dimanche 14 octobre 2018

Sécularisation ratée d'une église modernisée


Peyrefitte (07-00)
Dans un article paru le 4 octobre 2018 dans La Manche Libre, l’abbé Henri Vallançon dénonce la communication catholique avec les mots qui vont bien (signalement de Riposte Catholique). Nous reprenons cet article in extenso, plus bas. Ce qui nous intéresse dans ce cri du cœur c'est la description de la dérive de l'Eglise dans son rapport au pays réel, et sa communication subie en lieu et place d'une propagande vigoureuse de la foi qui devrait être sa première mission. Notre propos est d'approcher la question sexuelle particulièrement prégnante dans la presse mondiale, même si la photo ci-contre du distingué pornographe Roger Peyrefitte signale aux jeunes lecteurs que l'affaire est de longue mèche, puisque, selon lui, on a de tout temps "touché" dans les institutions.

Nous ouvrons les "hostilités" avec l'expression d'un certain désarroi du cardinal Vingt-Trois de Paris qui, interrogé une énième fois sur les affaires de sexualité du bas-clergé, avait répondu dans la plus parfaite orthodoxie canonique que « l'Eglise étant l'ultime refuge des pécheurs, elle ne pouvait les chasser à quelque motif que ce soit ». Sauf que vouloir vivre dans le siècle fait obligation aux prélats de prendre toute mesure pour éviter que l'Eglise elle-même n'en soit expulsée. Or c'est bien ce qu'il se passe depuis des lustres, l'érosion des fidèles manifeste entre autres questions relevant de la métaphysique un doute quant aux mœurs, puis le rejet de ceux qui personnifient la foi. Le regard des gens a changé plus rapidement aujourd'hui avec l'avalanche des affaires glauques touchant les monsignori américains. La Curie et les épiscopes peuvent fermer les yeux et faire le gros dos, mais ils donnent prise maintenant comme jamais à leurs ennemis qui risquent bien de les broyer sous les chenilles de la calomnie. Tous les contrefeux ont échoué, l'abbé Vallançon l'expliquera à sa façon, dans un domaine parallèle au nôtre, le magistère.

La sexualité du clergé fut de tous les conciles. Les remèdes, peut-être imparfaits, chassés par la porte sont toujours revenus par la fenêtre. Deux mille ans plus tard, on en parle. Et de quoi s'agit-il au final : du mariage des prêtres quand ce n'est pas du sacrement de mariage des prêtres déjà en concubinage. Qu'on ne croit pas que cela soit un effet de mode, une conséquence de la libération sexuelle post-soixante-huitarde ou conciliaire. Sans parler des Eglises d'Orient qui ont passé l'éponge, les curés en ménage par chez nous remontent aux premiers jours de la chrétienté et la règle semble avoir été générale dès le haut Moyen-Age. Les concubines n'assuraient pas seulement le repos du guerrier (en le détournant ce faisant d'autres conquêtes en ville pour la sûreté du bourgeois en voyage) mais faisaient office de sacristain, bedeau et parfois au décès du titulaire, assuraient le service de la messe dominicale en attendant la relève. L'Eglise anglicane et ses dérivés ont tranché et ne s'en portent pas plus mal, même si les vocations n'y ont pas explosé.

Lusia et son mari Naseem, curé chaldéen de la paroisse d'Yverdon-les-Bains (sur le lac de Neuchâtel)

Les motifs du célibat des prêtres sont établis sur les évangiles et les actes des apôtres, mais la purge des textes contemporains du Christ par les Pères de l'Eglise pour aboutir au droit canon n'a pas éliminé le doute quant à la vie sociale de Jésus de Nazareth. Si on entend parler de ses "frères" - ce qui serait très normal pour récompenser le charpentier Joseph d'avoir accueilli une fille-mère de la maison de David - rien n'affirme dans les textes parvenus jusqu'à nous, ni qu'il ait été marié ni du contraire explicitement. Sa vie, pour ce qu'il en reste, nous laisse donc le choix. Procréa-t-il ? Beaucoup aimeraient le croire pour simplifier l'épure dynastique chez nous. Même si le pamphlet de l'abbé Vallançon ne débouche pas sur le mariage des prêtres mais sur l'hérésie en cours au Vatican (divorcés, homosexuels), nous persistons à penser qu'un environnement familial normal relâcherait tensions et pulsions intimes. Revenir au bréviaire (supprimé par Vatican II) devrait compléter le dispositif et remettre de l'ordre dans le tumulte des pensées. Mais sans doute est-ce archaïque ! Et les arguments des célibataires qui, faute de bases inexpugnables, ne peuvent transcender l'apologie du célibat au lieu de se vautrer dans les statistiques de la pédophilie, sont risibles tant ils se démontent facilement. Tout le monde les sait, nous ne les reprenons pas, sauf cette perversion du propos qui fait passer le mariage pour un nid d'incestes (puisque les cas de pédophilie sont majoritairement familiaux) afin d'en détourner le clergé. Il leur faut avoir l'esprit particulièrement tordu pour avancer sur une dialectique aussi biaisée. Mais le motif le plus fort à refuser le mariage gît dans la Bible juive elle-même : le premier personnage de l'histoire humaine s'appelle Eve. Dès le départ, elle a ruiné Le Projet. Et tous les ronds de fumée des docteurs de la foi pour être raccord avec l'opinion dominante ne suffiront pas à masquer la misogynie originelle de l'Eglise catholique. Ecoutons maintenant l'abbé :


Adresse de l'abbé Vallançon à sa hiérarchie :

Une nouvelle fois, l’Église est entachée par le scandale de nombreux prêtres à travers le monde ayant pratiqué des actes sexuels sur des mineurs.

Le même scénario se répète à chaque fois : des déclarations de honte et de repentance sont produites par les autorités catholiques, avec une note appuyée de compassion pour les victimes et des promesses de réforme pour l’avenir. Évidemment, l’efficacité de la réaction perd de sa force au fur et à mesure, car nous suivons, apeurés, un rythme qui nous est imposé : c’est seulement depuis que les victimes organisent leur riposte juridique que nous disons prendre conscience de la gravité de ces actes délictueux ! Il nous faut la pression des médias pour esquisser un commencement de réaction. Incapable de juger à temps les coupables et de leur appliquer les sanctions appropriées, l’institution ecclésiastique ne se détermine plus guère à partir d’un jugement objectif sur les fautes selon son droit canonique et sa doctrine théologique, mais elle se contente d’organiser avec des experts laïcs des communications de crise.

La ruine de l’autorité morale de l’Église qui en résulte la détruit de l’intérieur : elle n’existe que pour être le témoin crédible de la révélation divine. Prêtres qui vivons au contact des gens, nous sommes atteints au cœur : si nous avons perdu leur confiance, notre ministère est impossible.

Ce qui me frappe dans les réactions officielles, c’est leur impuissance à s’élever au-delà du registre émotionnel et à identifier les causes du mal. La pédophilie de ces prêtres viendrait de leur « cléricalisme » et de leur « séparation », de leur prise excessive de distance vis-à-vis des autres, etc. On se rapproche le plus possible des arguments qui conviennent aux médias, pour négocier leur indulgence.

Outre que tous les cas que je connais contredisent ces explications, la question de fond me semble la suivante : comment est-il possible que la conscience d’un prêtre soit si profondément obscurcie qu’il en vienne à poser des actes aussi graves ?

Depuis quelques décennies, un mouvement général de sécularisation du prêtre s’est emparé du clergé, un climat anti juridique et anti doctrinal s’est développé au profit de postures soi-disant pastorales, les signes distinctifs visibles ont été abandonnés dans l’habit et dans le comportement. Malaise autour des concepts de loi et de dogme, effacement des justes frontières dans les relations humaines... Comment, dans ces conditions, le prêtre peut-il garder vive la conscience qu’avec l’onction sacerdotale reçue au jour de son ordination, il est un être consacré, mis à part par le Christ pour être totalement dédié à Son service ? Peu à peu, tout se banalise. Si ce qui est le plus sacré se désacralise, le plus grave devient anodin.

Depuis quelques décennies, au catéchisme, dans les séminaires diocésains, dans les homélies se sont radicalement estompées de la formation de la conscience morale : une définition claire du péché originel, à cause duquel nul ne peut être sauvé sans la grâce de Dieu que confèrent les sacrements ; la possibilité du péché mortel, dont la conséquence est la damnation éternelle ; l’existence d’actes intrinsèquement pervers, indépendamment de l’intention de celui qui les pose ; la nécessité de l’ascèse et du sacrement de pénitence pour lutter contre le mal ; l’obéissance à la volonté de Dieu et l’acceptation de tous les sacrifices à consentir pour ne jamais la transgresser ; la place d’honneur faite à la vertu de chasteté, dans le mariage comme dans le célibat consacré ; la mise en garde vis-à-vis du monde et de ses sollicitations qui souillent la pureté de l’âme...

Tant que les hommes d’Église ne renoueront pas avec la prédication de ces vérités évangéliques, ils se laisseront eux-mêmes corrompre par le mal qu’ils ne combattent plus et entraîneront dans leur dérive ceux auxquels ils s’adressent. (HV)




Pour en revenir à nos moutons, égarés, et rester positif, le Piéton du roi fait une suggestion ciblée qui en vaut bien d'autres : quand un prêtre reconnaît des pulsions pédophiles en lui-même, il réclame la clôture à son évêque et celui-ci le place dans un monastère à cilice, silence et mâtines, laudes, tierce, sexte, none, vêpres et complies, de quoi maîtriser la testostérone comme dirait l'abbé de La Morandais.
Si le prêtre a succombé, l'évêché le prépare à affronter la justice du pays où le forfait a été commis, puis le remet aux autorités judiciaires, muni de la Practica Inquisitionis hæreticae pravitatis de Dom Bernardus. Ne souriez pas, c'est sérieux, connaissant les arcanes historiques de la garde à vue jusqu'au "mur", il avouera ou niera sans peine !



Graduel Dominabitur du Christ-Roi



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