Ce billet a paru dans la rubrique Libres propos du Lien légitimiste n°69, tombé dans les boîtes fin juin (p.17). Ecrit bien avant le référendum britannique, il anticipait sans le savoir la fracture du Royaume Uni par l'exercice du procédé démocratique le plus brutal possible. Galles et Angleterre s'opposent désormais à l'Ecosse et l'Ulster. Londres fait sécession intérieure. L'ancrage monarchique qui tenait ensemble tout l'attirail grand-breton ne semble pas suffire, mais un Premier ministre adroit fait le projet de circonvenir ses pairs au Conseil européen pour satisfaire les brexiteurs sur la forme et les hérauts du libre échange sur le fond.
Le RU est une fédération de quatre nations, la France un Etat-nation. C'est la différence entre nos deux pays qui laisse tout son intérêt au billet du Piéton réclamant de ré-aimanter la société autour d'un souverain. Cet intérêt est décuplé par la demande anxiogène des Français d'être enfin gouvernés par des hommes en lieu et place des bêtes à concours qui trustent le pouvoir par le jeu mortifère des partis politiques. La constitution de 1958 était faite pour un chef d'Etat naturellement fort, elle fut de bonne application pour son "dauphin" Pompidou, mais montra bien des défauts quand les coteries partisanes la submergèrent ensuite. Il n'est plus besoin d'avoir autorité et charisme aujourd'hui pour prétendre à gouverner la France, mais de soumettre à ses vues un parti rassemblé et convaincre de nombreux sponsors. Nous sommes bien loin de l'ordre naturel. Ce billet entre en archives Royal-Artillerie sous le libellé LLL.
Bimestriel sur abonnement pour dix euros en version électronique et trente euros pour la version papier (6 numéros). Envoyer le chèque à : Le Lien Légitimiste 2, Le Petit-Prix 37240 La Chapelle Blanche Saint Martin.
Le RU est une fédération de quatre nations, la France un Etat-nation. C'est la différence entre nos deux pays qui laisse tout son intérêt au billet du Piéton réclamant de ré-aimanter la société autour d'un souverain. Cet intérêt est décuplé par la demande anxiogène des Français d'être enfin gouvernés par des hommes en lieu et place des bêtes à concours qui trustent le pouvoir par le jeu mortifère des partis politiques. La constitution de 1958 était faite pour un chef d'Etat naturellement fort, elle fut de bonne application pour son "dauphin" Pompidou, mais montra bien des défauts quand les coteries partisanes la submergèrent ensuite. Il n'est plus besoin d'avoir autorité et charisme aujourd'hui pour prétendre à gouverner la France, mais de soumettre à ses vues un parti rassemblé et convaincre de nombreux sponsors. Nous sommes bien loin de l'ordre naturel. Ce billet entre en archives Royal-Artillerie sous le libellé LLL.
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« Puisque donc l'âme est immortelle, qu'elle a éprouvé de multiples réapparitions, et contemplé toutes choses, celles de ce monde et celles de l'Hadès, il n'est rien qu'elle n'ait appris, si bien qu'il n'est nullement surprenant qu'à l'égard de la vertu comme de tout le reste, elle soit en état de se ressouvenir de cela même qu'elle savait antérieurement. Car, puisque la nature tout entière est liée par des affinités, et que l'âme a appris toutes choses, rien n'empêche qu'en se remémorant une seule chose, on ne retrouve de soi-même toutes les autres, à condition d'être courageux et d'une endurance sans faille dans la recherche ; car ce qu'on nomme chercher et apprendre n'est en somme que réminiscence.» (Socrate* à Ménon dans un dialogue de Platon sur la vertu).
Comme s'il se souvenait d'un ordre naturel vieux comme le Temps, le petit d'homme organise d'instinct son environnement social en pyramide (famille, école, équipe sportive) et l'âge venant il ne s'en départit pas jusqu'à ce qu'on le force à raisonner sur d'autres bases. Est-ce cette inclination qui fait le succès des rois dans l'esprit humain ? Depuis l'aube du monde, l'espèce s'est organisée en pyramide et si d'aventure il s'est vu un peuple différent du modèle courant, il n'en reste rien, à croire qu'il n'a jamais existé. C'est le drame de l'impossible organisation par l'horizontalité, par la démocratie : l'être humain en ressent d'abord le côté artificiel, plaqué sur sa nature profonde, avant que d'être forcé d'y croire par une doxa politique de consommation courante, même si au bout du bout, il s'avère que ça ne marche pas. C'est le point où est rendu notre bel occident, pour paraphraser Maurras. La démocratie d'étage régalien ne marche pas. Pour preuve, à l'étage fédéral on lui substitue la technocratie, seule organisation capable apparemment de développement cohérent. En revanche, au niveau local l'arbitrage démocratique reste pertinent, soyons juste.
Les défauts inhérents au suffrage universel ont partout suscité des protocoles d'application censés les surmonter. Notre pays, dans ses modes de scrutins avantageant le bipartisme, est un champion de la fabrication des résultats électoraux, dès lors que le peuple est un souverain incapable. Mais le constat n'est pas nouveau. Proudhon** allait jusqu'à nier en termes définitifs le peuple remis en selle par la Deuxième République :
«Le Peuple, non plus que Dieu, n'a des yeux pour voir; des oreilles pour entendre, une bouche pour parler. Que sais-je, s'il est doué d'une espèce d'âme, divinité immanente dans les masses, comme certains philosophes supposent une âme du monde, et qui, à certains moments, les émeut et les pousse; ou bien si la raison du Peuple n'est autre que l'idée pure, la plus abstraite, la plus compréhensive, la plus dégagée de toute forme individuelle, comme d'autres philosophes prétendent que Dieu n'est que l'ordre dans l'univers, une abstraction ? Je n'entre point dans ces recherches de haute psychologie: je demande en homme pratique de quelle manière cette âme, raison ou volonté, telle quelle, du Peuple, se pose, pour ainsi dire, hors de soi, et se manifeste ? Qui est-ce qui peut lui servir d'organe ? Qui a le droit de dire aux autres : c'est par moi que le Peuple parle ?»
(Solution du problème social, 1848). Et le même de pulvériser ensuite le suffrage universel qui n'est que l'arithmétique d'un arbitrage atomisé par des individus tous inégaux dans leurs capacités d'appréhension des questions sociales, en d'autres termes : faire droit à la quantité jusqu'à ce qu'une fraction de l'Opinion dépasse, même d'un cheveu, les autres pour les combattre légalement, les pressurer, le comble de la stupidité ! C'est le ferment des guerres civiles rampantes qui hantent la République depuis son rétablissement.
Nos concitoyens sentent bien au fond d'eux-mêmes que notre société est dans l'erreur. Ils ne perçoivent pas l'âme collective dans le désordre ambiant, il faut leur signaler qu'il n'y en a jamais eue. Le peuple n'a pas d'âme, son expression est fabriquée. Dans le passé, on le leur a fait croire mais dans les faits, la démocratie en ses meilleurs moments ne fut que le socle d'élection d'une nouvelle aristocratie capable de gouverner les corps sociaux jusqu'à ce que la dispute intrinsèque au modèle achète l'un et l'autre par le débondage de privilèges dévorant le capital de la nation pour en distraire le plus possible au profit d'intérêts particuliers, relançant déjà l'affrontement des factions que l'on avait su un moment apaiser. Le peuple, certes sans "âme" mais pour le coup unanime, constate la chienlit générale et l'incapacité des procédures politiques à y porter remède : les taux actuels d'impopularité sont accablants. De quelque bord qu'on l'observe, le système est récusé tous les jours dans son financement, ses modes opératoires, sa pseudo-aristocratie.
Le pays est écrasé de dogmes étatiques portés par une caste de fonctionnaires pléthorique qui finit par engloutir la valeur ajoutée de l'activité économique du secteur libre, sous le regard impuissant d'une caste politique, immense elle-aussi, et dont beaucoup de membres sont des fonctionnaires protégés, caste qu'il faut nourrir d'abondance dans ses réclamations et ses inutilités. Conscients de la captation de l'héritage républicain par une nomenklatura plus habile que savante, certains bégaient une resucée de la Quatrième république sous un numéro Six, plus encore soviétisée que le gouvernement provisoire de la Libération ; d'autres poussent à réduire un Etat impotent au bénéfice d'une approche technique des défis mondiaux par des équipes compétentes au niveau européen ; les rêveurs appellent à nationaliser des capacités de décisions qui ont disparu à jamais du fait de l'incurie crasse de notre propre Etat-nation ! Aucun, du moins si peu, n'appelle à revenir au modèle naturel ressenti en chacun depuis toujours : la pyramide et sa pointe immobile qui sert d'amer à tout le pays.
Nous devons retrouver le sens du monde en reconstruisant nos sociétés dispersées aujourd'hui en groupuscules hostiles. Le plus simple n'est-il pas d'y réintroduire d'abord l'aimantation générale que constitue partout ailleurs l'affection des peuples pour leurs souverains de chair et d'os ? Et d'accord enfin sur ce premier point, commencer à hiérachiser nos priorités d'intérêt général pour construire le Projet commun dont la France a maintenant un besoin urgent, à peine de fondre comme neige au soleil dans le magma global dont elle n'a pas su tirer tout le parti possible. Il nous reste peu de temps pour exercer ce qu'il nous reste d'autonomie à réparer notre pays. Le temps ? L'organisation mondiale des blocs en cours pourrait bien nous le prendre. Hâtons-nous !
* « Non seulement Socrate est la plus pure incarnation du bon sens et de la philosophie pratique dont la Grèce ait fourni le modèle, mais il demeure l'immatérielle image du beau moral et du vrai, non moins que l'exemple de la valeur civique et militaire, le symbole de la mort du juste » (Joseph Orsier). Lisez Socrate (chez Platon) un philosophe des plus modernes et des plus "clair" dans sa tête, qui vous changera des philosophes germaniques obscurs à la mode ! Nous avons été créés par la thalassocratie grecque et nous ne venons pas des landes de Courlande ni des marais de Poméranie, l'agonie du néant.
** Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865), un des plus éminents publicistes du parti républicain socialiste (selon le Lachâtre de 1856), inventeur de slogans définitifs comme "la propriété, c'est le vol" ou "la démocratie, c'est l'envie".
** Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865), un des plus éminents publicistes du parti républicain socialiste (selon le Lachâtre de 1856), inventeur de slogans définitifs comme "la propriété, c'est le vol" ou "la démocratie, c'est l'envie".
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