jeudi 12 avril 2018

Quel jeu du pape en Chine ?

La diplomatie du Vatican fut toujours réputée pour la qualité du renseignement collecté, jusqu'à aujourd'hui. Quelle mouche a piqué le pape François pour lui faire croire qu'il pourrait négocier avec le ministère des cultes de Pékin (SARA) une normalisation de l'église clandestine chinoise ? Jamais le pouvoir chinois n'admettra l'allégeance d'une partie de sa population à Rome, le Saint-Siège étant considéré comme une puissance étrangère. à tous points de vue.

La reprise en main idéologique de la société de consommation chinoise par le président, à vie désormais, coupe à angle droit les vapeurs de libéralisation soufflée par les émissaires pontificaux qui échangeraient une communisation du rite romain contre la libre pratique surveillée de ses prêtres et évêques œuvrant aujourd'hui dans la discrétion (parce qu'on ne peut parler de "clandestinité" en Chine).

Peut-être le pape argentin s'inspire-t-il du concordat napoléonien en faisant prier les fidèles du dimanche pour le président Xi et le Parti ? Les positions qu'il a prises publiquement dans d'autres domaines, comme les migrations, laissent penser qu'il ne doute de rien dans une démarche caritative d'une niaiserie rare. Comment peut-il imaginer que le Parti communiste chinois soit disposé à entendre ses arguments de justice, paix et charité alors que ces valeurs sont justement remises sur étagère dans la configuration de reconquête des esprits et des territoires ?


Cathédrale de l'Immaculée-Conception à Pékin

Si on apprend aujourd'hui aux écoliers que le céleste empire fut ruiné par les derniers empereurs mandchous, on leur dit aussi que les missions chrétiennes furent imposées aux Chinois en même temps que l'opium à l'époque des traités inégaux. Par endroit, les communautés chrétiennes sont maintenant harcelées pour leur foi en Jésus "qui n'existe pas" et qui ne les sauvera ni de la maladie ni de la pauvreté, alors que le grand Président Xi en est, lui, capable. On assiste à un retour du maoïsme qui ne supportera pas une idéologie concurrente en dépit des articles de la Constitution qui encadrent la liberté de culte. Voir pour s'en convaincre l'éradication complète des Falun Gong et surtout les méthodes employées, décalquées de celles retenues pour la Révolution culturelle de 1966.

Les catholiques chinois, tant de l'église patriotique que de l'église cachée, n'ont qu'un désir, celui de pouvoir prier ensemble le dimanche, recevoir les sacrements et marquer les fêtes importantes du calendrier chrétien. Etant en demande de spiritualité, peu leur chaut finalement que la hiérarchie soit inféodée à Pékin ou à Rome. La démarche du pape s'apparente plus à une poussée d'orgueil qu'à un geste de compassion envers des communautés fragilisées qui savent, elles, ce qu'elles risquent.


Cathédrale Saint-François d'Assise de Xian


Le nonce apostolique réside à Taïpei. Le plus sûr dénouement des efforts vaticanesques sera une rupture des relations diplomatiques avec la République de Chine, le déplacement de la nonciature à Pékin, et le flicage général de toute la hiérarchie catholique révélée par l'éventuel accord. Mais sur le papier, le pape aura "sauvé" l'église clandestine chinoise et si ça foire, Sa Sainteté priera !

En attendant, relisons les circonstances-clés qui gouvernaient les hommes dans la Chine ancienne, elles sont bien éloignées des soucis romains, et pour une fois, je l'envoie en latin si jamais Royal-Artillerie était sur la liste de presse du dicastère de la communication :

Philosophi animus nihil erat cui non attenderet. Is quibus attendebat, gravissima erant tria : primum erat abstinentia ante sacrum, quia est id quo homo cum spiritualibus intelligentiis conversari se parat ; secundum erat bellum, quia est id multorum mors aut vita, regni salus aut deletio a quo pendet ; tertium erat morbus, quia est id corporum nostrorum mors aut vita a quo pendet. (Confucius)


Pélé à Cross Hill dans le Shaanxi


PS : C'est un article de Cyrille Pluyette dans le Figaro du samedi 31 mars qui a mis la puce à l'oreille du Piéton.
Envoyé spécial à Luojiang, il a titré : « Dans le Fujian, les fidèles de Rome se cachent pour prier ».

4 commentaires:

  1. Le problème est que vous utilisez comme synonymes -un vieux travers français :)- les termes "Catholiques" et "Chrétiens". La progression du christianisme en Extrême Orient est due à l’expansion du protestantisme notamment du fait d'organisations missionnaires anglo-saxonnes (USA-Canada-Australie) qui fait qu'en terme de pratiquants (hormis les Philippines),les protestants se placent en tête avec un énorme avantage en zone de persécution: les églises protestantes fonctionnent de façon autonome (pas de centralisation, ni de hiérarchie basée à l’étranger) ce qui les rend bien plus apte a survivre clandestinement.

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    1. Ce n'est pas exactement comme ça. Dans la mesure où la communauté de croyants n'est pas inféodée à une puissance étrangère elle n'a pas à plonger dans la clandestinité. Le culte est libre dans le respect des bonnes moeurs et de la paix civile. Mais la construction d'églises/temples est soumise à permis, normes etc...
      Le problème des catholiques est que Rome veut nommer leurs évêques qui à leur tour ordonneront les prêtres. Cette hiérarchie enracinée à l'étranger est insupportable. Il en irait de même si le bouddhisme du petit véhicule était dirigé par le clergé birman.
      En fait la République populaire a créé une église autocéphale de rite catholique et je ne saisis pas le vrai motif de la démarche du Vatican. L'important est dans l'eschatologie et dans la rédemption. L'institution est secondaire.

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  2. Ok, ok, au temps pour moi! je pensais que c’était les Chrétiens en général qui étaient entravés dans l'exercice de leur foi...J'ai gardé mes bons vieux paradigmes des "eighties" ou l'empire du mal, c'était les rouges! A l’époque dans toutes les bonnes librairies protestantes on trouvait un exemplaire de "Un contrebandier en Chine" l'histoire d'un ancien du USMC qui passait des Bibles en douce chez Mao! D'ailleurs j'ai toujours trouvé que dans un tas de domaine un "marine" vaut bien un jésuite, mais ça n'engage que moi! ;)

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    1. Il est sûr que lorsque les rats du ministère de la Pensée conforme tombent sur le venin du Magnificat, ils surlignent le passage à l'attention de la SARA et demandent des explications:

      "Depósuit poténtes de séde, et exaltávit húmiles"

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