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Au bonheur des morts


Revenant de lectures éprouvantes sur la cruauté mentale de la Sainte Inquisition¹, je découvre l'horreur de la perpétuation du procédé dans le cas de Vincent Lambert. La procédure tant décriée et mise en musique par l'inquisiteur de Toulouse, Bernard Gui, n'était jamais expéditive mais plutôt tortueuse. Contrairement aux Bons Hommes du Languedoc, aux Vaudois et autres déviants d'hérésies pas convenables qui pouvaient se défendre avec acharnement, bénéficier parfois d'un avocat, soudoyer plus tard leur geôlier pour améliorer l'ordinaire du Mur, Vincent Lambert a été jugé in absentia et condamné sans autre forme de procès au mur strict, et ta gueule ; puisque tu ne parles pas et qu'on ne peut faire confiance aux témoins qui jurent t'avoir entendu refuser la prison corporelle à vie.
Enterré vivant dans son propre corps, a-t-il l'étincelle de conscience pour se voir ainsi encloué ? C'est toute la question.

Son épouse, qu'on se plaît à insulter sur les réseaux sociaux, a fait tout et l'impossible pour le faire revenir parmi nous. En vain. Il faut lire le dossier avant d'apostropher celle qui a tout enduré avec courage et discrétion avant que la mère du patient ne prenne "l'affaire" en main.

S'il ne souffre pas et s'il ne se voit pas bloqué en lui-même, il sert de marotte à grelots aux imprécateurs qui nient la dignité d'une mort naturelle chez un corps asservi. L'époque étant au combat des pro-vie contre les pro-choix - le Piéton est pro-vie sans barguigner, dommage hein ? - le malheureux Vincent Lambert est l'emblème de gens qui dans ce cas précis se sont emparés de lui pour nourrir un noble combat de la pire manière ! Des gens que par son mariage il avait fuis en plus ! Mais tant qu'il ne le sait pas, la question n'est que budgétaire ; il meurt plus de quinze cents personnes chaque jour en France à tous motifs...

En revanche, s'il souffre de se voir ainsi bloqué, le maintien en conscience même minimale est de la cruauté. Vincent Lambert doit sa captivité à l'hystérie d'une foule de mortels bien-portants ayant décidé que sa condamnation à vie est pour lui la juste sentence des hommes. Malgré un solide corpus de décisions judiciaires et d’expertises médicales de très haute qualité² qui valide la décision d'arrêter l'obstination déraisonnable, la foule des doloristes catholiques augmente le son.

"Vivant!" criaient supporters et avocats des parents Lambert à l'annonce de la décision de la Cour d'appel de Paris ! "Vivant!" et les politiciens de verser dans la casuistique du souffle de vie que l'on ne peut pas souffler, dans le mystère de la flamme vacillante, l'insondable conscience intime et... le principe de précaution. "Vivant!" A qui souhaiter de "vivre" ainsi ?

Mais au fait, qu'en est-il de l'au-delà ?

Les groupes qui condamnent le mortel Lambert au Murus Strictus à perpétuité ne semblent pas croire en une vie après la mort. Et par conséquent au Royaume du Ciel qui l'accueillerait dans la lumière de la Révélation en le déchargeant de cette guenille qui l'enferme comme un cercueil ! Par le spectacle que nous offrent les partis catholiques, nous sommes en plein dans le tintamarre des prophètes et nécromants que dénonçait Maurras quand il était libre³. Tous ces larmoyeurs nient le fondement même de la foi d'une vie meilleure après la nôtre, foi qu'ils brandissent en étendard. Il ne restera de l'affaire Vincent Lambert, quand les hommes intègres l'auront dépêché à son Créateur, aucun autre mystère que cette hypocrisie de gens qui font semblant !

Par chance, une forme de compassion pour l'âme séquestrée demeure en France : le ministère de la Santé et le Quai d'Orsay ont déposé un pourvoi auprès de la Cour de Cassation sur la décision de la Cour d'appel de Paris de réanimer la vie végétative du patient. Certes, le pourvoi ne semble contester que le caractère impératif de l'avis du Comité international des droits des personnes handicapées de l'ONU, donné début mai, avis sur lequel la Cour d'appel fonde sa décision. Mais quelqu'un de la Chancellerie a jugé préférable de ne pas attendre que ce Comité statue sur le fonds d'un affaire instruite depuis des années en France, pour trancher au bénéfice de l'élargissement du prisonnier. Libérez Vincent Lambert !

Notes :
(1) Registre de l'évêque de Pamiers
(2) cf. Dr. Eric Kariger (Parti chrétien-démocrate) en charge de V. Lambert jusqu'en 2014
(3) Maurras dans Anthinea parfois et le Chemin de Paradis souvent