lundi 17 février 2020

Le mirage de la restauration


A mesure que passent les années, la restauration recule. C'est l'exacte définition du mirage, une réfraction optique de la réalité inatteignable. Dans notre cas, l'espace se double du temps : l'image provient du passé.
Est-ce vraiment cette image qui doit précipiter en régime politique à la faveur d'une prochaine révolution ? Nul ne le sait vraiment et sans doute est-ce le plus grand défaut du parti du roi que ce flou artistique sur le devenir du pays revenu à la monarchie. On parle de tout, de monarchie active, décentralisée, de monarchie constitutionnelle à l'espagnole, de présidence permanente sous le manteau de la constitution de 1958, et même de royauté mystique. Doit-on interroger les princes qui se sont déclarés pour ceindre la couronne de France le jour où elle leur tombera sur la tête ? A mesure qu'ils avancent en âge, les deux les plus en vue semblent stoppés sur une monarchie chrétienne qui défend d'abord la société bourgeoise traditionnelle et le régime d'assemblées. Ils donnent l'impression que nous reprendrons le fil depuis l'endroit où il s'est rompu, 1830 pour l'un, 1848 pour l'autre. A qui cela convient-il ? La question n'a jamais été posée.

La situation actuelle de l'opinion française remet en cause le modèle déprimé toujours en fonction. Il devient donc possible d'abattre ses cartes et de proposer un modèle innovant, à la seule exigence que l'épure soit claire, compréhensible par tous. Le projet de société publié par le Groupe d'Action royaliste dont le Piéton du roi va faire une recension critique dans quelques jours, a-t-il le mérite de la clarté et de la simplicité ? Il me plairait à plus d'un titre, surtout s'il échange une large démocratie de type cantonal contre un contrôle absolu* du régalien, prenant à Charles Maurras sa formule-choc : "l'autorité en haut, les libertés en bas". Tout compte fait, une restauration sera d'abord celle des libertés basses, aujourd'hui confisquées dans le prêt-à-penser officiel diffusé par l'Etat lui-même et ses relais de communication-propagande qui, du berceau à la tombe, formatent nos vies personnelles.
* Ab solu : étymologiquement ce qui est par soi, indépendamment de toute autre chose

Ensemencer l'opinion à l'idée du retour de la monarchie
convoque des moyens et des talents. Si les seconds existent, les premiers sont rares parce que l'argent n'est pas dans la culture royaliste et pourtant sans argent pas de Suisses ! On peut utilement passer voir Le Million du Roi (par ici) et nous ne revenons pas sur cette exigence imparable du "nerf", au moins pour la diffusion du projet. De beaux esprits éthérés me signalent parfois que cette propagande coûteuse qui vise à retourner l'opinion dévoie le projet royaliste puisque le souverain ne peut être issu du protocole démocratique. Selon eux l'intention est de rompre avec les alternances d'un régime d'opinion et donc d'en finir avec les sautes d'humeur de l'électorat. A quoi je m'use l'esprit à rétorquer qu'en pays gaulois il est futile de croire qu'un changement de paradigme puisse tenir longtemps sans la confirmation du peuple, peut-être pas avant mais certainement après. Il faut donc préparer les "gens" au retour d'un roi.

Mais comme il est dit plus haut sous réserve d'une construction fondée sur la justice et le besoin du peuple, c'est la clarté qui prime. Pourquoi changer, comment changer, vers quelle épure institutionnelle ? Et se pose déjà la question des princes. Viennent-ils dans ce projet pour le renforcer jusqu'au succès de l'entreprise ou reportent-ils à meilleure fortune leur nihil obstat ? La tentation fut grande chez eux de se mouler sur les circonstances dans une position de chasse à l'affût plutôt qu'en battue. On les sent impliqués dans les valeurs familiales, l'invocation à l'histoire, les commémorations pieuses, une certain souverainisme élastique ; on les sent moins en politique et pas vraiment novateurs. Le prince Jean qui a déblayé la voie de ses ambitions semble vouloir creuser de nombreuses questions politiques ou sociétales. Laissons-lui le temps de s'affirmer, mais avouons qu'il en a beaucoup perdu jusqu'ici.

Tout deviendrait plus facile pour relever les ruines si se levait « un de ces hommes qui semblent nés en un moment précis de l'histoire pour rassembler de vastes domaines en un tout organique, rendre une civilisation entière au sens de son unité ; un caractère d'acier, tranchant et souple, une intelligence politique exceptionnelle et, de surcroît, une âme noble ». Tel est Saladin, le rédempteur de l'islam en Terre sainte, l'ami de Richard Cœur de Lion et d'autres barons croisés, qui apparaît dans La Croisade de Daniel-Rops. Si ce prodige est né, nous ne le connaissons pas. Ou bien est-il trop jeune pour sentir en lui la vocation de roi ! Ferons-nous avec ce que Dieu nous donne ?

Quoiqu'il en soit, le mirage recule toujours dans le temps, mais nous allons essayer d'avancer quelque peu les pendules avec le "Projet de société" du GAR. A bientôt.



5 commentaires:

  1. Restaurer ? Instaurer ? Je n'imagine ni l'une ni l'autre sans un coup d'Etat au creux d'une grande dépression qui ravagera le pays. Qui voyez-vous d'assez capable pour surgir au bon moment et avec des équipes prêtes à redémarrer le moteur de l'Etat ?
    J'attends votre point de vue sur le Projet du GAR.

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    1. A votre première question, je dirais "instaurer" puisque nul de vivant aujourd'hui ni demain n'a connu l'ancien régime, et qu'il serait oiseux jusqu'au burlesque de dire qu'on a restauré l'ordre précédent. Certains historiens plus proches de cette époque nous ont brossé le portrait d'un immense foutoir perclus de corruption, et de passe-droits mais où il faisait bon vivre pourvu qu'on ait du bien ou juste une modeste charge.

      A votre seconde question, je répondrais "personne" au moment. Surtout s'il s'agit d'avoir préalablement constitué une équipe capable de rallumer les feux dans la soirée. Nous avons des princes-penseurs et sans doute ils ne suffiront pas.

      J'ai attaqué le pavé du Projet de Société du GAR et j'avance le crayon au doigt, mais c'est une somme. Patience et merci de votre intérêt renouvelé.

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  2. Le royaume n'a pas besoin d'être restauré, enchainé il a besoin d'être libéré. Cela commence certainement par le travail que vous menez, merci.

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  3. Mais je crains de m'être égaré en terre orléane. Il n'y a qu'un roi et c'est l'ainé de la branche ainé.
    Vive Louis XX.

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    1. Tout est si simple :)
      Mais qui prétend sans se battre sera dépassé par celui qui se bat sans prétendre et sera au final le dernier debout à Paris et sans doute pas le premier à Reims. Nos princes acceptent d'être appelés par l'histoire mais ne me semblent pas taillés pour la faire. Cela peut-il changer ?
      Cordialement.

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