lundi 10 décembre 2018

Une révolte par procuration


La nouvelle patronne de Marianne disait hier : « Quand on n'offre aucun débouché politique à la révolte, on engendre la radicalisation ». Natacha Polony aurait pu dire aussi qu'en temps de crue, les digues cassent quand elles contiennent le fleuve. Une chose est sûre : la violence n'est jamais contestée quand elle aboutit au changement souhaité. En France nous sommes les champions du monde depuis toujours, notre histoire est balisée d'insurrections et de guerres civiles terribles. De quelque bord qu'elle s'exprime, la violence n'est refusée qu'au moment de son déclenchement puis l'enchaînement logique des coups portés et reçus désinhibe les acteurs de l'insurrection qui sont dès lors obligés de réussir, et la tempête prend des tours !
La dernière révolte violente contemporaine date de mai 68. Elle a abouti, même si les répliques déclenchées ensuite par ce séisme ont annulé les avantages économiques sans pour autant amoindrir les nuisances du paradigme nouveau. Il ne reste de ce temps que le déclassement d'un pays abruti de socialisme. Mais il n'est même pas besoin de remonter si loin. La source la plus sûre de ce qui se produit aujourd'hui en France depuis un mois est la bavure de mai 2005. Quelle que fut la pertinence de ce référendum sur la constitution européenne, son résultat fut piétiné par la parasélite qui s'était monté le bourrichon sur la multiplication des prébendes dans une fédération qui "aurait besoin d'eux". Le peuple dit non, clairement non (55%). Et vint le Nain...
Sarkozy, qui ne fut jamais un stratège, ôta au peuple le jouet démocratique dont il ne savait pas se servir, pour relancer l'affaire au parlement qui perdit son prestige et son honneur dans cette forfaiture. L'humiliation du peuple fut explicite et l'anti-parlementarisme augmenta d'autant. Les électeurs de cette époque n'ont pas oublié. Ils détestent les représentants du niveau national (le fameux "tous pourris") ; à preuve s'il en est besoin, l'abstention aux législatives de 2017 a dépassé les suffrages exprimés. Ils savent au fond d'eux-mêmes que les défilés, retraites aux flambeaux, marches et processions ne sont que du happening. La manifestation monstre de 2013 contre la loi Taubira qui ouvrait le mariage civil et l'adoption aux homosexuels n'eut aucun effet, pire en haut lieu on se moqua ouvertement de tous ces vieux cons de province, facho-cathos qui étaient montés avec leurs poussettes se faire gazer. La répression du ministre Valls fut féroce et sa police, basse. Les grosses manifestations syndicales contre les lois "travail", la longue grève ferroviaire de 2018, les défilés répétés d'infirmières, tout ce cirque démocratique n'est que happening. Résultats ? Des comptages, des statistiques, des signalements sans suite.


Par contre l'émeute, avec son cortège de pillages, incendies, dévastations, porte des fruits quoiqu'en disent les gens de la haute. Et ainsi le gilet jaune du Vaucluse, de Loire atlantique, de Gironde ou du Val d'Oise sous-traite ses revendications aux pros de l'émeute, aux casseurs, pillards, canailles et oublie les "dommages collatéraux" de leur aboutissement. Le plus grave pour le pouvoir est que la masse des Français a compris ça :
- la violence est efficace ;
- le pacifisme n'a aucune chance d'aboutir dans un pays tenu par une oligarchie arrogante qui les méprise et maintenant envoie des blindés dans Paris ;
- il y a des courageux à qui sous-traiter notre inconfort ;
- eux-mêmes sous-traiteront à qui bon leur semble !
La casse est donc admise in petto puisqu'elle fait avancer le schmilblick.
Quatre-vingt pour cent des Français ont sous-traité la révolte aux gilets jaunes qui avaient la bonté de se les geler sur les barrages et dans les gaz de la Préfecture de police, gilets jaunes qui l'ont sous-traitée eux-mêmes aux pros de l'émeute et aux pillards !
Le président Macron ne devrait pas tenter de gagner la partie en sortant ce soir un lapin du chapeau pour achever la trajectoire de son programme par une meilleure communication, car les mêmes causes produiront les mêmes effets dans un an, en pire. C'est la porteuse même de son programme qui entame les positions sociales de la basse classe moyenne, parce qu'il doit préserver ses sponsors de la noblesse d'Etat et les immenses cohortes de fonctionnaires paisibles qui tiennent tout et sont en capacité de saboter ses réformes. M. Macron ne doit pas ruser sauf à jouer sa peau comme un enfant présomptueux de ses forces. Il doit rendre la parole au peuple et dissoudre l'Assemblée nationale. Et dans le même mouvement revenir sur l'Aventin de la Constitution qui laisse gouverner le Premier ministre, afin de sortir de l'avant-scène et cesser d'attiser une haine populaire maintenant recuite. Bien sûr ce n'est pas glorieux après avoir été la coqueluche du Monde libre ! Il peut aussi partir si c'est trop dur à supporter.
Quoiqu'on lui propose d'ici la Noël, le peuple a compris qu'on ne pouvait faire meilleure omelette qu'en cassant des œufs. Les profs de morale politique qui tentent de valoriser la non-violence hindoue n'ont plus l'oreille des gens. Ceux-ci détestent aujourd'hui le verbe autant que le président. C'est du tout concret ou rien. Monsieur le président, dissolvez et partez tête haute, comme Charles X ! L'histoire vous en tiendra compte parce que nous serons redevenus nous-mêmes ici chez nous. En clair :

BARREZ-VOUS !










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