jeudi 29 novembre 2018

DEMOS KRATOS


Le peuple des Gilets jaunes est le peuple tout court dès lors que 84% de la population les soutiennent. Son message n'est pas inaudible ou désorganisé, mais simple : ils disent à l'Etat : « vous nous faites mal, nous avons mal !»
Et ils ne se trompent pas d'interlocuteur dans un pays tout-Etat comme le nôtre. A la réserve près que la Nomenklatura est habituée à défendre en fond de court chez elle à Paris et pas sur quinze cents rond-points ! Les Etats généraux de Versailles où le roi s'endormait ne sont plus possibles puisque le "peuple" récuse ses représentants, mal-élus pour la plupart sinon couchés. Le "peuple" exerce sa souveraineté à sa place chez lui et pas dans les parcs à huîtres parlementaires qu'on lui a désignés. C'est le Demos Kratos.
Une forme de révolution qui ne dit pas son nom (au début elle ne s'appellent pas comme ça) mais qui dynamite la constitution-même du régime politique imposé et ses fameux corps intermédiaires à l'embouche. Ils sont maintenant trop gras pour trouver l'agilité intellectuelle qui transformerait l'insurrection en évolution. Ceux de la technocratie régnante, qui persistent à croire que tout est dans la faiblesse des explications, seront les premiers à la lanterne parce qu'ils ne se méfient pas. D'autres, venus du monde réel, supputent une vague scélérate qui peut tout emporter sauf la ruine. D'ailleurs les palinodies des pouvoirs publics d'étage régalien ne trompent même pas ceux qui s'y adonnent. Des gens comme Edouard Philippe, Marc Fesneau, Bruno Le Maire et même Gérald Darmanin et François de Rugy ne croient qu'à moitié ce qu'ils sont obligés d'expliquer sur injonction du Château. Ils savent les réalités remontées du terrain mais surtout connaissent la mécanique du désastre quand le ressort de la montre commence à actionner la roue dentée des lendemains meilleurs.

Pour rester pratique, le mouvement des Gilets jaunes est comme le bâton merdeux plus facile à prendre qu'à lâcher. Aucun schéma de gestion de crise ne s'applique. Le mouvement est insaisissable par les subterfuges traditionnels. Et c'est bien pourquoi Jupiter tente de noyer le mécontentement dans le labyrinthe d'une usine à bavardages sur tout le territoire, dès lors que le faire à Paris devient dangereux. Mais bavarder trois mois n'aboutira pas, les hausses de janvier et deux ouragans de neige vont aggraver le ressenti du mépris jusqu'à la haine. Demain tout est possible, en pire !

Quelques voix se sont élevées pour désigner le régime obèse d'Etat-providence comme cause originelle du malheur, puisque plus de la moitié de la valeur ajoutée par l'activité des hommes nourrit la stratification administrative du pays et n'y suffit même pas puisqu'il faut compléter le racket fiscal national de fonds empruntés sur les marchés financiers internationaux. Tout est à réformer pour cesser la course à la faillite, si l'on veut que le réacteur redémarre : l'Etat, l'impôt, le modèle social et ses métastases. Après quarante ans de récompenses aux vainqueurs des élections du moment, de gabegie soviétique en croissance perpétuelle, de prestations sociales à guichets ouverts pour tous les non-cotisants d'ici et d'ailleurs, de coulage général des fonds publics dans des fromages républicains appelés hauts commissariats, hautes autorités, commissions, comités, instituts, offices, ligues et partis, on devine que la réforme dépasse les capacités françaises - Schröder était allemand - et que le char de l'Etat peut verser au fossé par la conjonction du mécontentement populaire et du désamour des agences de notation. Effrayées par les images qui détruisent le fameux consentement français à l'impôt, par les comptes publics en déshérence et par l'absence de résultats économiques, elles risquent de nous trouver risqués et de prendre cher pour nous laisser survivre.

Solution ? Aucune.

Utopie ? Oui. Le Demos Kratos doit se retrouver au niveau pertinent de perception, les régions ou les départements, et acter la véritable décentralisation de l'Etat sur les modèles espagnols ou allemands, ou italiens d'ailleurs. L'Etat-nation est mort, la Nation ne peut plus le porter sur son dos, elle vomit.

Reste l'essentiel, le dispositif national qui signe "France" dans les enceintes décisionnaires, on l'appelle "régalien". Stricto sensu dans son périmètre recentré, il doit être confié à des gens compétents, choisis sur examen, et pérennisé par la permanence de ce pouvoir-clef indépendant. Police, Trésor, diplomatie, justice haute, guerre et monnaie doivent être soustraits au débat démocratique pour les préserver des dérives démagogiques, et tout le reste de la vie publique rendu au peuple qui en région s'organisera comme il veut. A quoi sert l'uniformité, le jacobinisme, l'égalitarisme ? à garder les moutons.

Alors tomberont les chaînes de l'idéologie marxisante qui nous a mis à terre, et s'épanouiront la créativité et le génie propre à ce peuple et à tous ceux qui s'y sont agrégés par amour de nous. Un roi et sa famille ne feraient pas mal en pointe dorée de la pyramide pour identifier cet Etat nouveau, d'ailleurs le mot régalien vient de là. Resterait à trouver quelqu'un... On en reparle bien sûr.



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