des coquetteries littéraires du parti des raéliens qui rêvent pour nous d'un XVII°siècle par magie revenu.


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