vendredi 14 septembre 2018

Chasse, viande et traditions

La lettre de Pierre Van Ommeslaeghe, prof de philo à... (faut pas le dire) est ouverte. Il est donc possible de la diffuser sous licence Creative Commons. La voilà telle quelle, seule la toile et le fusil sont de mon cru. Rien à ajouter, 100% d'accord.

Compagnie des Palanges

L’ouverture de la chasse, dimanche dernier, semble vous avoir particulièrement excités. C’est d’abord la baisse du prix du permis national de chasser qui vous a scandalisés. Rappelons que le droit de chasser pour tous est une conquête de la Révolution française. Souhaitez-vous que cette pratique soit de nouveau réservée aux plus riches ? C’est ensuite la RATP qui censure la campagne publicitaire de la Fédération nationale de la chasse, « Les Chasseurs, premiers écologistes de France », et fait modifier les affiches. C’est, enfin, un déchaînement de haine de la part de certains végans et de prétendus écologistes, voulant interdire purement et simplement la chasse, quelle qu’elle soit.

Pourtant, s’il est des amoureux de la nature, qui la connaissent, ce sont bien les chasseurs. Qui n’a jamais parcouru la forêt un matin d’automne, le nez saturé d’odeurs, l’oreille aux aguets, l’œil rempli de bruns, d’ocres et de vert, ne peut dire qu’il aime la nature. Le chevreuil qui traverse le chemin, le sanglier qui déboule, le lièvre qui détale, c’est la cerise sur le gâteau. Quel écolo-bobo peut distinguer un canard souchet d’un colvert ? Un hère d’un daguet ? Une martre d’une fouine ? Comment se prétendre écologiste quand on est incapable de distinguer une buse d’un milan ? Vous ne comprenez pas que l’on puisse aimer les animaux et en tuer ? Ceux d’entre vous qui ne sont pas végétariens sont hypocrites. Ça ne vous gêne pas de manger de la viande pourvu que vous ne sachiez pas comment elle est arrivée dans votre assiette. Mais quel est l’animal qui a connu la meilleure vie ? La vache cantonnée dans une stabulation toute sa vie à manger, au mieux, du foin ou le chamois qui l’a passée à brouter dans les montagnes ? Le chasseur qui mange une bécasse l’a débusquée, visée, tuée. Il sait réellement ce que signifie manger de la viande. Cela signifie tuer un animal. Il l’a tuée avec le moins de souffrance possible (pas comme dans certains abattoirs) et respecte un plan de chasse qui limite les prélèvements.

Certains d’entre vous, plus cohérents, ont fait le choix de ne plus manger de viande. Pour autant, je ne doute pas que, cet été, vous avez tué des guêpes, des mouches, des moustiques. Pourquoi serait-il immoral de tuer un sanglier, pour s’en nourrir, et moral de tuer un insecte parce qu’il nous importune, voire simplement parce que nous en aurions peur ? Au contraire. Les populations d’insectes, une des bases de la chaîne alimentaire, sont en effondrement. Depuis 1989, il y aurait 80 % d’insectes en moins. Par contre, les populations de sangliers sont en expansion. Les agriculteurs se plaignent de leurs dégâts et reprochent aux chasseurs de ne pas en tuer assez (près de 700.000 l’an dernier, pourtant, deux fois plus en vingt ans). Si on ne les chasse plus, ils risquent fort de dévaster les cultures ; voire de s’inviter dans vos jardins comme cela est déjà arrivé.

Vous voulez préserver la biodiversité ? Mais ce ne sont pas les chasseurs qui la mettent en danger. Beaucoup de programmes pour la protéger sont mis en œuvre par leurs fédérations départementales. Ce qui met cette biodiversité en danger, ce sont les éclairages nocturnes ; c’est l’artificialisation des sols, notamment à cause du développement des centres commerciaux ; ce sont les produits phytosanitaires épandus dans les champs ; les plastiques rejetés dans la nature. Souvent les conséquences du mode de vie citadin qui est le vôtre.
PVO
(publiée sur Boulevard Voltaire le 10 septembre 2018)





Postscriptum du 15.09.2018

Sur Boulevard Voltaire hier, M. Eric Madigand apporte la contradiction au plaidoyer pour la chasse de Pierre Van Ommeslaeghe (c'est ici). Si les pratiques dénoncées existent, elles sont dans leur immense majorité le fait de chasses à parts. C'est une industrie de loisirs par actions. Elle sévit en Sologne mais aussi dans d'autres territoires propices à l'élevage du gibier et aux larges parcours de chasse. S'y adonnent des rupins qui achètent une "action" pour venir le week-end passer la journée, parfois avec des clients, parfois avec leur maîtresse, et qui ne peuvent repartir avec trois grives et un perdreau pour la ice-box de la malle.

On ne fera pas l'injure à PVO de prétendre qu'il ne connaît pas ce dont il parle, comme s'y aventure M. Madigand, parce qu'il vit au cœur d'un territoire cynégétique où l'on chasse derrière son chien, sinon en battue paysanne pour réguler les cochons qui, saturés de glands, descendent vers les cultures.

Quant à parler de "souffrance morale" du gibier, il eut mieux valu dire souffrance tout court ou traumatisme. Le toutou de La Folle de Chaillot n'a aucune morale ; il n'est pas construit pour. Et soutenir que les animaux ne sont pas des objets - avis que je partage - convoque leurs défenseurs à un stage d'une seule journée en abattoirs pour bien vérifier le monde réel et devenir le lendemain végétarien après une nuit blanche.

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