mardi 27 février 2018

Nature et paysans


« Le paysan [...] n'est plus l'artisan universel qu'il était autrefois ; il renonce à façonner ses outils, il les achète, ainsi que ses vêtements, les meubles, les semences, toutes sortes d'ingrédients. La machine remplace l'outil. L'agriculture devient en partie une industrie détachée de la nature, imposée à la nature comme les autres industries. Dès lors, étant perdu, comment le paysan pourrait-il sauver l'homme de la ville ? » (Drieu La Rochelle dans ses "Notes pour comprendre le siècle" (1940).

La nature reconquiert ses droits, et si elle avait une âme comme le veulent les romantiques, on dirait qu'elle se venge. La surexploitation des sols par le sous-solage et la chimie les stérilise ; dans l'esprit des exploitants, ils deviennent de simples supports de culture auxquels il faut apporter tous les nutriments pour produire et même l'eau. Le ciel est presque un handicap puisqu'il est devenu une variable imprévisible du résultat futur. Des cultures entières en Espagne ou aux Pays-Bas sont entrées sous serres sur des milliers d'hectares, la Frise n'a pas osé la banane mais ça viendra.

Nous sommes quand même arrivés au bout du modèle productiviste, tout nous le montre, et les paysans broyés par la "machine" et ses chiffres, se tuent. Il y a d'autres modèles d'agriculture, des modèles responsables, pérennes, mais qui heurtent les intérêts des puissances établies sur les terres et les filières, sans parler des producteurs d'intrants et des semenciers. Rien ne prouve qu'une alternative écologique soit capable de se substituer au productivisme pour nourrir les villes mais les rares occasions d'essayer un nouveau modèle doivent être saisies afin de le faire avancer, de le faire mûrir. Notre-Dame des Landes est une occasion. Elle a ceci de particulier que le gel des terres les a préservées du Génie Rural de Loire-Atlantique et du fameux remembrement destructeur des haies, des mares et des rus. Le bocage ancien est généralement intact.

Cliché Loïc Venance/AFP

La ZAD n'est pas encore évacuée que la FNSEA hurle, le Conseil départemental hurle. Toute expérience est niée. Ce bocage méprisé que l'on voulait bétonner jadis pour en tirer quelque chose, voilà qu'il devient intéressant. Les responsables locaux veulent démembrer les mille six cents hectares de l'aéroport pour les remettre en circuit dans la SAFER sous la patte de la Chambre d'agriculture (FNSEA). Le Conseil départemental (PS), humilié par la décision d'abandon de l'aéroport de Pharaon, veut récupérer les neuf cents hectares dont il était propriétaire auparavant, mais pour en faire quoi ? Il n'a pas vocation à cultiver. Peut-être une base de loisirs humides avec un lac en ciment ? D'autres propriétaires expropriés dans les règles veulent maintenant revenir sur leurs terres. Dans l'expérience ? Le préfet de Nantes doit établir les règles de revitalisation de l'espace sous la pression des élus locaux, mais c'est Matignon qui va impulser le cadre. Attendons.

La Confédération paysanne a de bonnes idées qui ont été testées au Larzac. De jeunes artisans se sont formés sur la ZAD aux métiers de la ruralité, qui veulent continuer sur toute la zone de chalandise du projet. Les apports extérieurs, anarchistes pour la plupart, ne resteront pas au sein de communautés paysannes qui ne demandent qu'à s'organiser. Il faut demain laisser un peu de temps à la décantation, procéder à l'amalgame des propositions nouvelles, favoriser les conditions de démarrage pour ensuite laisser faire. Si d'aventure il fallait durant des années accompagner financièrement le projet pour le viabiliser, on devrait considérer qu'il a échoué. Mais d'ici là, tentons le coup ! Restera à peaufiner des modes alternatifs de distribution bi-passant les trois ou quatre centrales d'achats qui font la loi et les prix en pesant sur la qualité. C'est un autre sujet dans lequel on parlera des lanternes.



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