C'est une affaire de sous-traitance qui a mal tourné. Au tout début, des gens invisibles dans la société de l'image ont mis des gilets d'accidentés de la route pour être vus des pouvoirs publics qui les ignoraient. Afin que nul ne les efface des journaux télévisés, ils occupèrent rond-points et bretelles d'accès aux zones commerciales, des péages autoroutiers aussi, pour faire ch... le peuple afin que ceux-là se plaignent. Bizarrement, ils obtinrent plus de soutien que de critiques, du moins de la part des "gens". Rien n'a vraiment bougé depuis trois mois. Le soutien populaire fluctue mais ne coule pas au fond de la mer des indifférences ! Les Français expriment leur ras-le-bol et sous-traitent leur mécontentement aux Gilets jaunes, lesquels, bien conscients que les manifs syndicales bien propres avec corso fleuri n'ont jamais rien donné, sous-traitent à leur tour les revendications aux casseurs..., lesquels sont la coquille de protection des black blocks ou comme on les appelait au XIX° siècle, les anars ! Tout s'emboîte. Et le pouvoir ne sait quoi faire plus que des proclamations qui toutes tombent à l'eau.
Ce ne sont pas les cinquante ou soixante mille gilets jaunes insurgés, infestés de black blocks et d'antifascistes, qui posent problème. C'est le soutien des deux-tiers des Français (on est monté jusqu'à 84%) qui ne faiblit pas quelles que soient les mesures, annonces, diversions lancées comme des boules dans les quilles de l'actualité. La porteuse est double : la classe politique est une nuisance ; le titulaire de la présidence a volé l'élection.
Alors les minions du Château ont inventé la cellule psychologique géante, le Grand Débat National (GDN). « Dites ce que vous avez sur le cœur et vous irez mieux » un peu comme le suspect en garde à vue : avouez, soulagez votre conscience. Manque de pot, les gueux ont vu l'embrouille et les trois premières semaines de débats les ont confortés dans le jugement que le GDN est en effet une cellule sociale de dégrisement et qui pis est, une plateforme de propagande du président en tenue de campagne qui capte les heures d'audience dans un one-man-show chaque fois renouvelé et dont la conclusion devrait être inédite pour tenir les promesses de l'exercice. Sauf que chacun anticipe déjà une sortie de crise de la couleur des gilets, la couleur des cocus.
Les vieux routiers ne voient que deux issues aux deux défis : dissolution de la chambre ou réinitialisation de la procédure présidentielle. Le quinquennat aura duré deux ans ! Au lieu de cela, le pouvoir et ses relais médiatiques sont complètement abrutis sur le GDN qui repousse l'échéance de décisions très difficiles, et ils se regroupent sous l'oriflamme de la légalité. Elus pour cinq ans, ils ont la loi avec eux.
Si Macron avait du Mazarin en lui, il arrêterait le GDN qui a déjà tout donné, et il convoquerait immédiatement le Congrès de Versailles pour réhabiliter la Constitution dans son esprit parlementaire :
- retour au septennat, mais à mandat unique ;
- injection d'un tiers de proportionnelle dans les élections législatives ;
- déconnexion des élections présidentielle et législatives : plus de législatives post-élection présidentielle.
Ce serait un électrochoc dont l'intensité diminuerait la prégnance des revendications catégorielles qu'il faudra affronter, mais plus tard. Pour sortir de l'ornière, il faut casser la présidentialisation du régime car les contrepouvoirs ne fonctionnent pas et les abus de position sont trop faciles. La Constitution est détournée en permanence dans son esprit, les pouvoirs s'en amusent. Si les quinquennats précédents ont eu leur lot de césarisme à éclipses, le mandat actuel n'est que césarisme ! Le bouquet "final" est l'affaire Benalla.
Si l'attitude du président Macron, onctueuse et rigide à la fois, est perçue par les Français comme un foutage de gueule cynique, ce ne sera plus l'insurrection de cinquante mille gilets jaunes mais la révolution en marche. Sire, ce peuple est terrible, disait quelqu'un à Louis XVI, surtout quand on lui a mis la tête à l'envers !