HC Strache |
Alors qu'il était parvenu à dédiaboliser son parti et lui-même, il ignorait qu'un ami qui lui voulait du bien l'avait filmé en train de se faire marabouter par une belle Slave à Ibiza. C'est con mais ultra-classique dans le manuel de prise d'intérêt du KGB. L'affaire, qui va grossir puisque le ministre de l'intérieur (FPÖ) est mouillé dans une fuite de secrets d'Etat, ferait un bon chapitre chez John Le Carré. Combien sont-ils comme lui pendus à la corde de leur passé ?
Enormément !
Nous ne parlerons pas des députés poutinolâtres comme Dhuicq, Mariani, Terrasse ou Lambert (clic) qui courent les manifestations russes où résonne le timbre de l'homme fort. Les mêmes ou presque et quelques autres comme Myard ou Lassalle sont allés sucer Bachar el Assad à Damas, à se demander s'ils sont étanches aux informations que leur position recueillait. Non, ces idiots utiles ne croient pas l'être, mais il en est ailleurs qui l'acceptent sciemment.
Au-delà du cercle parlementaire, il y a des agents d'influence du Kremlin à Paris, et même des émissaires sur compte russe chez nos princes, au moins un ! Mettons à part les russophiles qui sont en adoration de l'âme slave et de la civilisation de cet immense pays qui a toujours fasciné les Français, pays fantastique en un sens, le premier. Quand à seize ans, tu as dévoré l'intégrale de Dostoïevski, tu restes marqué à vie. Puis il y a ceux qui ont épousé de belles Russes et qui peuvent en parler de l'intérieur comme Matthieu Buge qui a publié en 2016 un "Abécédaire des clichés et fantasmes occidentaux*" chez Novyi Vek Media (Moscou) avec une joyeuse mauvaise foi communicative, le talent palliant la vérité si besoin.
(*) Le Cauchemar russe, Editions l'Inventaire, diffusion Actes Sud
Il est établi maintenant que la russophilis gagne parfois les esprits les plus déliés. Après une conférence à Saint-Pétersbourg dans le fief de Vladimir Poutine en mars, qu'est allé faire Marion Maréchal au forum économique de Yalta, manifestation instituée par le Kremlin pour banaliser l'annexion ? Sa tante, mieux avisée cette fois, a décliné l'invitation, la jugeant lourde à porter dans la campagne électorale européenne. Doute salvateur mais pas pour longtemps : Strache la plombe elle-aussi.
L'affaire ne déstabilise pas que la coalition Kurz à Vienne. Strache, Orban et Salvini étaient jusqu'à hier les trois représentants emblématiques de la droite dure européenne au pouvoir. Les acteurs du printemps patriotique, Marine Le Pen, Geert Wilders et quelques autres moins connus venus d'Europe orientale, ont cherché à faire masse lors de leur rassemblement de Milan, hier. Tous les ingrédients étaient réunis pour constituer une force redoutable de destruction de la technostructure bruxelloise. Ça ne va pas le faire. On peut déjà prédire une fracture ouverte désormais entre tous les acteurs de cette conférence du fait de la politique clivante du Kremlin. Que peut-il se passer encore cette semaine décisive ? Les partis orientaux de la droite au carré ont la phobie des Russes à des degrés divers - ils ont payé pour - et ils ne vont pas se livrer à des partenaires qu'ils jugent infectés.
Les relations du Front et du Kremlin ne sont pas claires pour ceux qui connaissent le travail de sape de l'ennemi. Et il y a une question d'argent entre eux un peu comme dans l'affaire Strache. Cette suspicion va affecter la constitution du groupe parlementaire européen appelé par Marine Le Pen pour faire bloc contre les eurolâtres à Strasbourg. Aucun nationaliste oriental ne va confier quelque chose à un Mariani par exemple.
Rien qu'en les citant on voit très bien la ligne de fracture :
Russophobes : Vrais Finlandais, Ekre estonien, Parti populaire danois, Volya bulgare, SPD tchèque, Vlaams Belang belge
Indéterminés : Sme Rodina slovaque, PVV néerlandais, AfD allemande (à cause du soutien de la communauté allemande originaire de Russie)
Russophiles : FPÖ autrichien, La Lega italienne, le RN français
S'il est très vraisemblable que le Rassemblement national puisse envoyer 22 députés** à Strasbourg, grâce notamment à la qualité dialectique de sa tête de liste Bardella, la constitution d'un groupe à lui seul lui sera refusée par le scrutin (il faut 25 députés) et il ne pourra pas agréger autour de lui la force sur laquelle il comptait pour agir enfin dans cette enceinte parlementaire aux mains de la bienpensance (PPE, S&D, ALDE...). Donc on s'achemine vers une participation relativement passive du RN comme pour les mandats précédents. Seule restera la victoire sur la liste Macron mais l'enjeu véritable de l'exercice n'est pas vraiment là, l'Europe affronte des défis autrement plus importants que ceux de la politique intérieure française.
(**) Un dernier sondage (IFOP) donne 24% au RN mais les listes mortes font 15% au total, donc la répartition des sièges se fait sur 85 et pas sur 100, ce qui fait 28% des votes utiles